Plus d’un an après la sortie papier – couronnée de succès avec plus de 150.000 exemplaires vendus – de son précédent roman, Agnès Martin-Lugand sort son nouvel ouvrage : Entre mes mains le bonheur se faufile. Exit Diane et son Irlande rédemptrice : l’héroïne se prénomme désormais Iris, une couturière prête à investir, non sans appréhension, la capitale de son éblouissant talent. Parlons Info vous propose un résumé du livre, agrémenté des mots de l’auteure qui a accepté de répondre à nos questions.

S’il fallait un mot pour décrire la vie d’Iris, nul ne conviendrait mieux qu’insipide. Effectivement, la jeune femme étouffe dans une existence où elle ne peut être celle qu’elle sait qu’elle est : un emploi assommant dans une banque, des proches condescendants face à ce qui n’est pour eux rien d’autre qu’une lubie et un mariage qui n’a de cesse que de s’effondrer depuis ses balbutiements, onze années auparavant…

Face à tout cela, une seule porte de sortie : la couture. C’est seulement quand elle joue de l’aiguille pour créer qu’elle exulte, qu’elle quitte la morosité de son quotidien. Iris finit par quitter – non sans joie – son emploi et dépose sa candidature pour une petite formation « financée par un mécène discret ». L’indicible joie qui s’empare de la jeune femme lorsqu’elle est acceptée contraste avec l’indifférence – voire le mépris – exprimée par son mari mais peu importe, c’est là que commence véritablement l’aventure d’Iris. Dans ce nouvel ouvrage d’Agnès Martin-Lugand, nous suivons donc Iris dans une nouvelle vie, entre accomplissement et déception et avec un suspense qui ne se dénouera que dans les ultimes pages de l’ouvrage.

 

Agnès Martin-Lugand

Agnès Martin-Lugand

Parlons Info : Quelles ont été vos sources d’inspiration pour ce nouveau roman ?

Agnès Martin-Lugand : On se pose tous à un moment ou un autre la question « Ai-je fait les bons choix ? » ou « Aurais-je pu faire autre chose de ma vie ? ». Les conséquences de nos choix ont des répercussions sur l’ensemble de notre vie. Iris se dit par exemple que, si elle reprend en main sa vie professionnelle, elle sera à nouveau heureuse et épanouie et pourra reconquérir le cœur de son mari qui la délaisse… Cela ne va pas être si simple que ça ! De plus, je voulais montrer qu’en prenant ce risque, on prend surtout le risque de l’inconnu. Là, en l’occurrence, il est question d’un monde totalement étranger à Iris car elle n’a finalement pas idée que des personnes telles que Marthe et Gabriel puissent exister et encore moins lui porter de l’intérêt.

PI : Pouvez-vous expliquer le processus de création de vos personnages ?

AM-L : Je dote mes personnages de qualités, de défauts. Je crée leur anamnèse pour détenir le pourquoi du comment ils en sont là aujourd’hui. L’idée est que leurs interactions avec les autres les fassent révéler qui ils sont, dans le positif comme dans le négatif. Il est vrai qu’avec mon personnage principal, je développe un lien très étroit. Je vis, dors, mange, fais mes courses, pars en vacances avec. J’ai l’impression que nous entretenons de grandes discussions. J’y mets de moi, sans pour autant qu’il soit un clone. Je considère Diane et Iris comme ayant toutes deux un caractère foncièrement différent et pourtant, elles ont toutes les deux des traits que me sont propres.

PI : Étant psychologue de formation, vous êtes vous servi de personnes ou d’évènements réels pour donner de la crédibilité à votre récit ?

AM-L : Non, je n’ai jamais puisé dans mon ancienne vie professionnelle pour y trouver l’inspiration. J’aime toutefois m’intéresser aux traumatismes, à ce qui fait rupture dans une vie. Je puise également dans les réactions de la vie de tous les jours. Iris est une femme normale à qui il va arriver quelque chose d’extraordinaire, mais elle, à la base, est ordinaire. Je cherche par tous les moyens à ce qu’on puisse s’identifier à mes personnages, et je pense que c’est en partant de réactions courantes que l’on peut y arriver et se dire « et moi, à sa place ? »

PI : Lorsqu’on lit votre nouvel ouvrage, on est surpris par la facilité apparente avec laquelle vos mots s’assemblent. Pouvez-vous décrire quel est votre rapport à l’écriture, comment vous l’envisagez ?

AM-L : L’écriture n’est pas chose aisée, loin de là ! J’aime me plonger dans mon histoire, c’est peut-être ce qui donne cette impression. Après, il est vrai que je ne cherche pas à compliquer les choses, j’aime les phrases courtes, qui envoient. Plus je travaille, plus je pense que l’on peut véhiculer beaucoup d’émotions en peu de mots. Lorsque je me lance dans l’écriture en tant que telle, j’ai un scénario très détaillé, je remplis les cases ! Dernier élément primordial dans mon écriture : c’est la musique. Je ne peux pas écrire sans. Elle m’inspire, me porte, me lance parfois lorsque j’ai des difficultés à écrire. La musique me donne une atmosphère, me guide vers les émotions de mes personnages. Et suivant la musique qui berce la scène, mon écriture peut être rapide ou plus lente suivant le tempo !

PI : Vous nous avez habitués à des personnages principaux féminins avec Diane et Iris, pourtant, vos personnages masculins sont très aboutis – Edward et Gabriel par exemple. La question est la suivante, pensez-vous écrire un jour un roman ayant un homme pour personnage principal ?

AM-L : J’aime développer mes personnages masculins pour ce qu’ils vont révéler de mon personnage féminin, ce qu’ils vont susciter en elle. Edward par exemple par son caractère dur et sauvage va pousser Diane à se battre, à se réveiller. Gabriel quant à lui va révéler la femme qui est en Iris. Et ce sont ses blessures à lui qui vont la pousser au-delà de ce qu’elle imaginait pouvoir encaisser et faire pour l’homme qu’elle aime. Quant à me glisser dans la peau d’un homme pour écrire, je ne me sens pas encore prête. Je ne serais pas honnête vis à vis de moi-même si j’écrivais à la place d’un homme. Et puis, je crois que je préfère les observer avec mon regard de femme, m’en faire une idée, traquer leur défaut et leur qualité.

PI : Vos personnages féminins ont en commun d’avoir été malmenées par la vie, que ce soit Diane avec la mort de sa famille ou Iris emprisonnée dans une vie qu’elle ne souhaitait pas. Le point commun à ces deux femmes est d’avoir plus ou moins tout quitté pour aller chercher – ou retrouver – le bonheur ailleurs. Pensez-vous que l’évasion est le meilleur moyen pour atteindre ce but ?

AM-L : En ce qui concerne Diane, si elle part, c’est pour fuir. Son idée première n’est pas de s’en sortir en quittant tout : elle veut s’enterrer vivante. Et la vie va reprendre ses droits bien malgré elle, là-bas. Iris, quant à elle, n’a pas en tête au moment de la prendre que sa décision de reprendre une formation va bouleverser totalement sa vie. De mon côté, je ne sais pas si l’évasion est une solution… Je crois surtout qu’il faut rester ouvert à toute possibilité, opportunité et que, peut-être, cette ouverture sera celle qui nous permettra de trouver le bonheur… Le contraire peut aussi avoir lieu, on peut décider de tout quitter et réaliser une fois parti que le bonheur était là, avant, mais qu’on ne savait juste pas le savourer à sa juste valeur !

PI : Iris est une femme vivant au travers de son époux, destinée à quitter son emploi pour s’occuper de la famille qu’elle fondera plus tard avec Pierre qui ne se soucie de rien d’autre que de sa carrière, surtout pas des envies de son épouse. Critiquez-vous par le biais de cette relation une certaine catégorie de la population, plutôt conservatrice, qui continue à prôner ce modèle familial ? L’émancipation de la femme est-il un sujet qui vous tient particulièrement à cœur ?

AM-L : Oh, là, là !! Aucune revendication dans mon écriture si ce n’est de dire que pour une femme, cela peut être difficile de tout concilier : enfant, vie de couple et travail. Où la femme peut-elle se trouver dans tout ça ? Oui, je pense qu’elle peut avoir à se battre pour trouver sa place et savoir qui elle est. Mais Iris est aussi responsable de cette situation, elle s’est laissée enfermer dans cette vie sans réagir, en laissant faire, quitte à s’éteindre et à perdre l’intérêt de son mari. Rien ni personne n’est jamais tout blanc ou tout noir dans une situation telle que celle que vit Iris.

 

Entre mes mains les bonheurs se faufile est disponible aux éditions Michel Lafon.

Simon Sainte Mareville