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Le Booba nouveau est arrivé le 26 novembre. Comme le Beaujolais. Faisons un point sur l’évènement de l’automne.

Cet album est fortement attendu compte tenu de l’ampleur que prend Le Duc de Boulogne depuis 3 ans. Après le tollé de « 0.9 », sorti en 2008, Booba s’est recadré sur « Autopsie Volume 3 » avant de monter en puissance en 2010 avec le robuste et équilibré « Lunatic ».  « Autopsie Volume 4 », sorti à l’automne 2011, avait laissé apparaître quelques failles assez bien masquées par de très bons morceaux (Bakel city Gang, Paname ou encore Vaisseau Mère). C’est donc peu dire que l’album « futur », nouveau cru de Booba, était fortement attendu.  Booba serait-il capable de livrer une prestation parfaite ou tomberait-il dans la facilité avec des morceaux commerciaux et auto-tunés ?

Un album globalement puissant

La force de Booba réside dans des instrus surpuissantes, lourdes, et des punchlines acides, drôles et agressives. « Futur » ne déroge pas à cette règle. D’entrée de jeu, le rappeur du 92 nous délivre « G5 » : une intro sombre à l’instru spatiale et rythmée. Puis Booba déroule comme il sait faire. Il envoie des uppercuts textuels comme  « Maki Sall Music », « Pirates », « Maitre Yoda » ou encore « 2pac ». Dans ces morceaux, il démontre une capacité à accélérer le rythme et à ne pas s’enfermer dans des rimes classiques et convenues. Le morceau «Pirates » en est la preuve flagrante : le refrain est rappé encore plus fort et encore plus rapidement tout en tenant le cap du fond.

Malheureusement, Booba ne peut s’empêcher d’inclure dans ses albums des morceaux commerciaux, « chantés » (comprendre auto-tunés).  Les exemples les plus probants sont « Tombé pour elle », « Tout C’que j’ai » ou encore « Futur » en guise de conclusion. Ces morceaux, pas mauvais dans le fond mais assez lacunaires dans l’ensemble, semblent être directement destinés à un public plus large, probablement plus novice.

La force de Booba réside également dans la présence d’invités sur ses albums. On y retrouve Mala, le compère du 92i, présent sur quasiment tous les albums du rappeur boulonnais mais aussi Kaaris, un rappeur assez méconnu mais étonnement talentueux bien que le morceau Kalash n’en soit pas le meilleur exemple.  Mais surtout, avec « Futur », Booba enfonce ostensiblement la concurrence en invitant des pointures du Rap US : Rick Ross (qu’on ne présente plus) et 2chainz. Ce dernier, qui est moins connu que Rick Ross, vit son heure de gloire aux Etats Unis où il a notamment posé avec Kanye West et Pusha-T sur le monstrueux morceau Mercy, présent sur le dernier album de Kanye West.

Un album sensiblement creux

Bien que la forme soit d’une réussite rarement égalée, le fond reste la faiblesse de Booba. Depuis ses premiers textes dans le « crime paie », Le duc de Boulogne  n’a de cesse de faire l’apologie de l’argent facile. Ses textes lâchés avec force, mâchent sans cesse les topics récurrents des grosses voitures, des armes, de l’argent à foison et des belles filles. On regrette amèrement que Booba ne soit pas capable de nous emmener dans une ambiance propre à son album. Comme Youssoupha a su le faire sur « Noir D**** » où l’ambiance de studios et d’écritures rendent chaque morceau propre à cet album humain. Booba, lui, délivre une prestation impersonnelle. Les seules nuances à apporter sont les références multiples à son ami Brams (Ibrahim Keita) mort en mai 2011 à qui il avait déjà dédié son clip « Paname ». Mais cette sensibilité où Booba se dévoile plus personnellement est vite éludée par les claques et les « scuds » envoyés à la concurrence qui commencent à faire grincer des dents. Le trône du « Boss du Rap Game » n’est pas à céder certes, mais il semble bancal.

Booba, un rappeur esseulé

Booba a la fâcheuse tendance d’agir seul. Bien que ses albums comportent à chaque fois des invités, la plupart du temps ce sont les rappeurs de son collectif 92i. Tandis que les featurings avec les rappeurs américains semblent eux être plutôt anecdotiques. Du coup, ayant les yeux rivés sur Miami aux Etats Unis, Booba semble oublier ce qu’il se passe en France. Persuadé qu’il est le numéro 1 indétrônable, il continue d’appliquer sa propre théorie : « Les aigles ne volent pas avec les pigeons ». Seulement, son orgueil professionnel agace et Booba devient la cible de nombre de rappeurs de l’hexagone. On regrette ainsi que le rappeur du 92 ne s’investissent pas dans des featurings regroupant tous les poids lourds du rap français comme le faisait Fabe sur le morceau 11“30 contre le racisme.

Enfin, en espérant que ces projets deviennent réels, celui qui s’était autoproclamé « le bitume avec une plume » n’a pas à rougir de son dernier opus.

Thibault Privé

Photo via flikr