Inauguré le 10 avril par le Président de la République et la Ministre de la Culture Fleur Pellerin, le fac-similé de la Grotte Chauvet a été ouvert au public le 25 avril, dévoilant ainsi une des plus récentes découvertes de grottes préhistoriques, et des plus controversées.
Une exploration polémique
Elle est explorée pour la toute première fois le 18 décembre 1994 par Jean-Marie Chauvet, un contractuel du ministère de la Culture, chargé de la surveillance des grottes ornées de l’Ardèche, une viticultrice, Éliette Brunel, et Christian Hillaire , employé à EDF, dans le cadre de leurs activités spéléologiques privées. Cependant, de nombreux indices ont pu laisser penser que l’expédition s’était effectuée sur durant leur temps de travail : le fait qu’ils soient plusieurs, et bien équipés pour ce genre de descente, que ce ne soit que le 28 décembre que la Direction régionale de l’action culturelle à Lyon est informée, alors que Jean-Marie Chauvet, conformément à la loi du 27 septembre 1941, se devait de prévenir immédiatement le maire de la commune de Vallon- Pont-d’Arc. Tous ces soupçons ont causé une bataille juridique pour déterminer si « l’invention de la grotte « , revenait à l’État en tant qu’employeur ou aux trois spéléologues en tant que personnes privées, avec en arrière-plan des enjeux financiers énormes bien entendu.
A l’issue de six années de procédure, la Justice et l’État les ont reconnus officiellement comme inventeurs par une convention en 2000. Mais voici que sept autres chercheurs revendiquent des indemnités, et affirment leur présence lors de la première expédition ainsi qu’un « accès à la grotte une fois par an » et une plaque à l’entrée de celle-ci pour reconnaître cette aventure collective. Ils espèrent aussi une autorisation de l’État pour éditer un ouvrage rétablissant les faits ainsi qu’un « statut de coexplorateurs et coinventeurs. ». La découverte de la grotte est rendue publique le 18 janvier 1995, associée à un seul nom : celui de Chauvet mais reste cependant fermée au public afin d’éviter les erreurs de Lascaux et la perte de ces trésors préhistoriques.
Une remise en cause de l’art pariétal
Agée de plus de 36.000 ans, donc bien plus ancienne que celle de Lascaux, la grotte Chauvet abrite plus de 1 000 dessins dont 425 figures animales ainsi que des représentations uniques dans l’art pariétal (Ndlr : ensemble des traces d’art préhistorique dans les grottes) et remet en cause la théorie selon laquelle l’Homo Sapiens ne connaissait pas l’art avant Lascaux. Ces œuvres font de la grotte de la Combe d’Arc, ou grotte Chauvet, du nom de son inventeur, l’un des trois plus beaux témoignages de l’art pariétal du Paléolithique européen, avec Altamira et Lascaux, parmi les quatre centaines de sites répertoriés. D’après la datation au carbone 14, les peintures de la grotte Chauvet remontent à l’époque aurignacienne.
Sur un milliers d’animaux représentés, un tiers dépeint des espèces dangereuses que ne chassaient pas les hommes préhistoriques. Ces figures animales – comme ce mégacéros – prennent vie sur une paroi en argile et calcite selon les cavités et les ombres de la roche. Ceci montre bien que l’art pariétal est dès ses débuts très abouti puisqu’il prend en compte les reliefs déjà existants afin de faire ressortir les dessins en volume. Dessinées au charbon de bois, à l’ocre ou dans la paroi molle, elles sont immédiatement classées au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Un fac-similé qui n’est pas dû au hasard
C’est cette volonté de protection qui conduit à l’actuelle prouesse technique : la Grotte Chauvet n’a jamais été ouverte au grand public, il a fallu en construire une de toutes pièces : La Caverne du pont d’Arc. Tout n’était pas gagné, dès le début de sa construction en 2010, la réplique annonce une prouesse technique remarquable : le site s’étend sur 38 hectares ressemble à une patte d’ours, et 3000 m² sont extraits des 8000 m² de la grotte originale. Le défi était de taille, et pour sa réalisation, les technologies de pointe défilent : une reconstitution en 3D à l’aide d’un laser est effectuée sur la grotte originale et reproduite sur une armature en fer. Les volumes sont construits en béton sur lesquels de la résine est superposée. Quant aux représentations pariétales, elles sont réalisées par des peintres d’après les relevés numériques de la grotte originale avec des patines et peintures fabriquées à base de pigments et liant naturels. Enfin, pour les tracés digitaux et les panneaux gravés, la dernière couche de matière est réalisée avec un mortier fin complété d’un retardateur pour favoriser le maintien de la paroi humide le temps des tracés.
Malgré son coût de 52 millions d’euros, financé par la région Rhône-Alpes, le Conseil général de l’Ardèche, l’État et l’Union Européenne, on a du mal à apercevoir le personnel et les visites s’enchaînent comme à l’usine toute les 4 minutes ; au bout de 5 minutes les lumières s’éteignent et mettent fin à toute question en obligeant les visiteurs à avancer jusqu’au prochain arrêt.
Un chef d’œuvre qui toutefois, mérite d’être vu, et, qui, en nous mettant face à notre histoire, notre culture et nos origines, permet aussi de se questionner quant à l’avenir de notre société, où l’art et l’humanité se font rares à force d’avoir été banalisées.
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Romane Deyrat