L’Ukraine est le théâtre d’affrontements d’une rare violence entre séparatistes pro-russes et pro-ukraine depuis novembre 2013. Dans un contexte de guerre civile, le pouvoir temporaire à la tête duquel se trouve Olexandre Tourtchinov est impuissant et ne sait comment réagir face aux insurgés, toujours plus nombreux, réclamant un rapprochement avec l’Est.

Bâtiment du Gouvernement, Ukraine // CC Voevoda

Bâtiment du Gouvernement, Ukraine // CC Voevoda

Récemment, les séparatistes ont organisé un référendum auquel étaient conviés plus de sept millions d’Ukrainiens de l’Est. L’enjeu du scrutin était de décider si oui ou non les régions de Donetsk et Lougansk devaient faire sécession afin d’être rattachées à la Russie. Ce vote ayant été qualifié d’illégal et de totalement illégitime par Kiev ainsi que par l’ensemble du monde occidental, l’élection présidentielle du 25 mai 2014 est et sera le seul vote qui comptera à l’international. La situation ukrainienne n’est cependant pas aussi évidente et l’ennemi n’est pas nécessairement celui que l’on pense. Au-delà du clivage existant entre les deux camps, le conflit symbolise une opposition entre diverses ethnies qui, semble-t-il, n’ont strictement rien en commun. C’est également un conflit entre deux conceptions du monde, l’une occidentale qui nous est familière et l’autre, Russe, que nous concevons difficilement.

De nombreux candidats mais un favori évident

En tout, ils sont vingt-et-un à s’être présentés à ce scrutin capital pour l’avenir de la nation ukrainienne. De ce nombre élevé de candidats se détachent quatre têtes et notamment celle du milliardaire Petro Porochenko que l’on a crédité de 53% des intentions de votes. Ce chiffre lui permettrait donc potentiellement d’être élu au premier tour mais il est à prendre avec beaucoup de distance car il est en effet difficile de croire à un sondage dans un contexte aussi tendu que ne l’est celui de l’Ukraine. Pourtant, il est indéniablement le favori de cette future élection, il peut en effet compter sur la présence – de poids – de l’ancien boxeur et leader de la révolution Vitali Klitschko à ses côtés. Porochenko se présente indépendamment de tout parti politique mais il est pro-européen. Sa campagne est basée sur la sécurité qu’il élève en un principe fondamental dans un pays en proie à une insécurité des plus totales. Oligarque, il a été présent dans les précédents gouvernements ukrainiens d’horizon profondément différents, de Iouchtchenko au président récemment destitué Viktor Ianoukovytch. Plusieurs zones d’ombres planent cependant sur le personnage, soupçonné de corruption bien que rien ne soit jamais venu confirmer ces suppositions.

Petro Porochenko // CC U.S. Department of State

Petro Porochenko // CC U.S. Department of State

Derrière Porochenko – et en très mauvaise posture – se trouve l’éternelle Ioulia Timochenko qui avait été approchée pour devenir premier ministre temporaire suite à la destitution de Ianoukovytch , poste qu’elle avait refusé. Ce refus s’explique avec une facilité déconcertante, elle briguait simplement le poste le plus haut de l’État et sa candidature n’a surpris personne. Prisonnière politique de l’ancien président, elle est pour beaucoup le symbole de la révolution ukrainienne. Pourtant, elle n’est crédité que d’environ 9% des votes et ne sera vraisemblablement donc pas élue chef d’État. Très affaiblie physiquement, la campagne présidentielle n’a pas été des plus simples pour elle, elle n’aura pas su profiter du souffle de la seconde Révolution Orange.

Ioulia Timochenko, Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev en 2009 // CC BetacommandBot

Ioulia Timochenko, Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev en 2009 // CC BetacommandBot

Enfin, le dernier candidat estimé à plus de 5% des votes est Serhiy Tihipko, un riche homme d’affaire. Candidat de l’apaisement, il propose entre autre d’élever la langue russe comme seconde langue officielle ukrainienne s’il est élu. Il est opposé aux séparatistes mais soutient la décentralisation de l’État tout en étant fermement opposé à la Russie qu’il considère comme agresseur. L’extrême droite, représentée par Tiahnibok et Iaroch ne récolterait au cumulé qu’environ 3% des intentions de vote.

Une élection mais quels enjeux ?

L’enjeu le plus évident mais également le plus colossal est le rétablissement de la sécurité dans un pays où milices séparatistes et pro-Ukraine se combattent l’une et l’autre en toute impunité. Les civils ont perdu toute confiance en l’État et cherchent à se protéger en autarcie. La journée du 23 mai, deux jours avant le scrutin, a été sanglante avec vingt-quatre morts – dont vingt-trois chez les séparatistes – lorsque ces derniers ont décidé d’attaquer un convoi de l’armée ukrainienne. Ailleurs, les nationalistes ultras se sont également battus face aux pro-russes qui ont abattus quatre des leurs dont certains qui portaient la croix gammée ou les initiales S.S. Outre la sécurité, il s’agit de rétablir la légitimité de l’État après le fiasco de la Crimée que les Russes ont pris sans subir aucune opposition de l’armée. Vécue comme une humiliation sans précédent, un grand nombre de candidats considèrent ce point comme fondamental, notamment Timochenko. Ils souhaitent y remédier en rééquipant les militaires ukrainiens dont l’armement est obsolète, Porochenko souhaite également augmenter la solde des soldats qui passerait de trente-sept euros mensuels à 1800. L’autre point essentiel – et non des moindres – est la restructuration des diverses institutions qui, sur fond de corruption et d’incompétence, sont plutôt inefficaces, ralentissant ainsi toute réforme.

Enfin, d’un point de vue strictement économique, il s’agit de relancer un pays qui n’est pas loin de la faillite. Certains prônent la tolérance-zéro vis-à-vis de la corruption, Porochenko propose de gérer l’Ukraine comme une entreprise afin de relancer la machine. Cette proposition est très populaire en Ukraine quand on sait que le milliardaire est à la tête d’une entreprise florissante.

Simon Sainte Mareville