Edito – Lors du deuxième tour des élections régionales, la droite a remporté sept régions, la gauche, cinq, le Front national, aucune. Pour autant, personne n’a réellement remporté l’élection.

Au contraire, il semblerait que tout le monde y ait perdu.

 

Image : Jamain / Licence CC

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Les Républicains

Bien qu’ils aient remporté les élections dans sept régions, et en particulier l’Ile-de-France, les Républicains n’ont aucune raison de fanfaronner. On est bien loin de la « vague bleu » tant espérée par la droite. D’autant plus que dans les régions du Nord-Pas-de-Calais-Picardie et de Provence-Alpes-Côte d’Azur, les candidats de droite ont bénéficié au second tour du retrait des listes socialistes et ainsi du report massif des voix de gauche. Il s’agit dans ces cas-là – et certainement en partie dans la région Grand-Est – de victoires permises par des votes non pas d’adhésion à un programme de droite mais de rejet des candidats du Front national.

Une fois de plus, la stratégie sarkozyste de chasse aux électeurs sur les terres de la droite dure s’est avérée contre-productive, l’électorat lepéniste préférant l’originale à la copie. Persister dans cette stratégie n’a pas plus rendu service à Nicolas Sarkozy lors de ces régionales qu’elle ne l’avait fait lors des présidentielles de 2012.

 

Les socialistes

Si les socialistes n’ont pas connu un revers électoral aussi brutal qu’ils auraient pu – et dû – le craindre, il n’en demeure pas moins qu’ils ne peuvent en aucun cas réellement s’enorgueillir du résultat de ce second tour des régionales. Ils ont certes pu conserver la présidence de cinq régions. Mais ils ont dû retirer leurs listes dans deux régions — et non des moindres tant symboliquement qu’en terme de population —, au nom d’un désistement républicain qui ne fonctionne que dans un sens et profite avant tout… aux Républicains. Ils ont en outre perdu l’Ile-de-France.

Alors, certes, ils ont su limiter la casse. Certes, ils peuvent se targuer d’avoir contribuer à faire barrage au Front grâce à des retraits de listes. Mais il faudra que les socialistes fassent un réel examen de conscience et prennent réellement le pouls de ce qu’exige leur électorat s’ils ne veulent pas aller de déconvenue en déconvenue lors des prochaines élections.

 

Le Front national

Marine Le Pen rêvait de voir le FN remporter au moins une région, si possible le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, pour tenter de démontrer au monde, et surtout à l’électorat français, que son parti était en mesure de diriger avec sérieux et compétence un grand territoire. Une fois de plus, ce ne sera pas le cas. La présidente du Front national, qui ne fait aucun mystère de sa volonté de devenir présidente du pays, devra trouver une autre rampe de lancement pour sa campagne de 2017.

Les candidats du parti lepéniste prétexteront certainement encore et toujours le fait qu’ils se battaient seuls contre tous, mais les chiffres sont là. Une fois de plus, le parti qui se targue d’être le premier parti de France n’arrive pas à percer le « plafond de verre », ne profitant que d’une très faible réserve de voix, pourtant essentielle dans un deuxième tour où le taux d’abstention a chuté dramatiquement entre le premier et le second tour. Le dernier sursaut de participation d’une telle ampleur date de l’élection présidentielle de 2002… qui avait vu Jean-Marie Le Pen accéder au second tour. Le Front national semblerait toujours bien plus mobiliser contre lui que pour lui.

Les centristes

Le Modem et l’UDI, par un jeu d’alliances avec Les Républicains, vont certes obtenir des conseillers régionaux, mais ils se sont totalement fondus dans les listes de droite. Les voix des leaders centristes ont été difficilement entendues. Pourtant dans un contexte où l’aile droite du PS fait bien plus que flirter avec des idées de centre-gauche et où l’aile droite des Républicains semble parfois tenter de déborder le Front national sur sa droite, il devrait y avoir un véritable espace d’existence pour un réel centre, à la fois force de propositions, de compromis et d’arbitrage. Or les centristes actuels semblent redouter avant tout le centrisme, et peinent à exister réellement.

Les écologistes et la gauche de la gauche

Ce sont peut-être les Verts et le Front de gauche qui ont vécu le camouflet le plus brutal lors des élections régionales. Trop divisées, leurs listes n’ont parfois même pas obtenus les pourcentages suffisant au premier tour pour espérer fusionner avec les listes socialistes. Il est même arrivé dans certaines régions de voir des listes EELV-Parti de Gauche faire face à des listes communistes. Une fois de plus, la gauche de la gauche a assisté, impuissante, au basculement d’une partie de son électorat populaire et ouvrier vers un vote Front national.

La démocratie

Les grands perdants de ces élections régionales sont aussi les électeurs. Si le taux d’abstention a baissé entre les deux tours, le parti des abstentionnistes demeure tout de même le premier parti de France. Ce qui devrait amener le personnel politique actuel — de quelque tendance qu’il soit — à se poser de réelles questions. Une telle désaffection envers le vote est très inquiétant dans un système politique devant normalement permettre au peuple de s’exprimer. Or, il s’avère que de nombreux citoyens n’en voient plus l’intérêt, déçus par des partis qui ne se renouvellent pas et des élus semblant souvent peu au fait des préoccupations réelles des Français.

Une fois de plus, des électeurs ont voté au second tour — voire au premier, d’ailleurs — plus par dépit, pour la liste qu’il considérait comme étant « la moins pire », que par adhésion à un véritable programme politique, souvent relégué au second plan par les candidats eux-mêmes. Une fois de plus, il serait temps de proposer un vrai vote blanc, qui serait réellement comptabilisé, et qui permettrait aux électeurs déçus de toute part, d’exprimer clairement leur déception.

Quoi qu’il en soit, il est temps que tous les partis se confrontent à la réalité de l’échec qu’ils ont subi lors de ces élections, et qu’ils en tirent les conclusions nécessaires qui en découlent. Ce n’est que par un réel examen de conscience des différents partis politiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, par une réelle prise en compte des aspirations des citoyens français pour leur pays, que la France pourra aller de l’avant, qu’elle pourra sortir de l’immobilisme auquel l’ont condamné des décennies de bipartisme, puis de tripartisme, qu’elle pourra être considérée à nouveau comme étant pleinement démocratique.