Le verdict est tombé dimanche 23 avril : les deux partis de gouvernement historiques, le Parti Socialiste et les Républicains, ont été éliminés avant même le second tour. Le futur chef de l’Etat Français sera donc le leader du jeune mouvement En Marche ! ou bien la Présidente du parti d’extrême-droite, le Front National.

Emmanuel Macron, Leader de En Marche ! © École polytechnique - J.Barande

Emmanuel Macron, Leader de En Marche ! © École polytechnique – J.Barande

 

Tout semble les séparer. D’ailleurs, les deux challengers se posent en s’opposant : Marine Le Pen se décrit comme la « patriote » face aux « mondialistes », critiquant ainsi la position libérale d’Emmanuel Macron. Pourtant il se positionne également comme le « candidat des patriotes » mais ses adversaires sont les « nationalistes », qu’il considère comme une menace pour la France. Un autre clivage est largement présent, puisque la candidate d’extrême-droite affirme en outre être la « candidate du peuple » et reprend à bras le corps le combat de Jean-Luc Mélenchon contre « l’oligarchie ».

Marine Le Pen, Présidente du Front National (CC Flickr : manu_le_manu)

Marine Le Pen, Présidente du Front National (CC Flickr : manu_le_manu)

Mais qu’en est-il dans leur programme économique ? Sur quoi s’opposent les deux prétendants à l’Elysée ? Emmanuel Macron, dans son programme, propose 6 grands chantiers : le deuxième est celui de « la société du travail » et le troisième « la modernisation de notre économie ». Marine Le Pen, elle, aspire à « une France prospère », comme l’indique la troisième section de ses 144 engagements. Et, lorsque l’on regarde dans le détail leur programme, de grandes divergences apparaissent sur la plupart des grandes questions économiques.

  • Les impôts

Les deux candidats souhaitent baisser les impôts. Macron souhaite une baisse totale de 20 milliards, avec 10 milliards de baisse pour les entreprises et l’autre moitié pour les particuliers. Pour ces derniers, il sera question notamment d’une suppression de la taxe d’habitation, pour 80% des Français. Le Pen désire se concentrer plus sur les ménages les plus défavorisés, en baissant de 10 % l’impôt sur le revenu sur les trois premières tranches.

Pour ce qui est des entreprises, les deux candidats coïncident sur leurs propositions quant aux PME : l’impôt sur les sociétés passera de 33% actuellement à 25% pour Emmanuel Macron et 24% pour Marine Le Pen. Cette dernière souhaite en outre mettre en œuvre un dispositif à taux réduit de 15 % de l’impôt sur les sociétés pour les TPE. Un autre objectif est d’alléger les charges : celles des TPE et PME pour Marine Le Pen alors qu’Emmanuel Macron souhaite supprimer celles des entrepreneurs, et réduire les cotisations payées par les salariés, par les indépendants et par les fonctionnaires.

  • Le travail

Marine Le Pen s’oppose à la loi Travail et promet de la retirer. Elle souhaite d’ailleurs maintenir la durée légale hebdomadaire du travail à 35 heures. Le candidat d’En Marche ! souhaite réduire le coût du travail afin de favoriser les embauches : pour ce faire il promet de baisser les cotisations sociales des employeurs. Souvent critiqué pour son approche libérale du travail, notamment avec l’héritage de la loi Macron, il se propose, dans son programme, de lutter contre la précarité en « responsabilisant les employeurs » avec la mise en place d’un bonus-malus sur l’assurance-chômage (les employeurs recourant exagérément aux contrats courts paieront plus de charges que les autres).

Pour les indépendants, Marine Le Pen propose de créer un bouclier social en leur proposant le choix de s’affilier au régime général ou de conserver la spécificité de leur régime après une refonte totale du RSI. Emmanuel Macron souhaite que tous les travailleurs aient droit à l’assurance-chômage, incluant les artisans, les commerçants indépendants, les entrepreneurs, les professions libérales, et les agriculteurs qui se verront attribuer les mêmes droits que les salariés.

  • La retraite

Emmanuel Macron souhaite réformer le système des retraites en proposant la mise en œuvre d’un système par points, qui serait universel. Marine Le Pen, elle souhaite fixer l’âge légal de la retraite à 60 ans, du moins si les travailleurs ont 40 annuités de cotisations pour percevoir une retraite pleine.

  • La monnaie (et l’euro)

Lors du débat du 3 mai, les deux challengers se sont vivement échauffés sur la question monétaire. Marine Le Pen souhaite négocier avec l’Union Européenne, et, à l’instar des Britanniques, organiser un référendum sur le Frexit. Elle n’est pas très claire sur sa position quant à la monnaie, oscillant – notamment depuis son alliance avec Nicolas Dupont-Aignan – entre une sortie complète de l’euro pour un retour au Franc et le retour à une monnaie nationale tout en faisant de l’euro une monnaie commune. L’objectif est de retrouver une souveraineté nationale, et de permettre à la Banque de France de faire à nouveau tourner la planche à billets. Ce programme est jugé improbable et dangereux par Macron, qui, au contraire, souhaite instaurer un budget de la zone euro. Il s’avère que sortir de l’Union Européenne et de la zone Euro est un projet plein d’incertitude, qui se révèlerait désastreux pour nos importations dont le coût augmenterait drastiquement. De plus, il semble que rejeter la faute de notre faible compétitivité internationale sur l’euro soit largement exagéré dans la mesure où la moitié de nos échanges commerciaux sont réalisés avec des partenaires de la zone euro. De ce fait, quitter euro n’est probablement pas le remède miracle.

Signe Euro devant la BCE - (C) Lars Aronsson

Signe Euro devant la BCE – (C) Lars Aronsson

  • Protectionnisme ou libéralisme ?

Emmanuel Macron était le seul candidat à être en faveur du CETA au premier tour, avec un programme inscrit dans l’approfondissement de la globalisation et souhaite se tourner encore plus vers l’Union Européenne. A l’inverse, pour Marine Le Pen, le retour au franc irait de pair avec l’augmentation des taxes sur les produits importés pour favoriser la production dans l’Hexagone. Selon elle, il est nécessaire de mettre en œuvre un patriotisme économique aux produits agricoles français notamment au travers de la commande publique. Elle qualifie sa proposition de « protectionnisme intelligent », bien que son opposant ait souligné les conséquences dramatiques que cela pourrait avoir, notamment sur nos importations, en prenant l’exemple des médicaments lors du débat (80% proviennent de l’étranger).

 

Les critiques ne sont pas rares sur ses deux programmes. L’une des principales invectives faites au candidat d’En Marche !, outre son libéralisme, est sa continuité avec la politique menée par François Hollande, dont le bilan est pourtant mitigé. Macron est souvent renvoyé à son expérience lors du quinquennat de Hollande : son adversaire a d’ailleurs tenté lors du débat, de le rendre responsable de la situation de la France aujourd’hui. Celui de Marine Le Pen est considéré comme dangereux et parfaitement irréalisable. En effet, la candidate a largement sous-estimé le coût de nombreuses mesures : les dépenses publiques atteindraient –au minimum– 90 milliards d’euros, alors que les recettes de l’Etat diminueraient. D’autant que la candidate frontiste se base sur des prédictions très optimistes, avec notamment une croissance forte, comme le montre son chiffrage disponible sur son site de campagne, alors qu’Emmanuel Macron prône des estimations « raisonnables » : elle table sur une croissance de minimum 2% dès 2018 alors que lui se base sur une estimation entre 1,6 et 1,8%. Or, si les indicateurs sont effectivement positifs en ce moment, il faut se souvenir que la croissance du PIB en 2016 s’établissait à 1,2% selon l’INSEE ; d’ailleurs, l’OCDE mise sur 1,3% de croissance pour la France en 2017.

Lien vers les programmes des deux candidats :

Emmanuel Macron

Marine Le Pen

 

Mathilde Piriou-Guillaume