Un an après l’adoption du mariage pour tous et l’abandon – lâche pour les uns, raisonné par les autres – par le gouvernement de la légalisation de la gestation pour autrui, cette pratique continue à faire débat. Bien qu’elle soit interdite en France, beaucoup de couples y ont recours à l’étranger. Ces couples rencontrent des problèmes à leur retour en France avec leur nouveau né. Processus frauduleux pour les uns, négation de l’enfant et de ses droits pour d’autres, retour sur la position en droit de la France au sujet de la gestation pour autrui.
La position du droit français
Depuis les lois bioéthiques de 1994, la France a interdit la GPA en créant dans le code civil l’article 16-7 selon lequel « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Le législateur ayant voulu régler et clore les débats futurs dès l’origine, il précise que ces dispositions sont d’ordre public rendant nulle de plein droit toute violation de la règle.
Par ailleurs, il donne également à ce principe une dimension pénale en sanctionnant d’une amende de 7500€ et de six mois d’emprisonnement pour quiconque concluerait une convention de mère porteuse en France.
C’est dans ce contexte que des français, dans l’incapacité légale ou physique d’avoir des enfants ont décidé d’avoir recours aux mères porteuses à l’étranger. Ainsi, s’est mis en place le « tourisme procréatif ». C’est à dire que des couples mais également des hommes ou femmes seuls, se sont rendus à l’étranger dans des pays légalisant, encadrant ou tout du moins tolérant, la pratique de la GPA afin de conclure une convention de mère porteuse. Une fois l’enfant né, il retournait en France avec son ou ses parents.
L’administration française s’est vue demander de transcrire dans les registres d’état civil français, les actes de naissance à l’étranger des enfants nés d’une mère porteuse. On est donc arrivé à une situation dérisoire entre une réalité de fait – les enfants nés à l’étranger – et une réalité de droit – l’interdiction pure et simple de la GPA. Quel a été le sort réservé à ces enfants à leur arrivée en France ?
La position des juges français : Le tiraillement entre l’ordre public et la vérité biologique
Un contentieux nourris s’est déroulés d’abord devant les administrations françaises puis ensuite devant les juridictions françaises : Tant l’administration que les juridictions ont refusé de reconnaître les enfants nés à l’étranger par GPA. La position, de prime abord absurde, des juges français s’est en réalité avérée totalement fondée en droit dans le sens où la pratique de la GPA vient heurter l’ordre public et les principes essentiels du droit français.
La Cour d’appel de Rennes dans une décision du 4 juillet 2002 a estimé que deux parents, qui s’étaient rendus en Californie aux fins d’y conclure une convention de mère porteuse, avaient détourné la loi française sur la gestation pour autrui.
Au fur et à mesure, la position des juridictions françaises s’est durcie ; Même la cour de cassation, gardienne de la légalité en France, a adopté le même raisonnement que les juges d’appel.
Dans un arrêt du 6 avril où un père s’était rendu en Inde pour y conclure une convention de mère porteuse avant de revenir en France avec son enfant. Les juges de la cour de cassation ont estimé, dans un arrêt très motivé, que ni les conventions européennes ni les conventions internationales ne pourraient venir enfreindre des dispositions d’ordre public en France. Ainsi les droits de l’enfant prévus par la convention internationale des droits de l’enfants et le droit à une vie familiale prévu par la CEDH ne trouvaient application.
Cette position est dure et sévère pour des enfants qui payent le prix des agissements de leurs parents. La loi française semblait donc incontournable et infaillible voire même inhumaine et insensible. En janvier 2013, en plein débat du mariage pour tous, La Garde des Sceaux, Christiane Taubira a pris une circulaire pour enjoindre les juges de délivrer des certificats de nationalité française pour des enfants nés à l’étranger au recours d’une gestation pour autrui. Cette circulaire, contre l’esprit de la loi a été un argument de défense de parents auteurs de GPA.
Seulement, une circulaire n’a aucune valeur normative, du moins pas au point d’influencer les juges. Ces derniers se sont donc trouvés dans une position délicate entre d’une part un texte de loi, lapidaire et imparfait d’ordre public donc interrogeable et d’autre part une actualité et une opinion publique médiatique en faveur d’une légalisation de la GPA.
Les juges, face à l’inaction du législateur a adopté une position encore plus dure dans un arrêt du 13 septembre 2013 regroupant trois affaires similaires : Un père conclue une convention de mère porteuse en Inde et demande la transcription de l’acte de naissance indien sur les registres d’état civil français. Les magistrat de la cour de cassation qualifie le processus de mère porteuse de « processus frauduleux », ce qui a pour effet d’empêcher toute reconnaissance de la filiation même paternelle. Cette position est tellement dure qu’elle en devient absurde : Ils nient toute vérité biologique.
Les juges de la cour suprême française, réitèrent le 14 mars dernier et reprennent purement et simplement la décision de 2013
Ces décisions, doivent être analysées en une provocation des juges envers l’inaction du législateur. Tant les juges que le législateur sont partagés entre le droit et le fait, entre l’ordre public et la moral d’un coté et la vérité biologique et l’opinion publique d’un autre coté.
On est en droit de se demander si la position aussi extrême de la France est en accord avec les conventions européennes et internationales.
La position du droit international et européen : Et si le vent venait d’en haut ?
Le droit conventionnel international européen, par l’effet de primauté, s’impose au droit interne. On peut citer au renfort de la position des personnes défendant la légalisation de la GPA, deux conventions. La première est la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) : Elle défend l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions qui les concerneraient. La seconde est la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui défend le droit à une vie familiale.
Même si ces textes ont été évacués par la cour de cassation dans les arrêts de 2011 puis de 2013 et 2014, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence européennes semble bien plus bienveillantes et respectueuses des ces principes forts, que les juges français.
Ainsi dans des décisions Wagner c/ Luxembourg du 28 juin 2007 et Negropontis-Giannisis du 3 mai 201, la CEDH a systématiquement protégé la vie familiale de l’enfant alors même que cette situation avait été crées à l’étranger en contrariété avec des règles d’ordre public des pays sanctionnés.
Les juges européens n’enjoignent pas les juges nationaux à reconnaître automatiquement les situations de faits valablement constituées au détriment de l’ordre public national mais uniquement prendre en considérations des réalités biologiques et des réalité de faits : en l’occurrence il s’agit d’enfants qui payent le comportement de leurs parents.
Et c’est peut être d’ici que les choses bougeront. Un mouvement qui sort du débat manichéen entre la rigueur du droit et l’ouverture à une gestation pour autrui décomplexée et entièrement légalisée. Ce mouvement tendrait à ce que soit reconnue une GPA éthique faisant la distinction entre la pratique vénale dans des pays pauvres et la pratique altruiste dans des pays développés. Il ne s’agit pas non plus par là, de chambouler l’ordre public en ouvrant la GPA comme principe, mais, de façon conditionnée, apprécier au cas par cas pour que dans couples, dans l’incapacité médicale d’avoir des enfants puissent tout de même donner vie à leur enfant génétique et biologique.
Thibault Privé
L’article au demeurant très intéressant souffre de quelques petites erreurs.
Ainsi la sanction pénale ne vise seulement que les intermédaires entre les couples et la gestatrice pour autrui, ces derniers n’étant pas visés.
La cour d’appel de Rennes en 2002 n’avait pas basé son argumentation sur le détournement de la loi française en matière de gestation pour autrui, mais sur le détournement de la loi sur l’adoption. Ce qui est assez risible puisqu’il n’y avait aucun élément d’adoption dans l’affaire en question.
De plus, de nombreux jugements n’avaient pas suivi cette voix en rappelant d’une part que la nullité des conventions ne veut rien dire de plus qu’elles ne sont pas opposables, que d’autre part la loi française est totalement silencieuse sur la possibilité d’établir ou non la filiation envers les parents d’intention, et que surtout c’est la primauté de l’intérêt de l’enfant qui s’impose. Ainsi s’était prononcée la cour d’appel de Paris le 25 octobre 2007.
Commentaire intéressant d’un connaisseur 😉
Si je peux me permettre, la CA de Paris en 2007, traite surtout de la validité de la demande du ministère public quant à la transcription et de l’application de l’article 47.
Au temps pour moi pour les peines prévues dans le code pénal. La lecture a été trop rapide. Distinction de peine entre la mère biologique et les parents d’intentions
Il y a d’autres erreurs dans votre article: l’arrêt du 6 avril dont il est question dans cet article (l’année est 2011, précisons le) ne concernait pas une GPA en Inde, mais aux USA, ce qui fait une sacrée différence car dans ce dernier pays la GPA est légale est encadrée et éthique, et donc les parents sont réellement les parents dès la naissance et seuls leurs noms figurent sur l’acte de naissance des enfants, tandis qu’en Inde figure aussi le nom de la « mère ». Faut-il préciser qu’en Inde il s’agissait d’un couple homosexuel (donc pas de « mère » légale en France) et aux USA un couple hétérosexuel (donc une mère française) ?