Nos poubelles sont toujours aussi pleines. Même si elles désemplissent lentement, chaque année encore en France, en moyenne 288 kg d’ordures ménagères sont produits par an et par habitant. 

Comment faire face à ce problème environnemental de plus en plus perturbant ? Du 1er au 11 avril se déroule la semaine du compostage : un événement à l’échelle nationale qui a pour objectif de promouvoir cette pratique alternative de plus en plus viable, alors que le compostage s’importe progressivement en ville.

 

Un jardin partagé dans le XIIe arrondissement où se pratique le compostage

En pied d’immeuble, un jardin partagé dans le XIIe arrondissement où se pratique le compostage

Composter à la ville, drôle d’idée ? Pourtant, le problème du traitement des déchets illustre une situation où les méthodes traditionnelles de traitement de nos ordures semblent ne plus être adaptées aux problématiques environnementales actuelles. Un article du magazine Que Choisir de novembre 2014 intitulé « La réduction à la peine » décrit la difficulté des politiques publiques en France à réduire nos déchets, avec un objectif « Zéro gaspillage, zéro déchet » pour l’instant difficile à atteindre. Comme l’explique la journaliste Elisabeth Chesnais, « le « zéro gaspillage » vise d’abord à jeter moins, puis à réutiliser, composter et recycler environ 90% du contenu de nos poubelles. On en est loin ! »

Les déchets visés par ces politiques, ce sont les « ordures ménagères », c’est-à-dire les déchets jetés dans la poubelle du tout-venant. Le problème, c’est que ces déchets sont, soit incinérés, soit partent dans des décharges où ils seront stockés ou enfouis. Avec un impact écologique non-négligeable : tout d’abord à cause du transport, mais aussi à cause du traitement des déchets, qu’ils soient brûlés, comme le plus souvent à Paris, ou enfouis, cette pratique relâchant beaucoup de méthane – un gaz à effet de serre.

Selon Que Choisir, ce sont respectivement 30 et 31% de nos déchets qui partent à la décharge (dans des sites d’enfouissement notamment) et à l’incinération. Même si des initiatives existent dans plusieurs villes de France pour réduire la masse de nos déchets ménagers, le constat reste donc globalement assez sombre.

 

Le compost, une des solutions au problème ?

Alors, en quoi consiste concrètement le compostage ? Composter revient à réutiliser ses déchets organiques dans l’optique de créer du compost qui est utilisé en tant qu’engrais et amendement, afin d’améliorer la qualité des sols.

Jean-Jacques Fasquel, maître-composteur depuis 2008, dans le jardin partagé d'un immeuble du XIIe arrondissement

Jean-Jacques Fasquel, maître-composteur depuis 2008, dans le jardin partagé d’un immeuble du XIIe arrondissement

Jean-Jacques Fasquel est maître-composteur depuis 2008. Il a mis en place le premier compost en pied d’immeuble de la capitale auquel participent 80 foyers, et il a créé, avec son association Compost à Paris, le premier compost de quartier à la maison des associations du XIIe arrondissement. Il est aujourd’hui l’un des principaux acteurs de la capitale pour promouvoir cette pratique et est administrateur du Réseau Compost Citoyen qui rassemble 70 acteurs du compost en France.

S’il en est venu à devenir maître-composteur, c’est parce qu’il s’est rendu compte de la nécessité de réduire nos déchets. « Actuellement, 1/3 de nos déchets peuvent être transformés en compost. » explique-t-il. Ce qui représente environ 100kg par an et par habitant. » Cette pratique à une plus large échelle permettrait ainsi d’éviter le transport des déchets et les impacts environnementaux liés à leur traitement.

Jean-Jacques Fasquel, maître-composteur depuis 2008, dans le jardin partagé d'un immeuble du XIIe arrondissement

Pour l’instant, l’utilisation du compost reste circonscrite aux jardins des immeubles, des jardins partagés ou à une utilisation personnelle. « Les espaces verts de la ville sont dans un processus d’éco-labelisation et ils ne veulent dès lors pas utiliser du compost non-certifié. Mais les choses sont en train de changer, car les élus sont conscients que l’on se trouve dans une situation quelque peu kafkaïenne. » Ces avancées pourraient ainsi apporter d’autres débouchés au compost, qui n’est pour l’instant utilisé en ville que dans le cadre d’une « culture de pédagogie, d’agrément ».

De nouvelles utilisations qui commencent à se développer, notamment par rapport aux appels à projet de revégétalisation, notamment de la petite ceinture. Dans le 16e arrondissement s’est ainsi ouvert fin janvier un lieu de compostage grâce à l’association Espaces, qui prône l’insertion par l’écologie urbaine. Un lieu de compostage qui permettra la revégétalisation du stade et de la piscine de la porte de la Muette.

De son côté, Jean-Jacques Fasquel espère aussi pouvoir l’utiliser à d’autres fins, notamment dans le cadre d’une agriculture locale, une « agriculture vivrière qui pourrait s’installer partout où c’est possible, dans les friches, les dents creuses, afin de créer des jardins partagés ou de l’agriculture locale. »

Le compostage permettrait ainsi d’apporter des solutions durables sur la question du traitement des déchets, dans le cadre d’une économie circulaire.

 

Le compostage collectif du XIIe arrondissement

Le compostage collectif du XIIe arrondissement

 

Les pouvoirs publics, acteurs sur cette question ?

Même s’il explique qu’il y a une sensibilisation à cette pratique de la part des pouvoirs publics, « notamment avec les PLPD (Plans locaux de prévention des déchets) », Jean-Jacques Fasquel estime néanmoins que les choses pourraient aller plus vite, par exemple avec  la « redevance incitative. » Une initiative déjà lancée dans une centaine de collectivités, et qui a fait ses preuves. « Avec cette redevance, les gens trient mieux et compostent plus. » Le maître-composteur est néanmoins conscient de la difficulté à mettre en place cette mesure dans une grande ville comme Paris, «  où l’effet incitatif sera moindre dans les immeubles. Ceux qui trient mal vont en effet plus faire payer ceux qui trient de manière plus responsable. » Pourtant, il est tout de même à noter que le Grenelle de l’environnement portait sur l’instauration d’une part de redevance incitative obligatoire.

Néanmoins, la capitale bouge quand même à ce sujet. Depuis 2010, un programme permet d’accompagner matériellement chaque citoyen qui désire composter en pied d’immeuble, les attentes des habitants sur ce sujet devenant de plus en plus fortes. Dans le cadre des projets de budget participatif avec le site « Madame La Maire, j’ai une idée », le compostage fait ainsi partie des trois sujets les plus abordés, avec plus de cent projets déposés. D’où un accompagnement matériel aux différents projets de quartier.

Beaucoup de personnes trouvent ainsi leur compte dans le compostage collectif, que ce soit des personnes qui souhaitent participer à des activités de jardinage, de plantation, ou simplement des citadins conscients de l’apport environnemental du compostage.

 

 « Le meilleur déchet, c’est celui que l’on ne produit pas »

Car, à côté de cette pratique, il ne faut pas négliger tout un « travail en amont » afin d’éviter la production des déchets. « Avec le réseau Compost citoyen, on insiste également sur la prévention des déchets. Chaque année, il y a par exemple encore 7 kg par personne de déchets alimentaires encore emballés qui sont jetés.»

La semaine du compostage, du 1er au 11 avril : un événement organisé par l'association Réseau Compost Citoyen

La semaine du compostage, du 1er au 11 avril : un événement organisé par l’association Réseau Compost Citoyen

La semaine du compostage sera donc un moment important de découverte de cette pratique, lors de laquelle seront organisés des événements pour promouvoir le compostage, informer sur l’utilisation du compost, mais aussi sur la prévention des déchets elle-même.

« Un déchet, c’est ce que l’on abandonne à la collectivité, explique Jean-Jacques Fasquel. Il faut faire prendre conscience aux gens que chacun est responsable de ce qu’il fait et que chaque déchet produit peut être traité idéalement soi-même et en proximité. En cela, le compostage est un très bon outil. » Et de conclure : « Il ne faut pas oublier que la solution écologique est toujours également économique. Si les gens ne le font pas pour la planète, qu’ils le fassent pour leur porte-monnaie. »

 

Pour connaître les différents événements lors de la semaine du compostage, voir ici

Nathan Gallo