S’il existe  une période véritablement redoutée par les clubs, c’est bien celle-ci. La Coupe d’Afrique des Nations apparaît, chaque année, comme une source de problème. Bien que vivement attendue par certains joueurs concernés, la CAN, qui représente toutefois un beau moyen de briller et de se distinguer avec sa sélection, ne fait pas l’unanimité, privant les équipes de Ligue 1 de ses joueurs cadres. Mais quelles traces laissent ce tournoi continental en France ? Ne provoque-t-elle qu’un simple impact négatif sur le championnat français ? Tour d’horizon d’une compétition qui fait débat.

logo_can_afriquedusud_2013_640

L’Afrique du Sud, pays organisateur de cette 29ème édition qui se tient du 19 janvier au 10 février, est de nouveau sollicité après avoir accueilli la Coupe du Monde 2010. 16 équipes engagées, plus de 250 joueurs retenus, des chiffres qui ne laissent pas insensibles les dirigeants de club. Loin de susciter un intérêt prononcé et général, la CAN se retrouve donc au cœur d’une polémique, celle où le prestige de la compétition l’emporte sur l’angoisse des entraîneurs. Alors oui la question est posée: faut-il interdire aux joueurs d’y participer lorsque l’on connaît les risques encourus ? Les avis sont partagés et le fond des choses bien plus compliqué qu’il n’y paraît.

Indignation et révoltes côté club

D’un point de vue purement sportif, la CAN ne peut réjouir les coachs qui se voient amputés de leurs meilleurs éléments durant près d’un mois. Cette perte semble d’autant plus difficile à avaler  qu’il n’y a aucun moyen ni de la  freiner, ni de la refuser. Si le mercato d’hiver reste la meilleure solution pour pallier ces absences, il n’en est pas moins coûteux et les fonds débloqués à cette période sont  insuffisants. Il faut, par conséquent, anticiper ce manque et compter sur un effectif plus large dès le début de saison.

Car les fréquentes surprises causent parfois de gros soucis. Et c’est bien souvent à ce moment de l’année que les ennuis commencent. La blessure, considérée comme le principal danger, torture les pensées des dirigeants français puisqu’elle peut déboucher sur l’indisponibilité plus ou moins longue d’un joueur. Outre cet aspect, il convient également de prendre en compte le moral des principaux intéressés et leur temps de (ré)adaptation dès leur retour sur le sol français. En effet, comme le martèle Élie Baup, «il ne faut pas espérer qu’ils se cassent la gueule pour qu’ils reviennent vite. S’ils vont loin, c’est bénéfique pour nous car ils reviendront plus fort dans la tête».

N’oublions également pas d’autres composants à cette fébrilité comme la pression du résultat mise par les sélectionneurs ainsi que la fatigue due à l’enchaînement et l’intensité des matchs. Ce mélange de petits éléments empilés engendre un tas de tracas. Mais cette compétition peut tout aussi bien provoquer des retombées positives. D’une part, certains, et notamment les jeunes issus des centres de formation, parviennent à tirer profit de cette situation en grattant simplement quelques minutes en Ligue 1 voire en intégrant durablement le onze de départ. Selon René Girard, «on est dans une période où il n’y a pas de très bons joueurs qui pourraient nous apporter quelque chose. Il faut trouver l’oiseau rare qui ne joue pas dans son club. Si on va chercher un joueur étranger, il faut qu’il s’adapte. Donc on va s’appuyer sur nos jeunes pousses et essayer de jouer sur un collectif ». L’année passée, cette étape de la saison avait, par exemple, permis au champion en titre de révéler le talent de sa petite pépite Rémy Cabella, venu suppléer, à l’origine, l’absence de son coéquipier Younès Belhanda. En manque de repères, les jeunes se voient donc accorder du temps de jeu, signe que les premiers mois de l’année peuvent se montrer avantageux.

Réjouissance dans le camp des organisateurs

D’autre part, il semble que cette compétition soit avantageuse pour les promoteurs. Soucieux de donner une bonne image du territoire africain, ils ne cessent de mettre en évidence le niveau élevé de cette prestigieuse CAN, perçue comme le moyen d’élever son propre pays au premier rang continental d’un point de vue purement sportif. En clair, vu l’importance du football en Afrique, les matchs âprement disputés jouent un double rôle: enchanter un public venu oublier les soucis du quotidien et véhiculer des valeurs essentielles tels que le respect ou la solidarité. Bien plus qu’un tournoi, c’est avant tout un rassemblement festif. Mais, comme dans toute forme de fonctionnement, les problèmes subsistent. Un malaise entre joueurs et sélectionneurs peut se faire ressentir. En témoigne la situation du Marseillais André Ayew qui, victime d’un décollement de l’aponévrose, a préféré rester en France pour consulter son médecin et n’a, par conséquent, pas rejoint à temps voulu, ses partenaires et le staff ghanéen à Abu Dhabi pour le stage de préparation. Ce genre de désaccord dégrade l’image des joueurs ainsi que celle des entraîneurs qui ne parviennent pas toujours à gérer les égos.

Mais le mal ne s’arrête pas là. L’insécurité liée à un clair manque de coordination voir d’organisation menace la compétition. Rappelez-vous, en 2010, à deux jours de l’ouverture de la Coupe d’Afrique des nations en Angola, le bus de la sélection togolaise avait été mitraillé, causant la mort du chauffeur de l’un des bus et la blessure de neuf personnes, dont deux joueurs. Une instabilité qui perturbe alors que la tendance est à l’apaisement durant ses jours de fêtes.

Une CAN chère aux joueurs concernés mais difficilement gérable. Un bras de fer intense se ressent donc entre les défenseurs d’une Ligue 1 appauvrie durant cette période, les joueurs dont l’avis est partagé et les organisateurs africains qui proclament l’intérêt du tournoi. Alors à qui la faute ?

Emeric CAUMET

Photo:Flickr