Le groupe Fauve suscite un véritable engouement depuis quelques mois. Ils nous reçoivent pour parler musique et dresser le portrait de la société actuelle. Entretien.

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Combien êtes-vous dans le groupe ?

Nous sommes cinq membres permanents. Il y a quatre musiciens et un cinéaste-graphiste. Dans le collectif Fauve, de manière plus ou moins régulière, on est entre dix et quinze personnes environ. C’est aussi pluridisciplinaire. Nous avons des gens qui font de la musique mais aussi d’autres qui font de la photo, de la vidéo et de l’écriture.

Est-ce vous qui réalisez vos clips ?  

Parmi les cinq membres permanents, il y a une personne  qui s’occupe  de l’image, de faire les photos et les vidéos. Elle collabore aussi avec les autres gens du collectif. Son but est de gérer l’identité visuelle du groupe. C’est lui qui a développé le signe Fauve et qui traite de toutes les polices et des photos qu’on utilise.  Mais il est important de souligner qu’il n’y a pas une division stricte des taches. On donne tous notre avis, que ce soit pour la vidéo, la musique ou l’écriture des textes. C’est une sorte de vraie démocratie.

Pourquoi le nom Fauve ?

Ça n’a rien à voir avec le côté félin. C’est un terme qui a une connotation dramatique, chargée d’émotion. On trouve qu’il a un côté brute, un peu grave. Ça correspondait très bien à ce que l’on voulait faire. Nous avons pensé par la suite au fauvisme, ce courant de peinture avec des couleurs très vives qui privilégie l’émotion à la précision du trait. Il s’applique très bien à notre style de musique. On n’a pas envie d’être très précis, que ce soit dans la qualité de l’enregistrement ou la technique du riff de guitare. On veut de l’émotion.

Que remettez-vous en cause dans la société actuelle ? Qu’est-ce qui vous déplait à paris ? Vos textes sont parfois noirs.

Ce ne sont pas des textes noirs. C’est vrai que nous avons une chanson sombre qui s’appelle Sainte Anne.  On s’en sert comme d’un exutoire, une saute d’humeur à un moment donné avec une dimension thérapeutique. Mais la plupart du temps on essaie de ne pas être résignés et défaitistes. Même si nous partons d’un constat où la relation entre les gens est dure, nous voulons garder de l’optimisme. Dans notre chanson Nuits Fauves, on dit  » perds pas espoir « .

Nous vivons tous les cinq à paris. Les rapports humains sont compliqués, que ce soit dans le travail ou entre une fille et un garçon lors d’une rencontre. Il y a beaucoup de superficialité, de process à respecter quand tu veux draguer une nana par exemple. C’est plus un constat par rapport à tout cela. Tout est devenu compliqué. Il y a un protocole à respecter. Quand tu veux séduire une fille, il faut attendre trois jours avant de la relancer sinon tu passes pour un mort de faim. Quand tu es au travail, il faut être bien vu par un tel… Les gens sont durs entre eux. Tout est conditionné par des rapports humains bidons. C’est dommage. On préfère que les gens nous voient comme des idéalistes ou même des naïfs que comme des désillusionnés.

Êtes-vous engagés politiquement ?

Pas du tout. On considère que Fauve a un engagement fort mais non politique. On veut montrer comment résister et continuer. En se bougeant le cul, monter des projets. Essayer en somme d’avoir des vies plus exaltantes. On se considère plus comme des résistants. Nous sommes simplement des citoyens comme tout le monde qui vont voter.

Pourquoi avoir fait le choix  de « parler »  dans vos chansons au lieu de chanter ?

C’est très important pour nous de parler dans nos chansons. Ce fut un long processus pour arriver à ce résultat. Nous avons dû attendre un an environ pour  prendre cette décision. Il a fallu revoir la manière dont on écrivait.  Il y a un vrai besoin dans le groupe d’expulser, de vider son sac. Le problème c’est que tu ne peux pas obtenir ce résultat avec les mélodies. Il y a des contraintes de pieds, de vers et de rimes qui dénaturent notre propos. On a commencé à faire tourner une instru en boucle et on a débité du texte. C’est un peu comme dans le rap ou le hip hop. Cette absence de contraintes était la solution.

Comment définiriez-vous votre style de musique ?

Nous n’avons pas trouvé de style musical dans lequel on se sent proche. Ce n’est pas notre souci de savoir si ça ressemble à du slam, de la chanson française… En tout cas, nous ne faisons pas du slam. Pour le peu que l’on connait le slam, il y a une volonté d’être poétique avec l’utilisation de rimes. De plus, la musique est accessoire. Dans notre cas, la musique a un rôle vraiment important. Elle permet de sublimer le texte. On écrit nos textes comme on parle à un pote. On peut utiliser des gros mots par exemple. Donc par défaut on dira que notre style de musique c’est le spoken word.

Quand est-ce que l’on pourra acheter vos chansons ?

Au printemps, on va sortir un EP. On ne se sait pas encore combien de chansons il y aura. Il sera constitué des chansons actuelles  et des nouvelles. On veut vraiment apporter quelque chose de nouveau et ne pas se limiter aux quatre chansons que l’on a balancées sur internet.  Nous avons écrit de nouvelles chansons. On joue déjà certaines en concert. Ça prend du temps car nous n’avons pas de studio. On joue dans nos chambres. Ce n’est pas parce qu’on est un peu plus connu que l’on n’a pas plus de moyens.  On n’aurait pu trouver un label qui nous paye un beau studio et un bon producteur. Mais on a peur que ça puisse dénaturer notre travail.

Ludovic Bayle