Jeudi 3 octobre, un nouveau drame s’est échoué sur l’île de Lampedusa. Au départ, ils étaient entre 480 et 520. A l’arrivée, seulement 155 personnes étaient encore en vie. En 20 ans, ce sont environ 20 000  femmes et hommes qui sont morts à rêver d’une vie meilleure en essayant de traverser la Méditerranée. Cette fois-ci, la majorité d’entre eux venaient d’Érythrée. C’est l’occasion pour nous de savoir à qui nous refusons l’entrée dans l’Union Européenne.

 

(Photo: Helene C. Stikkel [Public domain], via Wikimedia Commons)

Issayas Afeworki a mis en place une réelle dictature dans un pays qu’il considère comme sa propriété. (Photo: Helene C. Stikkel )

Vous avez dit Érythrée ?

Au nord de l’Éthiopie, l’Érythrée est un pays neuf fondé en 1993 après une guerre d’Indépendance qui a duré pendant 30 ans. Pendant ces trente années, 230 000 personnes au bas mot ont été tuées. Cette guerre a dévasté l’économie, surtout l’agriculture qui doit totalement se reconstruire après le conflit. Hier encore, en 2000, l’Éthiopie et l’Érythrée se faisaient la guerre à propos de la frontière. Désaccord qui a tué 100 000 personnes. Depuis l’indépendance, Issayas Afeworki est à la tête du gouvernement, chef du FJD Front pour la Justice et la Démocratie (sic), le parti unique du pays. Il a réussi à mettre en place une réelle dictature dans un pays qu’il considère comme sa propriété. Aujourd’hui, le ministère des Affaires étrangères en France déconseille de s’y rendre « sauf raison impérative. »

 

Un quotidien armé

L’armée a une place considérable en Érythrée. Le conseil des droits de l’homme de l’ONU « condamne fermement la poursuite des violations généralisées et systématique des droits de l’homme et des libertés fondamentales commises par les autorités érythréennes », notamment concernant « la conscription forcée de citoyens pour des périodes indéfinies de service national ». En d’autres termes, l’Érythrée a constitué un service militaire obligatoire dès 17 ans, pour une durée indéterminée qui peut aller jusqu’à l’âge de 50 ans. En Érythrée, on peut être envoyé dans un des 314 camps de détention pour avoir eu un contact avec l’étranger. Des camps où la torture à mort est pratiquée, où les cellules sont des containers partagés par 33 personnes par une chaleur de 50 degrés.

 

Carte éditée par le Ministère des Affaires étrangères en 2013 définissant les zones à risque.

Carte éditée par le Ministère des Affaires étrangères en 2013 définissant les zones à risque.

L’impossible opposition

Amnesty International estime à 10 000 le nombre de condamnés politiques. Claire Beston, spécialiste de l’Érythrée à Amnesty International conclut « Vingt ans après l’euphorie de l’indépendance, l’Érythrée est l’un des pays les plus répressifs, secrets et inaccessibles au monde. » L’opposition politique et la presse n’existent pas. L’Érythrée occupe la dernière place du classement de la liberté de la presse édité par Reporters sans frontières.

Pour une bonne partie de la population érythréenne, la seule alternative, c’est d’essayer d’échapper à un état autoritaire. Pour ce faire, des familles entières se mobilisent pour pouvoir payer à l’ainé la possibilité de traverser la Méditerranée dans des conditions épouvantables.

Nicolas Scheffer