Des dirigeants sans scrupules ont gouverné des pays d’une main de fer. Ils se sont distingués par leur mégalomanie absurde. Nous avons dressé le portrait de ces hommes extravagants.   

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La folie des dictateurs africains

. Zine el-Abidine Ben Ali, président tunisien de 1987 au 14 janvier 2011, fut le premier homme d’État renversé lors des révolutions arabes. Il dirigea son pays avec autorité. A l’instar de nombreux dictateurs, il disposait d’un tempérament obsessionnel. Il vouait un véritable culte au chiffre 7 et l’a imposé sur les timbres, les cartes d’identité et comme indicateur téléphonique du pays.

. Mouammar Kadhafi, le Guide libyen, fut à son tour touché par le Printemps Arabe. Il régna sur le pays  pendant plus de quarante-et-un ans. Le 20 octobre 2011, alors qu’il tente de quitter la ville de Syrte, il est finalement assassiné par la rébellion. Il était réputé pour sa folie des grandeurs et sa suffisance. L’homme était connu pour se déplacer toujours avec une armée de femmes gardes du corps (les Amazones) et son inséparable tente de Bédouin. Il a poussé la provocation jusque dans la capitale française où il a planté sa tente dans le parc de l’hôtel Marigny, à côté de l’Elysée, au cours de sa visite officielle sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Si l’on met de côté la relation étrange qu’il entretenait avec Condoleeza Rice, l’ancienne secrétaire d’Etat américaine dont il gardait un album photo et à qui il offrit en 2008  pour 212.000 dollars de cadeaux, la relation de Kadhafi avec les femmes passait souvent du bizarre au sinistre. Il avait fait construire un repaire sous-terrain sous la plus grande université de Tripoli avec un lit, un jacuzzi et une salle d’opération équipée de matériels de gynécologie. Ses  » amazones « , formées à l’académie militaire féminine qu’il a fondée et qui le suivaient dans tous ses déplacements, ont accusé le dictateur libyen et son entourage de viol.

 . Idi Amin Dada  est un militaire et homme d’État ougandais, au pouvoir entre le 25 janvier 1971 et le 11 avril 1979. Il a laissé l’image d’un dictateur fou, violent et sanguinaire. De nombreux témoignages concordants attestent qu’il était adepte de certaines pratiques de sorcellerie. Sa mère ayant été une grande initiée et prêtresse de la famille royale Bouganda. Mais, il est probable que les rumeurs de cannibalisme à son sujet aient été un peu exagérées.

La folie de Idi Amin Dada ne s’arrête pas à sa décision de rester Président à vie ou de s’octroyer le grade de maréchal dès 1975. 00d/39/huty/14796/07Il va multiplier les frasques. Au cours du sommet de la défunte Orga­nisation de l’unité africaine (OUA) sur les cendres de laquelle l’Union africaine est née, il fait organiser plusieurs événements burlesques. Il s’agit, entre autres, d’une course automobile pendant laquelle il conduit une Citroën Sm avec un moteur Maserati, ou une manœuvre militaire dirigée par lui-même pour simuler une attaque contre l’Afrique du Sud. Il n’a pas hésité à se faire balader sur une chaise portée par des hommes d’affaires occidentaux dans les rues de Kampala ou à expulser des milliers d’Indo-Pakistanais de son pays. Le tyran de Kampala finit par sombrer dans un état psychologique inquiétant aussi bien pour son entourage que pour les partenaires étrangers. La passion du dictateur Idi Amin Dada pour l’Ecosse, devenue célèbre avec le film Le Dernier Roi d’Ecosse, allait jusqu’à l’obsession: il écoutait de la cornemuse à longueur de journée et a donné des noms de clans écossais à ses fils qui étaient habillés de tartans.

. Jean-Bedel Bokassa est un ancien président de la République centrafriquaine (1966-1976), autoproclamé empereur sous le nom de Bokassa Ier (1976-1979). Profitant d’une tentative de coup d’État qu’il était censé déjouer, il renversera le Président David Dacko et s’empare du pouvoir le 31 décembre 1965. Dès lors, celui que le général Charles de Gaulle traitait de «soudard» va se conférer la Présidence à vie. Il se convertit à l’islam sous le nom de Salah Eddine Ahmed Bokassa pour s’attirer les faveurs et le soutien financier de Mouammar Kadhafi. L’ancien «soudard» de l’Armée coloniale désormais à la tête de son pays n’a pas d’autre rêve que d’être à l’image de son idole, à savoir l’empereur Napoléon Bonaparte.

C’est dans ce contexte qu’il organisera son couronnement avec la participation du gotha politique et artistique français de l’époque. Mais contre toute attente, aucun chef d’État africain ne sera au rendez-vous. Lors d’une cérémonie dont la théâtralité se mêle au faste, le 4 décembre 1977, Jean-Bedel Bokassa se fait couronner «empereur de Centra­frique» dans le même costume que Napoléon Ier. Son titre exact est : «Em­pereur de Centrafrique par la volonté du Peuple centrafricain, uni au sein du parti politique national: le Mesean (Ndlr : Mou­vement pour l’évolution sociale de l’Afrique noi­re)». En présence de 5.000 participants dont le ministre français de la Coopération, Robert Galley, la garde-robe de Jean Bedel Bokassa, pour l’occasion, portait la griffe de Pierre Cardin, l’énorme trône celle du sculpteur Olivier Brice, la couronne en or du joaillier Claude Arthus-Bertrand avec sept mille carats de diamants. Au total, soixante mille bouteilles de champagne et de Bourgogne coulèrent à l’occasion. Et le moment fort de la cérémonie au Palais des sports de Bangui fut la parade du nouvel «empereur» de Centrafrique dans les rues de la capitale centrafricaine à bord d’un carrosse fait de bronze et d’or et tiré par des chevaux des haras du Pin gracieusement mis à sa disposition par le Président Valéry Giscard d’Estaing.

. Yahya Jammeh est au pouvoir en Gambie depuis le 22 juillet 1994 après un coup d’État. Il est président de la République depuis le 18 octobre 1996. Les obligations de président de la Républi­que de Gambie ne semblent pas lui suffire. Depuis 1994, quand il a chassé Daouda Jawara du pouvoir à la suite d’un coup d’État, le jeune lieutenant s’est littéralement métamorphosé. L’homme qui affectionneYahya-Jammeh maintenant de parader avec de grands boubous africains et une baguette magi­que en main s’est depuis quelques temps adjoint une nouvelle vocation quasi messianique : marabout de Gambie et grand guérisseur devant l’éternel des maladies les plus incurables, y compris du Sida. Le comble, il présente de soi-disant séropositifs qui auraient été guéris par ses soins sans s’émouvoir devant l’ire des représentants des institutions de l’ONU quant à ses prétendus remèdes contre la pandémie. Plutôt que de s’occuper des vrais problèmes de ses compatriotes, le chef de l’État gambien n’a de cesse de multiplier des frasques. La dernière en date, l’exécution en série de condamnés à mort par la justice gambienne déclenchant une réprobation internationale.

 

. Mswati III est le roi du ubuesque du Swaziland depuis 1986. Il dirige son pays en monarque absolu. Il choisit ainsi des jeunes filles vierges pour agrandir son harem chaque fois que l’envie lui prend et compte maintenant plus de 13 femmes. Tandis que près de la moitié de son peuple est touché par le Sida, il continue de refuser l’utilisation du préservatif. De même, pendant que la majorité de son peuple vit dans le dénuement le plus total, certaines de ses épouses vont faire leur shopping à Dubaï et à Londres. A en croire le Programme alimentaire mondial (Pam), un tiers des Swazis ont besoin d’aide alimentaire. Pourtant, le roi ne se prive de rien. A l’occasion de son 40ème anniversaire qui coïncidait avec l’indépendance du pays, il s’était fait livrer dans son palais 41 BMW. En 2012,  lors de son anniversaire, il s’est vu offrir entre autres cadeaux, un jet. Cadeau de mystérieux donateurs tenant à garder l’anonymat, selon la BBC.

D’autres dictateurs se distinguent

. Ramzan Akhmadovitch Kadyrov est l’actuel président de la République de Tchétchénie depuis le 15 février 2007. Diego Maradona, Fabien Barthez et une douzaine d’autres anciennes gloires du football ont participé en mai 2011 à l’inauguration du nouveau stade de Grozny. Une présence qui crée la polémique étant donné la réputation sulfureuse du président tchétchène Ramzan Kadyrov, à l’origine de l’opération. Tous ont répondu à l’appel du président tchétchène. Soutenu par le Kremlin, ce dernier dirige la province d’une main de fer et il est suspecté d’enlèvements et d’assassinats. Une partie des joueurs cités, dont Maradona en tête d’affiche, mais aussi Boghossian (contrairement à Barthez qui n’a pas chaussé les crampons), a joué et perdu le match (5-2) face à une équipe composée d’anciens internationaux russes, au sein de laquelle est apparu Kadyrov lui-même.

L’homme ne rate pas une occasion de se mettre en scène. Habitué depuis plusieurs mois à diffuser des photos personnelles sur Internet, il s’est vanté en avril dernier sur son compte Instagram d’avoir convoqué un de ses ministres sur un ring de boxe pour le punir de ses erreurs. M. Kadyrov a écrit qu’il reprochait à son ministre des sports et de la culture physique d’avoir mal entretenu le bâtiment abritant son ministère. « Avec un crochet du gauche et du droit, je lui ai expliqué » qu’il devait « faire marcher [sa] tête », a écrit le président tchétchène, affirmant qu’il était « efficace de punir de cette façon les manquements de responsables officiels ».

. Gourbangouly Berdymoukhamedov est, depuis le 14 février 2007, le président du Turkménistan. Il prend officiellement le surnom d’Arkadag (patron protecteur) et instauré son propre culte de la personnalité. Le président turkmène, connu pour sa passion de l’équitation, est tombé de cheval en avril dernier après avoir remporté une course, selon une vidéo diffusée Internet. Un incident passé sous silence par les médias de ce pays fermé et très contrôlé. Réputé bon cavalier, il est tombé de son cheval Berkatar (Le Puissant), lors d’un festival équestre à Achkhabad. L’animal a trébuché après avoir franchi la ligne d’arrivée et le président turkmène, en habit traditionnel, a fait une chute spectaculaire, restant immobile par terre pendant quelques secondes.

. Emomalii Rahmon est le Président du Tadjikistan depuis 1994. À cette époque, le pays est en proie à une guerre civile meurtrière. Il brigue à nouveau la présidence à l’élection de 2006 mais son régime doit faire face à une situation économique et sociale difficile. Les Tadjiks ne verront plus leur président se déhancher légèrement en poussant la chansonnette. Le Tadjikistan a bloqué l’accès au site YouTube à ses habitants suite à la diffusion d’une vidéo d’un karaoké du chef de l’État. Réalisée lors du mariage de son fils en 2007, elle a été mise en ligne seulement le 18 mai dernier, et bloqué 10 jours plus tard. Une des raisons de cette censure serait l’intitulé de la vidéo : « Ivre, le président tadjik pousse la chansonnette. »  La vidéo, jugée embarrassante, a été tout de même été vue 200 000 fois en une dizaine de jours avant d’être bloquée. Un beau succès donc. On rappelle toutefois que sur une population de 8 millions d’habitants, seulement 2 millions de Tadjiks ont accès à internet. Et que c’est la troisième fois depuis juillet dernier que l’accès au site YouTube est bloqué dans le pays.

Ludovic Bayle

Photos: Flickr/ Licence CC