Profitons de l’actualité de la maison Carlotta pour revenir un peu sur la carrière de l’un des grands faiseurs d’Hollywood. Simplement pour vous mettre l’eau à la bouche, un petit portrait de William Friedkin en 4 films.

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1. Les Garçons de la bande.

Le dvd vient de sortir le 20 février dernier. Une fois de plus, on ne peut que saluer l’éditeur Carlotta qui se démène pour nous dénicher des petites pépites. Adaptation de la pièce culte et éponyme de Matt Crowley, Les Garçons de la bande marque la fin de la première période Friedkin, la moins connue. Son cinéma, volontiers intellectuel, puise énormément du côté du théâtre. Nous sommes en 1970, il vient de tourner The Birthday Party, adapté d’Harold Pinter et sa mise en scène déjà toute en tension lui permet d’accéder à ce nouveau projet. Son style n’y est pas particulièrement mis en valeur, mais, il le reconnaît volontiers, le résultat final est des plus appréciables. C’est que la matière première, la pièce, succès surprise à Broadway, est remarquable. Mais Friedkin ne se contente pas d’être bon technicien, il propose, dans l’exercice périlleux du huit-clos, une mise en scène enlevée où le rythme évolue d’un bout à l’autre de la pièce. Conservant les acteurs originaux, c’est lui aussi qui les plie à la logique cinématographique. Discrète, la réalisation n’en est que plus ingénieuse. Les acteurs sont finalement aussi époustouflants à l’écran que sur la scène et le film est une réussite totale, l’un des plus brillants de son auteur.

Les bonus dvd reviennent intelligemment sur l’aventure. Trois actes en hommage à la structure théâtrale, un pour présenter la pièce et revenir sur sa création, un pour parler plus explicitement du film et un dernier, plus court, pour étudier la réception et la portée du film. Un sans faute à tous les niveaux.

 

2. French Connection.

Sorti un an plus tard, c’est peut-être LE film de Friedkin, alors au top de sa carrière avec L’Exorciste qui va suivre et, moins connu mais tout aussi intéressant, son remake du Salaire de la peur : Le Convoi de la peur. C’est en tous cas le film qui l’aura fait connaitre du grand public. Après un début de carrière plus volontiers cérébral, il se tourne sur les conseils de Howard Hawks vers le cinéma d’action et signe un chef d’œuvre instantané. Se réappropriant les codes du polar, il propose une œuvre réaliste et sombre, parsemée de séquences tendues et de courses-poursuites cultes. Le casting est une fois de plus impeccable, le scénario efficace et le succès au rendez-vous. Gene Hackman et Friedkin  obtiennent un oscar (le film en récolte cinq sur un total de huit nominations) et une suite verra même le jour, sympathique sans être indispensable. Signée Frankenheimer elle sera, à juste titre, moins plébiscitée. Petite curiosité, on y croise le père du présentateur de Loft Story, Jean-Pierre Castaldi, alors bien plus charismatique que dans l’émission la Première compagnie.

3. La Chasse.

1980, la carrière de Friedkin est dans le creux de la vague. Sa dernière réalisation, le gentillet The Brink’s Job avec Peter « Columbo » Folk, n’est pas aussi mémorable que ses films précédents et son nouveau projet menace d’abîmer sa carrière. Il va tourner avec Al Pacino, qui depuis Bobby Deerfield n’est pas non plus au top de sa célébrité. La Chasse, une plongée dans les milieux gay sadomasochistes, fait scandale. C’est effectivement avec Le Sang du châtiment qui sortira en 1987 son œuvre la plus polémique. La prestation plutôt molle (elle sert pourtant le film) de Pacino en flic paumé est loin de faire l’unanimité, et même les ligues homosexuelles protestent. Le film, bancal, reste une expérience sans concession et une proposition viscérale de cinéma. On ne retiendra malheureusement que la controverse et le côté sulfureux du film. Si La Chasse est loin d’être le meilleur film de son auteur, le procès qu’on lui aura fait est en revanche assez déplorable. On voudrait demander aux détracteurs s’ils ont pris la peine de voir Les Garçons de la bande. Pas sûr…

4. Killer Joe.

Dernier film du réalisateur, sorti chez nous l’année dernière, Killer Joe boucle en quelque sorte la boucle. Comme pour Bug, sorti en 2006, il adapte à nouveau une pièce de Tracy Letts et revient ainsi à ses amours théâtrales. Le réalisateur a beau comparer son film à Cendrillon, on est loin du classique de Disney. Le résultat, poisseux à souhait mais non dénué d’humour, raconte l’histoire de Killer Joe, policier le jour, tueur à gages la nuit, interprété par un Matthew McConaughey plus charismatique que jamais. Le résultat est aussi dérangeant que saisissant et, en cela au moins, l’entreprise est assez réussie. Friedkin revient donc à un cinéma plus réflexif mais conserve cette-fois ci une dimension spectaculaire et scandaleuse. On retrouve avec plaisir toutes ses influences dans le film. Pour le reste, le temps sera t-il aussi clément avec Killer Joe ? Celui-là résistera-t-il aussi bien au poids des années que les Garçons de la bande ? L’histoire nous le dira.

Matthieu Conzales