« La jeunesse française a-t-elle encore un avenir ? »

La forme même de cette phrase revêt un caractère pessimiste car ce n’est pas du type d’avenir mais de sa présence dont il est question. Quoi qu’il en soit, en considérant que cet avenir revient à se prononcer sur le chômage des jeunes, cette interrogation sur la jeunesse s’est sérieusement posée lors d’une conférence au Palais Bourbon le 31 Janvier. Étaient présents l’économiste Jean Hervé Lorenz, l’ancien ministre de l’éducation et de la jeunesse Luc Chatel, le président de la Fondation Concorde ayant organisé cet événement et un membre de cette fondation Alexis Norman.

conférencejeunesse

Si cette conférence sur la jeunesse a eu lieu, c’est bel et bien parce qu’il existe un constat de plus en plus alarmant à son égard : l’Insee a annoncé en décembre que le taux de chômage des jeunes – en augmentation depuis 4 trimestres – touche désormais 24,2% des actifs de cet âge contre 10,3% de la population active globale. De plus, seuls 17% des jeunes (16-25 ans) déclarent croire que l’avenir de leur pays sera meilleur.

Avant d’évoquer les réformes déjà faites et à envisager peut-être pour résoudre ce problème, ce sont surtout les sources de ce chômage chez les jeunes qui ont été abordées.

Les lacunes du système éducatif français

Ainsi, il est intéressant de constater que selon les personnes présentes, une des principales causes de ce phénomène se situe au niveau de l’éducation. En effet, malgré une part assignée à l’éducation de plus de 10% sur l’ensemble des dépenses publiques, il perdure une importante tendance de décrochage scolaire. Selon l’Insee, seul 1/3 des Français atteignent le niveau licence contre 50% dans les pays du Nord. Cela s’expliquerait par une mauvaise gestion du système actuel qui favorise trop le lycée au détriment de l’école primaire (qui possède un budget 3 fois moins important que le lycée) : c’est une reconcentration sur les fondamentaux que préconisent les politiques présentes ; c’est-à-dire savoir compter, lire et écrire. Cette idée se justifie lorsque l’on apprend que 15% des élèves quittent le CM2 sans maitriser la lecture et qu’un nombre quasi égal d’élève ne la maitrise toujours pas lors de la journée d’appel obligatoire  qui se déroule en fin de lycée. C’est effectivement le rôle de l’enseignement primaire d’enseigner ces fondamentaux et non au lycée qui ne prévoit aucune procédure de « rattrapage ».

De plus dans le domaine de l’éducation, il est constaté un vide autour de l’économie d’entreprise. Les cours ne favorisent pas la formation d’entrepreneur et cela est fortement lié au fait que les professeurs n’ont pour la majorité des cas aucun lien avec le monde de l’entreprise. Au final, cela limite donc la formation de futurs entrepreneurs qui auraient pu dynamiser l’économie par leur embauche.

A ce niveau, plusieurs solutions ont été proposées en plus de recentrer de manière budgétaire l’éducation au niveau du primaire.

Il a ainsi été envisagé de personnaliser l’éducation avec une mise en place d’horaires supplémentaire pour les élèves en difficultés afin d’assurer leurs connaissances de base.

Une mise en place progressive d’une meilleure culture de l’échec est aussi envisagée. En effet, contrairement aux États-Unis par exemple, il a été constaté lors de la conférence qu’un échec en France est souvent vécu comme un drame et abouti donc à l’abandon ; et ce, dans la société en général. Si un changement des mentalités réussissait à aboutir, cela favoriserait à la fois les initiatives personnelles et le succès d’un plus grand nombre dans les études. L’échec étant alors considéré comme « normal », ces engagements personnels se renouvelleraient plus facilement.

Par rapport aux réformes qui ont déjà été faites dans ce sens, on peut noter une réforme de 2011 qui élargit de la possibilité de créer une entreprise ou une association à l’âge de 16ans, une réforme de 2010 qui fixe la mise en place d’un cours obligatoire d’économie, ainsi la mise en place récente de contrat d’avenir pour les jeunes moins qualifiés pour « leur donner une chance » et les former.

 

Une conjoncture économique propice au chômage des jeunes

Le chômage des jeunes est également lié à des conjonctures économiques dans des domaines plus vastes.

La génération du baby-boom arrivant à la retraite se fait sentir. Ce phénomène qui inclus directement une vieillesse de la population a pour conséquence un vrai problème d’inégalités relatif aux transferts publics (retraite, santé, formation). En effet, les financements de l’État sont très portées malgré elles sur les plus de 60ans et négligent donc inexorablement les soutiens monétaires accordés à la jeunesse. Si ces financements auprès des jeunes doivent tout de même se faire, il est tout de même difficile de trouver des fonds. Le problème actuel de la dette, lié à un manque de croissance, limite les emprunts.

Comme seconde cause de ce chômage, les participants ont évoqué le manque d’innovation en France qui abouti à un manque à gagner pour la création d’emplois. Ainsi, d’après les personnes présentes lors de la conférence, la France limite soi-même ses innovations à cause d’un principe de précaution très présent. L’exemple du gaz de schiste a été mentionné. Que l’on soit pour ou contre son exploitation, le fait de ne pas entreprendre des recherches d’exploitation ou de l’activité pure dans ce domaine entraine un manque à gagner en terme d’emploi. Cela serait amplifié par un effort en recherche et développement insuffisant car représentant que 2,26% du PIB de la France.

Face à ces difficultés, deux réformes envisageables ont  été énoncées. Elles ont pour but à la fois d’alléger les coûts publics pour les plus âgés et de diminuer la précarisation du travail des jeunes : l’instauration d’un régime de retraite par point pur et l’instauration d’un contrat de travail unique à l’insu du CDD qui n’offrirait la protection de l’actuel CDI après une période probatoire permettant d’acquérir progressivement des droits sociaux (par exemple 3ans). Néanmoins, elles restent peu précises et l’ampleur du travail nécessaire pour résoudre ce chômage n’est en aucun cas désavouée par les politiques.

Yonathan Van der Voort

Photo: Fondation Concorde