« Destruction ultime ». Voici le terme employé en pleine conférence de l’ONU par le diplomate nord-coréen Jon Yong Ryong à l’égard de son voisin du sud. Cette menace directe prononcée le 19 février démontre une nouvelle fois l’insouciance de la Corée du Nord pour l’ordre international.

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Ce cas n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des causes de tension qui apparaissent de manière continue autour du régime de Kim Jong-Un. Il y a peu, le 12 février 2013, la Corée du Nord procédait à un nouvel essai nucléaire faisant suite aux précédents essais du même type les 9 octobre 2006 et 25 mai 2009.

Le jour fatidique de son acquisition de l’arme nucléaire parait ainsi de plus en plus proche et surtout inexorable, car c’est bien un processus sans compromis qu’engage la Corée pour obtenir cette arme. De quoi relancer les questions sur l’incapacité pour les instances internationales de jouer leur rôle de prévention par la diplomatie

Une Corée du Nord inflexible

Il est difficile de dénicher des exemples historiques dans lequel la dictature Coréenne ait accepté de réels compromis à l’insu de ses intérêts. Lors de la transition de pouvoir du père au fils, la Corée du Nord a réfuté « le moindre changement » dans sa façon de gouverner et a écarté toute possibilité de discussion avec le gouvernement sud-coréen.

«Nous déclarons solennellement et fièrement aux responsables politiques stupides dans le monde, y compris les fantoches de Corée du Sud, qu’ils ne doivent pas s’attendre au moindre changement de notre part», a ainsi indiqué en fin 2011 la Commission de défense nationale, considérée comme la structure la plus puissante du pays, dans un communiqué diffusé par l’agence officielle KCNA.

De plus, ce territoire reste très fermé à l’extérieur : son indicateur de liberté économique est de 1,5/100 d’après l’Heritage foundation – contre 64,1/100 en France. Il est également bon de rappeler que tout étranger venant en Corée reste exclu de la population en logeant dans des quartiers isolés et prévus à cet effet. Les seules informations relatives au cœur du territoire coréen sont obtenues grâce à des images satellites et cela ne laisse rien de bon à présumer étant donner le recensement de six camps de type goulag qui y sont décelés. Dans un rapport de mai 2011, Amnesty International affirmait que ces camps d’enfermement accueillent quelques 200 000 personnes dans des conditions qu’elle qualifie d’«inhumaines ».
Enfin, on peut noter que la Corée du Nord a annoncé hier son autorisation prochaine de l’utilisation d’internet pour les étrangers ; de quoi démontrer que cette « fermeture » est poussé à l’extrême et a encore une belle grande marge de progression.

Étant donné la stabilité du régime largement démontrée par la transition aisée du père au fils à la tête du pouvoir, cette situation n’a que peu de chance de changer, que ce soit sous l’impulsion du pouvoir lui-même ou de la population qui reste très « endoctrinée ».

Des réactions peu efficaces pour un dilemme à porté internationale.

A ce jour, les seules sanctions exercées par l’ONU à l’encontre de la Corée du Nord sont de nature économique.
Néanmoins, tout comme en Iran, le régime ne subit que peu de difficultés. C’est avant tout la population civile qui est directement touchée. Bien sûr, les chiffres sont toujours à prendre avec précaution – leur précision est logiquement assez limitée étant donné l’isolement de la dictature – mais, d’après le programme alimentaire mondial, 40% de la population nord-coréenne souffre de malnutrition.

En juillet 2011, l’Union européenne a alloué une aide alimentaire d’urgence d’un montant de 10 millions d’euros au régime qui se dirigeait vers une nouvelle famine à cause de la faiblesse se son agriculture très vulnérables aux bouleversements climatiques. Les sanctions exercés par l’ONU ont probablement d’importante conséquences mais ne suffisent en rien à affaiblir de façon politique le régime.

Malgré l’insuffisance des effets de ces sanctions internationales, il est difficile de prévoir de futures initiatives plus fermes l’égard de la Corée du Nord à cause des positions diplomatiques de la Chine et de la Russie. Ces deux membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU ont en effet toujours fait usage de leur droit de veto dès qu’une sanction paraissait trop menaçante.

C’est dans ce contexte des provocations de la Corée du Nord que se joue le dilemme nucléaire du pays. Il est difficile d’envisager une coopération des autorités nord-coréenne lorsque toutes leurs provocations – ou « tests d’appréciation des réels pouvoirs des autorités internationales par rapport à leurs simples menaces » – ont prouvé qu’elles peuvent rester maitresses de leurs actes sans peur de réprimandes

C’est d’ailleurs peut être ce qu’a voulu sous-entendre le diplomate Jon Yong Ryong par son: « Comme le dit le proverbe, le petit chiot ne craint pas le tigre », énoncé parallèlement à sa menace de destruction ultime de la Corée du Sud. Comment un chiot pourrait-il craindre le tigre après avoir sans cesse constaté que ses griffes ne font que l’effleurer derrière sa cage sino-russe?

Quoi qu’il en soit, c’est un véritable dilemme international qui se joue aujourd’hui dans cette région. Il est clair que l’acquisition de l’arme nucléaire par la Corée du Nord est redoutée par les Occidentaux au sens large en raison de la crainte d’un futur régime n’hésitant pas à utiliser la bombe ou vendant sa technologie aux terroristes les plus offrants. Le tout est de savoir si les autorités internationales auront à court ou à long terme le pouvoir de faire face à leurs propres limites intérieures pour mettre fin à ce processus d’acquisition nucléaire.

De son coté, la Corée du Nord sait sans doute que chaque gain de recherche en direction de cette arme pousse davantage les puissances à intervenir. Mais elle semble prendre le pari de ce dilemme avec fierté. Seul l’avenir nous dira si une intervention massive de l’extérieur capable de faire renoncer la Corée du Nord se fera avant ou après l’acquisition de la bombe par le régime nord-coréen. En tous cas, une fois l’obtention d’une telle arme certaine, toute intervention de cet ordre sera sans doute trop tardive pour être envisagée, et un bras de fer de toute nouvelle nature s’engagera.

Yonathan Van der Voort