Treize ans. La secte Boko Haram sévit depuis désormais treize longues années, poursuivant son inexorable essor de pays en pays sur le continent africain, laissant charniers et villages dévastés à chacun de ses passages. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs revendications ? Pour quelles raisons agissent-ils ainsi ? Parlons Info vous explique qui est Boko Haram.

Abubakar Shekau, chef du groupe Boko Haram

Abubakar Shekau, chef du groupe Boko Haram

Boko Haram est un groupe terroriste né en 2002, fondé par Mohamed Yusuf à Maiduguri — nord-est du Nigeria — et toujours en activité aujourd’hui. En haoussa, « Boko Haram » signifie littéralement « l’éducation occidentale est un péché ». L’objectif de ce groupe islamiste radical est commun à l’ensemble des organisations terroristes de ce genre, à savoir l’imposition universelle de la Charia. Ce que souhaite ce groupe — du moins, ce qu’il prétend revendiquer —, c’est un retour à un Islam pur, fort comme réponse à l’occidentalisation croissante du monde. Pour parvenir à cette fin, Boko Haram ne recule et ne reculera devant rien, comme en témoignent les récents évènements que nous évoquerons plus tard. Enlèvements, séquestrations, pillages, assassinats, meurtres de masses, viols et destructions sont autant d’armes utilisées par cette secte terroriste, avec une démesure et un dédain pour la vie peu communs, rendant ainsi la lutte quasiment impossible pour les autorités étatiques.

Boko Haram est un groupe sunnite — le courant majoritaire de l’Islam qui s’oppose à sa branche chiite — revendiquant le djihad comme moyen de rejeter l’éducation décadente occidentale qu’ils jugent comme étant responsable du déclin des sociétés musulmanes. C’est pour cela qu’ils s’en prennent aux institutions, aux civils, noyant ainsi le Nigéria dans la terreur et dans une situation que nous pourrions qualifier de proche de la guerre civile. Les civils, justement, sont les principales cibles de Boko Haram. En cela, les actions du groupe ne diffèrent pas de celles de l’État Islamique et d’Al-Qaïda qui n’hésitent jamais à commettre les pires actes sur leurs propres compatriotes. Pour comprendre l’état d’esprit régnant au sein de ses organisations, il vous faut comprendre que vous ne pouvez être qu’avec ou contre eux. Il n’existe aucune nuance. C’est pour cela que Boko Haram massacre les populations musulmanes avec la même indifférence que celles de confession chrétienne car de leur point de vue, les musulmans qui cohabitent avec les autres religions sont des infidèles, des traîtres et ne méritent rien d’autre que la mort. Appliquant la loi du talion — encore une fois au même titre que les autres organisations terroristes islamistes —, chaque attaque visant leurs intérêts stratégiques est suivie de représailles disproportionnées et/ou de menaces.

Comment agissent-ils ?

Pour retrouver la trace des premières exactions de Boko Haram, il faut remonter en 2003. C’est à cette époque que, en réponse à la corruption des dirigeants du pays, les premières actions armées du groupes sont commises. Les populations n’étaient pas encore visées et le groupe ne s’était pas radicalisé comme aujourd’hui : seuls des bâtiments publics avaient été visés. La secte nigériane s’est progressivement armée, agrandie avant de perpétrer de plus en plus d’attentats jusqu’à la rupture lors de l’été 2009. C’est effectivement en juillet 2009 que les forces de sécurité nigérianes ouvrent le feu sur des membres de la secte, sonnant ainsi le début de cinq jours de combats extrêmement meurtriers qui feront plus de huit cent victimes, policiers et membres de Boko Haram confondus. Mohamed Yusuf est également abattu lors d’un échange armé selon les autorités mais, apparemment, il aurait plutôt été capturé et torturé avant d’être exécuté froidement. Ces affrontements illustrent l’organisation armée de la secte qui agit selon des schémas de guérilla urbaine, rendant ainsi le combat délicat pour les forces armées qui ne sont pas préparées à riposter face à de telles attaques. Toujours est-il qu’avec la mort de son chef spirituel, Boko Haram se retrouve sans tête et le Nigéria pense être parvenu à éradiquer le groupe.

Victimes de l'attentat de Nyanya

Victimes de l’attentat de Nyanya, le 14 avril 2014

Nous parlions plus tôt de la loi du talion et de la façon dont les groupes terroristes islamistes l’emploient. La mort de Mohamed Yusuf n’aura pas eu les effets escomptés, bien au contraire. Subitement, Boko Haram s’est radicalisé à l’extrême en aspirant qu’à une seule chose : la vengeance. Dés lors, les attentats se sont multipliés et les forces gouvernementales ont été submergées, plongeant ainsi le pays dans un chaos absolu. Les suites de juillet 2009 se sont révélées désastreuses pour le Nigéria, mais également pour les autres pays frontaliers. Pour reconstruire leur organisation, les membres de Boko Haram ont essaimés dans ces régions le temps de reconstruire le groupe moribond. En 2010, Boko Haram a un nouveau chef : Abubakar Shekau. C’est cet homme, membre de Boko Haram depuis ses balbutiements, qui va faire du groupe ce qu’il est devenu aujourd’hui et ce, dés sa prise de pouvoir. En effet, le mois de juillet 2010 sera extrêmement meurtrier avec plusieurs milliers de victimes et d’intenses offensives sur les bâtiments publics, notamment sur les commissariats : le pouvoir nigérian est impuissant. Comme symbole de cette impuissance des autorités, l’attaque de Boko Haram sur la prison de Bauchi en septembre 2010 : ils libèreront sept cent trente-deux prisonniers dont plus de cent cinquante islamistes.

La fuite de 2009 aura eu une autre conséquence. Telle une hydre, Boko Haram s’est séparé en plusieurs branches distinctes. Si celle dont Shekau est à la tête reste dans la lignée du Boko Haram de Yusuf — c’est-à-dire à vocation locale et régionale —, d’autres ramifications apparaissent avec des vocations à l’international. Progressivement, le groupe éclate en une multitudes de micro-cellules dont, notamment, la branche Ansaru en 2012, responsable de l’enlèvement d’un français. Ansaru est proche des djihadistes maliens et semble ne vouloir s’en prendre qu’aux occidentaux, et notamment aux français, en réponse à l’intervention au Mali.

L’enlèvement des sept français au Cameroun en 2013 par Boko Haram semble toutefois indiquer une évolution de leur mode d’action : s’ils demandent la libérations des leurs en échange des otages — dans la lignée de leurs autres revendications à caractère local —, ils menacent également la France qu’ils déclarent « engagée dans une guerre contre l’Islam ». Autre fait troublant, dans la vidéo de revendication de l’enlèvement, les membres de la secte ne parlent plus en haoussa mais en langue arabe, avec une mise en scène proche de celle d’Al Qaïda. Loin d’être anecdotique, cette similarité met en lumière le rapprochement entre Boko Haram et le terrorisme international, de fait, plusieurs membres du groupe se sont également rendus dans des camps d’entrainement d’AQMI pour apprendre de nouvelles méthodes de combat. Ce rapprochement avec Al Qaïda est notamment visible dans les nouveaux modes opératoires de Boko Haram, avec des attentats-suicides et ces fameux enlèvements.

De la même manière que les différentes branches d’Al Qaïda sont indépendantes, les groupuscules issus de Boko Haram sont autonomes et ne répondent à aucune hiérarchie, les rendant de fait encore plus imprévisibles et donc, intrinsèquement, plus dangereux.

Quelles réactions ?

La principale contrainte du combat contre le terrorisme relève de sa nature même, à savoir qu’il se dissimule en permanence pour frapper lorsque l’on ne l’attend pas. Dés lors, une question s’impose : comment est-il possible de se battre contre un ennemi que l’on ne voit pas ? Dans le cas de Boko Haram, si ces derniers ont détruit un grand nombre de villages, les forces de sécurités de sont pas en reste non plus. Ces dernières ont effectivement pris l’habitude de bombarder certains villages soupçonnés d’abriter des membres du groupe. S’il ne fait aucun doute que des membres de Boko Haram se réfugient parmi les civils, les hommes du gouvernement ne peuvent savoir qui est qui, de nombreuses bavures sont commises quotidiennement. Dos au mur, gangrénée par la corruption est affaiblie, l’armée fait difficilement face à un ennemi dont le nombre ne cesse de croître et dont la détermination totale. Le soutien des armées des pays voisins ne peut être suffisant tant le territoire à couvrir est immense et les terroristes omniprésents. Là encore, Boko Haram a évolué et semble désormais être dans une logique de conquête et de destruction. Ils prennent un village, le pillent, l’incendient avant de passer au suivant et ainsi de suite, en n’ayant aucun autre but que d’instiller une terreur sourde en chacun. Boko Haram ne souhaite donc pas faire adhérer le peuple à sa cause et à le recruter : sa stratégie est d’être craint par tous et de prendre le pouvoir de cette façon.

Rassemblement de soutien aux nigérians face à Boko Haram / 18.01.15 / © Camille Bour

Rassemblement de soutien aux nigérians face à Boko Haram du 18.01.15 © Camille Bour

En raison de l’organisation même des groupes terroristes, les combattre relève quasiment de l’impossible. Ces groupes sont en perpétuelle évolution, lorsque les forces internationales parviennent à détruire une branche, deux autres naissent presque immédiatement. Les chefs de ces mouvements ne sont pas indispensables, bien au contraire. La mort de l’un d’entre-eux en fait un martyr au nom duquel les différentes cellules terroristes se vengent systématiquement alors qu’un nouveau chef prend la place encore chaude du précédent. Le combat par les armes est inefficace, comme en témoignent les bombardements occidentaux, mais demeure indispensable pour témoigner d’une présence forte. Pourtant, on se rend bien vite compte que le véritable combat est d’une nature idéologique, entre deux visions totalement différentes du monde. Face à l’obsession des groupuscules terroristes à imposer leurs lois au monde entier, le monde doit faire bloc pour rejeter cette idéologie mais sans pour autant utiliser la violence comme seul outil, ou la stigmatisation  d’une communauté entière sous peine de prendre le risque de l’ostraciser. Les groupes terroristes n’attendent effectivement que cela car une population mise en marge par une autre est malléable, manipulable. En jouant sur le ressentiment des individus qui la forment, on les conduit doucement à la haine et dés que ce point est atteint, de nouveaux terroristes sont nés. Un combat idéologique doit donc être mené parce que le monde entier, peu importe son ethnie ou sa confession, est opposé au terrorisme. Ce combat, il commence à l’école et dans les foyers par l’éducation, le nombre d’écoles incendiées par Boko Haram en témoigne d’ailleurs parfaitement. En enlevant les jeunes lycéennes, le groupe ne combat pas uniquement l’éducation occidentale mais plutôt les droits de l’Homme les plus fondamentaux et c’est bel et bien cela qu’est Boko Haram : l’ennemi de la civilisation.

Simon Sainte Mareville