Le 7 mai, les Français voteront et feront ce choix qui tombera comme une sentence irrémédiable pour les cinq ans à venir. Un choix complexe, parfois cornélien pour certains, mais ce choix est à faire. Refuser de choisir, c’est accepter le pire. En 2002, de nombreuses voix, connues et inconnues, s’étaient élevées pour faire barrage au Front National ; mais la normalisation actuelle de ce parti fait que la surprise et la mobilisation sont devenues une lassitude habituelle. Une lassitude telle que de nombreux citoyens s’excluent d’une élection qui n’est plus pour eux, qui n’est plus la leur.

Lors du débat entre Mme Le Pen (Front National) et M. Macron (En Marche) de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle de 2017, les deux candidats se faisaient front, s’interpellant avec hargne, en quête des voix d’indécis cloués devant leurs petits écrans. Et, alors que de nombreux Français ne se reconnaissent dans aucun des projets proposés par ces deux candidats, l’enjeu de cette élection sera sans conteste l’abstention. Le refus du choix.

Mais quelles sont les différentes formes de la non-expression d’un choix et quelles conséquences peuvent-elles avoir sur un scrutin ?

©Wokandapix, pixabay

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– La non-inscription sur les listes électorales

Théoriquement, toute personne ayant la nationalité française et plus de 18 ans est en droit de voter, sauf si des institutions juridiques l’en privent. L’un des enjeux principaux consiste à encourager les citoyens à s’inscrire sur les listes électorales. Un rapport du Sénat fait état, selon les années, de 3 à 8.5% du corps électoral théorique qui ne serait pas inscrit en France.

De la simple négligence à la suite d’un changement de commune de résidence, à une volonté délibérée du citoyen, les raisons sont multiples, même si les élections présidentielles et législatives limitent les taux de non-inscrits du fait de l’engouement particulier des Français pour ces scrutins. Il faut noter que les résultats sont toujours des pourcentages en fonction du nombre d’inscrits, ce qui implique que les non-inscrits sont donc totalement exclus et ignorés dans le verdict final.

Cette année, des bugs informatiques ont eu lieu lors du premier tour : procurations égarées, inscriptions confirmées et pourtant non validées, radiations injustifiées, etc. Autant d’évènements qui ont privé des électeurs de leur droit de vote sans raison. Difficile à comptabiliser à l’échelle nationale, certains électeurs se sont toutefois déplacés sans pouvoir mettre leur bulletin dans l’urne.

– Le vote blanc et le vote nul

Parmi les inscrits sur les listes électorales, certains votes ne sont pas comptabilisés. Ce sont les votes nuls : les bulletins déchirés, annotés, doubles ou non homologués. Le vote nul est dû le plus souvent à des erreurs ou des mauvaises manipulations des électeurs. Le taux de vote nul reste largement dérisoire (moins de 1% au premier tour) dans le scrutin et n’est pas pris en compte dans le résultat, c’est-à-dire que le nombre de vote nuls sont ôtés du nombre total de votant pour établir les pourcentages de vote pour chaque candidat.

Le vote blanc, quant à lui, correspond aux enveloppes vides ou contenant un bulletin sans nom. Depuis 2014, les votes blancs sont décomptés bien qu’ils ne soient pas pris en compte dans le nombre de suffrages exprimés. A la différence du vote nul, le vote blanc est souvent un moyen de remplir son devoir de citoyen sans choisir, faute de se sentir représenter. 1.78% des votants au 1er tour ont voté blanc, ce qui le place 7e derrière Nicolas Dupont Aignan dans les suffrages, faisant mieux que les cinq plus petits candidats (Lassalle 1,21% ; Poutou 1,09% ; Asselineau 0.92% ; Arthaud 0.64% ; Cheminade 0.18%)

– L’abstention

Enfin, l’abstention, c’est-à-dire ne pas se rendre aux urnes le jour du scrutin, est un phénomène de plus en plus important en France. Longtemps analysée comme un manque d’intérêt pour les affaires politiques, l’abstention est devenue une option de plus en plus envisagée par des électeurs indécis et désireux d’exprimer leur mécontentement. La crise de la représentation que met en exergue l’abstention pose une question essentielle quant à la légitimité d’un exécutif élu avec un taux d’abstention important. Or, 22,23% des inscrits ne se sont pas déplacés pour le premier tour de l’élection présidentielle.

Eternel troisième candidat des élections, l’abstention peut amener à des surprises politiques, comme la présence au second tour du candidat Front National, Jean Marie Le Pen en 2002, face, notamment, à une gauche divisée derrière Lionel Jospin et trop faible pour passer le stade du premier tour. Plus étonnant encore, si l’on considère l’élection de M. Chirac en 1995 et M. Hollande en 2012, tous deux furent élus à la majorité absolue des votants, comme le préconise la Constitution, mais ils n’ont pas obtenu la majorité absolue des inscrits (respectivement 49.27% et 48.63%).

 

A la veille du second tour de l’élection présidentielle, le résultat est fortement dépendant de l’abstention. En effet, la force de la candidate du Front National, Mme Le Pen, s’appuie sur un électorat fortement mobilisé, là où M. Macron, qui semble pourtant avoir un électorat potentiel plus large, peine à convaincre les votants du premier tour de reporter leur voix sur sa candidature. Des électeurs s’abstiendront au second tour, indécis et écœurés, tandis que les électeurs du Front National, qu’ils soient coutumiers ou exaspérés, eux, se déplaceront.

                « Je ne le fais pas de gaieté de cœur mais l’abstention n’est pas dans mes gènes surtout lorsqu’un parti extrémiste s’approche du pouvoir », a souligné François Fillon (LR), dès l’annonce des résultats, tout comme M. Hamon (PS). Tous deux vaincus, ont appelé à voter pour M. Macron et ainsi empêcher le parti de l’extrême droite d’accéder au pouvoir. M. Dupont-Aignant a profité de l’entre-deux tours pour annoncer son soutien à la candidate Mme Le Pen, en échange d’un poste de choix, Premier Ministre, si elle venait à être élue. M. Lassalle et Mme Arthaud, bien que refusant le Front National, ont annoncé leur inclination pour le vote blanc. Ms. Cheminade et Asselineau ne donnent pas de consigne de vote tandis que M. Poutou refuse de donner sa voix à M. Macron, jugeant que le candidat d’En Marche ! n’était « pas un rempart contre le FN ».

Alors que la plupart des candidats battus ont donné une consigne de vote, il reste le cas de M. Mélenchon. Lui qui avait largement appelé à combattre le Front National en 2002, il a d’abord préféré laisser les membres de son mouvement choisir quelle consignes de vote donner, avant d’opter pour aucun mot d’ordre précis, préférant laisser chaque électeur libre de son propre choix. Questionnant l’utilité et l’enfantillage des consignes de vote, il crédibilise un choix alternatif refusant les deux candidats en lice.

En somme, la place du vote blanc et de l’abstention et l’enjeu qu’ils représentent soulignent bien l’ampleur la crise de la représentation actuelle en France.

 

Caroline VANDENBUSSCHE