De bien des manières, le marché des transferts a perdu le sens des réalités cet été, dans des proportions parfois inédites. Revue d’un mercato (presque) pas comme les autres.

Gareth-Bale

Gareth Bale devrait rejoindre le Real Madrid pour 91 millions d’euros selon le journal As. (Flickr/Licence CC)

Chaque jour on s’attend à ce que le transfert de Gareth Bale soit enfin acté, et chaque jour, l’information est reportée au lendemain. L’échéance du 2 septembre pour la clôture du marché approche à grand pas mais pourtant, il n’y a aucun doute, le joueur gallois quittera bien Tottenham pour le Real Madrid et une somme dingue de près de 91 millions d’euros, selon le journal As. Forcément, un tel transfert, sur lequel sont mises en jeux à tous les niveaux de la négociation et des intermédiaires des sommes surréalistes, ne se finalise pas en deux secondes par une poignée de main. Ce qui est le principal feuilleton de l’été sur la scène internationale aurait quand même du trouver son épilogue bien plus tôt.

Que se passe-t-il alors ? A priori, non, le transfert ne capotera pas. Les clubs anglais sont certes très riches à la faveur du contrat record conclu par la Premiere League pour les droits de diffusion télé, mais il suffit de voir le niveau des investissements réalisés par Tottenham ces dernières semaines, pour comprendre que l’argent du transfert de Bale est comme déjà inscrit dans la comptabilité du club londonien. Les Spurs ont déjà recruté Roberto Soldado (Valence, 30 millions),  Paulinho (Corinthians, 20 millions), Etienne Capoue (Toulouse, 11 millions) et aussi Erik Lamela (AS Roma, 35 millions). Chicharito (Manchester United) serait lui en approche. La raison du retard de l’annonce du transfert de Bale est alors  à chercher ailleurs, notamment dans les préparatifs que le Real Madrid opère pour une présentation fastueuse du joueur. Ce n’est pas tout : Daniel Levy,  le président de Tottenham, n’a pas du tout apprécié un couac provenant de Madrid… Le 22 aout, pendant quelques minutes, le site officiel du Real a laissé apparaitre des maillots floqués au nom de Bale, en vente dans sa boutique officielle ! Le président Levy peut logiquement être agacé et ce serait lui qui aurait décidé de faire traîner en longueur ce dossier. Cet épisode montre l’impatience du Real à … rentabiliser son investissement. S’il n’y a pas de doute sur le valeur sportive du joueur, il n’en est pas non plus concernant le business qu’il va engendrer avec les ventes de maillots !

Le montant du transfert de Bale au Real a quelque chose d’indécent, surtout dans une Espagne durement touchée par la crise économique. 91 millions d’Euros ne semblent pas non plus justifiés. La valeur du chèque est-elle la réponse du Real à son rival barcelonais ? Conclu dès le 26 mai à l’ouverture du marché, le transfert de l’attaquant star du Santos FC Neymar pour la bagatelle de 57 millions d’euros, avait été le premier mouvement important de l’été 2013.

Wayne-RooneyEn Angleterre, l’autre saga de l’été a concerné Wayne Rooney. L’attaquant phénomène, en perte de vitesse à Manchester United depuis l’arrivée la saison dernière de Robin Van Persie, a été annoncé sur le départ. La rumeur l’a d’abord envoyé au PSG mais c’est surtout Chelsea qui a fait savoir sa volonté de récupérer le buteur pour environ 50 millions d’euros. Rooney n’a pas caché son mal être à MU et l’on a vraiment cru qu’ils rejoindrait le club de Roman Abramovich. Là aussi, l’affaire a longtemps trainé… jusqu’au revirement. Rooney est maintenant parti pour rester. Il devrait même prolonger son contrat et revaloriser son salaire. Mourinho, de retour sur le banc de Chelsea, s’est lui fait une raison et a fait signer Samuel Eto’o, que l’Anzhi Makhachkala ne pouvait plus garder.

 

La France agite le mercato

En France, le retour en Ligue 1 de l’AS Monaco a installé une inédite compétition de carnet de chèques avec le PSG. La différence entre les deux clubs tient au fait que Monaco a un an de retard sur le PSG dans la construction de son équipe. Le PSG a fait le principal l’année dernière avec les arrivées de Zlatan Ibrahimovic et consorts. Pour le club parisien, il s’agit surtout cet été de consolider et renforcer 7763680348_radamel-falcaol’effectif. Monaco, dans la fabrication de ses grandes ambitions, partait de presque zéro mais n’a pas perdu de temps. Le très gros coup a été réalisé avec la signature dès le début de l’été de Radamael Falcao en provenance de l’Atlético Madrid pour 60 millions d’euros. Son agent Jorge Mendes est l’homme le plus heureux du monde puisque cet été il a aussi réussi à placer deux des cadres du FC Porto, James Rodriguez (45 millions) et Joao Moutinho (25 millions), sur le Rocher. Cela sans compter l’arrivée de Ricardo Carvalho, en fin de contrat avec le Real Madrid. L’ASM a aussi finalisé le retour en France de deux internationaux français et non des moindres. Jeremy Toulalan quitte un Malaga en quête de liquidité. Remi d’une tumeur au foie qui a mis un voile noir sur son avenir, Eric Abidal quitte non sans amertume un FC Barcelone avec qui il aurait aimé poursuivre sa belle histoire. A la place, il  retrouve un club qui l’a révélé entre 2000 et 2002 et réalise un début de saison suffisamment solide pour provoquer en parallèle son retour comme titulaire en Equipe de France.

Le PSG a lui mis beaucoup plus de temps avant de se montrer actif sur le marché, malgré une présence quotidienne à la rubrique des rumeurs. Les propriétaires qatariens ont d’abord dû affronter quelques turbulences nées de la volonté du coach Carlo Ancelotti de rejoindre le Real Madrid, mais aussi de la suspension de son directeur sportif Leonardo pour avoir bousculé l’arbitre Alexandre Castro a l’issue de PSG-Valenciennes le 5 mai dernier. Les champions de France étaient dans l’obligation de régler la question du poste d’entraineur avant de songer à recruter, d’autant que l’alternative Leonardo s’est évanoui en même temps que son départ du club.

cavani-102Le PSG a longtemps essuyé les refus de tous les coachs contactés, dont Guus Hiddink et Rafael Benitez, avant de finalement nommer – faute de mieux et parce qu’Arsène Wenger ne quittera pas Arsenal avant l’issue de son contrat – Laurent Blanc, l’ex entraineur champion de Ligue 1 avec Bordeaux, et ancien sélectionneur de l’Equipe de France. Le PSG a ensuite dégainé pour recruter en quelques jours seulement Lucas Digne, le prometteur latéral gauche lillois pour 15 millons d’euros, mais surtout Edinson Cavani, le goleador du Napoli pour somme record de 64 millions ! Voilà la première réponse des administrateurs du PSG à ceux de l’AS Monaco. Marquinhos (AS Roma) est depuis venu compléter l’effectif parisien moyennant 31 millions, ce qui précipite les envies de départ de Mamadou Sakho, sûrement vers Liverpool et pour la somme de 19 millions d’euros.

Le marché des transferts dessine une Ligue 1 à deux vitesses, promise à l’appétit de ces deux mastodontes économiques. Le championnat qui fait la fierté de Frederic Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, compte néanmoins d’autres pointures pas encore résignées à jouer les seconds rôles. Fort de sa qualification à la lucrative Ligue des Champions, et remis d’une saison à serrer la ceinture faute de participation à cette même compétition, l’Olympique de Marseille a planché sur un recrutement malin destiné à renforcer un effectif qui a valeureusement mais sans brio terminé vice champion de France en 2013. Le club a principalement axé son recrutement sur des valeurs sûres de la Ligue 1 mais aussi sur des jeunes joueurs en devenir. En tête de gondole du mercato marseillais, l’arrivée de l’international français Dimitri Payet, en provenance de Lille pour 9 millions d’euros. Le très prometteur récupérateur Gianni Imbula, désigné meilleur joueur de Ligue 2 la saison dernière avec Guingamp, a signé contre un chèque de  8 millions au club breton.

Florian Thauvin est quant à lui au coeur d’un invraisemblable bras de fer avec Lille. Auteur d’une deuxième partie de saison fantastique avec Bastia, le joueur avait signé dès janvier 2013 un contrat synonyme d’évidente progression avec le LOSC alors dirigé par Rudy Garcia. A l’été, Garcia file entrainer la Roma et Marseille se manifeste pour débaucher un joueur qui n’a encore jamais porté les couleurs du club pour lequel il a signé. Thauvin laisse dans un premiers temps les dirigeants parler entre eux, pendant que lui 974edconquiert avec ses partenaires de l’équipe de France le titre de Champion du monde des moins de 20 ans. Les refus du président Seydoux de laisser Thauvin partir à l’OM n’y changent rien. Marseille fait tourner la tête d’un joueur qui ne se voit plus ailleurs qu’en Provence. Il estime que les dirigeants lillois l’on trahis, il voit des zéros supplémentaires sur le contrat que lui propose l’OM, et il est attiré par une C1 que le LOSC regardera de sa télé. Surtout, à 20 ans, Thauvin ne sait pas la valeur d’un contrat signé. Il est improbable, malgré les absences du joueur à l’entrainement depuis 4 jours,  que Lille trouve un accord avec l’OM. En revanche, la situation avec son club est tellement tendue qu’un départ ailleurs, à l’étranger sans doute, n’est plus à exclure.

Les autres transferts à l’étranger

En Italie, outre les arrivées de Mario Gomez (Bayern Munich) à La Fiorentina (15 millions), et Carlos Tevez (Manchester City) à la Juventus (9 millions), c’est surtout du côté du Napoli qu’il faut regarder : l’argent du transfert de Cavani a permis au futur adversaire de l’OM en C1 de recruter  3 joueurs du Real Madrid : Gonzalo Higuain (37 millions), Raul Albiol 12 millions) et José Callejon (10 millions) mais aussi Mertens (PSV Eindoven, 9 millions), Zapata (Estudiantes, 8 millions), Armero (Udinese, 4 millions) et Pepe Reina (Liverpool).

En Allemagne, on notera principalement les mouvements du côté des derniers finalistes de la C1. Le Bayern débauche chez son rival Dortmund le milieu Mario Gotze (37 millions) mais pas Robert Lewandowski, plutôt espéré a l’été 2014. Le nouveau Bayern, maintenant entraîné par Guardiola, a également recruté Thiago Alcantara au Barca (25 millions). De son côté, Dortmund a compensé ses départs par les arrivées du milieu géorgien Mkhitaryan (Shaktar Donetsk, 27 millions) et l’attaquant gabonais de l’ASSE Pierre Emmerick Aubameyang (13 millions), lequel a déjà justifié une partie de son prix par un triplé à la première journée.

Soccer - Barclays Premier League - Fulham v Arsenal - Craven CottageArsene Wenger peine lui a conclure le moindre transfert important du côté d’Arsenal, malgré les hautes ambitions affichées par le club pour ce mercato. Higuain, Bernard, Fellaini, Rooney, Jovetic, Luis Gustavo ont tous fini par dire non à celui qui est le Jean-Claude Dusse de l’été. L’échec le plus cinglant pour Wenger est la non venue de Suarez, qui après un début de bras de fer avec son club semble s’être résigné à rester sur le front de l’attaque des Reds de Liverpool. Il faut dire qu’outre les maladresses d’Arsene Wenger dans les négociations, les incertitudes concernant la participation des Gunners à la Ligue des Champions ont peut-être refroidi quelques ardeurs. Le club a finalement obtenu son ticket mardi, et pour lutter en phase de poule face à Naples, Dortmund et l’OM, il aura bien besoin de se renforcer. L’inexpérimenté Yaya Sanogo (Auxerre) s’est engagé mais il n’est pas certain qu’il fasse oublier aux supporters les promesses entendues tout l’été. Il reste quelques jours à Arsenal pour trouver quelques pointures pour emboiter le pas de Mathieu Flamini, de retour au club, arrivé après la qualification pour la phase de poule de la C1.

On entre dans les dernières heures du Mercato et les négociations vont être de plus en plus serrées. Les prêts vont sans doute se multiplier, d’autant que certains clubs ont furieusement besoin de dégraisser. C’est le cas du PSG et encore plus de Monaco, qui en s’adjugeant encore G. Kondogbia (Seville) pour 20 millions, est tout proche d’avoir plus de joueurs sous contrat que d’habitants au sein de la Principauté gouvernée par le Prince Albert. Encore quelques sueurs froides pour les dirigeants et les supporters, et ce sera terminé… Place au terrain… jusqu’au prochain mercato cet hiver ! Les millions n’en finissent pas de valser, quand bien même Michel Platini s’escrime a mettre en place le fair-play financier. En attendant, le foot business, pas toujours raisonnable on l’a vu, fait tourner bien des têtes.

Benoit Thevenin