Tribune – Paul Godefrood s’est engagé dans la réserve militaire après les attentats de novembre dernier. Il donne son sentiment sur l’appel de Bernard Cazeneuve à « tous les Français patriotes qui le souhaitent » à rejoindre la réserve opérationnelle.

Image : © Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons

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Monsieur le Ministre,

Après les très récents attentats de Nice qui ont couté la vie à plus de 80 de nos concitoyens, qui a plongé autant de familles dans le désarroi et le deuil, une mesure a retenu mon attention, au milieu de la longue litanie d’imbécilités qui ont fusé, à droite comme à gauche d’ailleurs, celle de faire appel à la réserve militaire.

L’opération Sentinelle, à en croire nos chefs militaires et nos plus reconnus spécialistes du djihad, de l’islam radical et du terrorisme, de Gilles Kepel à Olivier Roy, épuise nos forces militaires sans pour autant être d’une quelconque efficacité. Tout au plus rassure-t-elle la population. Mais on sait depuis bien longtemps que les mesures les plus rassurantes ne sont pas toujours les plus efficaces. Conscient de cet écueil, mais soumis à l’impérieuse nécessité de rassurer les Français, de mettre en scène la volonté politique, vous avez finalement, avec le Président de la République, décidé de faire appel à la réserve, pour soulager un peu nos soldats, dont la mission première n’est pas de patrouiller dans les gares ou de faire le piquet devant une synagogue.

Sur le papier, l’idée est bonne. Sûr de votre bon coup, vous avez alors demandé à tous les Français patriotes de s’engager dans la réserve et d’apporter leur pierre à l’édifice de la protection de la Nation. Sans parler du fait que la réserve est du ressort du Ministère de la Défense et non de l’Intérieur, c’est malheureusement là que le bât blesse.

Après les attentats qui ont touché Paris en novembre de l’an dernier, j’ai enfin pris le temps de m’engager dans la réserve militaire. Il s’agissait pour moi d’un devoir de citoyen qui voulait être le souffle après la tempête, qui voulait mettre ses modestes forces au service des siens, de ses compatriotes, de son pays. Plein d’envie et d’énergie, j’ai alors déposé mon dossier auprès du CIRFA de Paris au tout début de cette année. Outre le délai extrêmement long pour engager réellement la procédure, il n’y avait cette année plus de place dans les régiments disponibles pour effectuer les 3 semaines de formation militaire, dispensées entre juillet aout, cette année. L’on m’a donc proposé de reporter cette formation à février 2017 au plus tôt. Si une place est disponible à ces dates, et que je parviens à réaliser ma formation, il me faudra encore attendre juillet 2017 pour effectuer ma formation au commandement. Soit en tout, un an et demi minimum avant de devenir réserviste opérationnel.  Et je ne suis qu’un parmi des milliers qui ont entendu ce discours.

Étonné de ces délais, j’ai naïvement cherché à en connaitre les raisons. Nos militaires sont de très grands professionnels, reconnus dans le monde entier. Mais ils ne sont pas en mesure de prendre sur leur temps pour former des dizaines de milliers de volontaires, dont la période d’engagement par mois est en moyenne de 2 jours, ils ne sont pas en mesure d’équiper ces renforts ponctuels, quand on sait que bon nombre de soldats d’active sont obligés d’acheter sur leurs deniers personnels des équipements militaires, ils ne sont enfin pas en mesure d’absorber ces volontaires alors qu’il manque des régiments pour les recevoir.

On ne peut pas avoir fait une armée professionnelle, réduit le budget et les effectifs de l’armée depuis plus de 15 ans, assigné à nos militaires toujours plus de missions et d’opérations extérieures pour leur demander aujourd’hui d’ouvrir les vannes de la réserve. Ou alors, on cesse de se payer de mots et on crée une vraie garde nationale sur le modèle américain, ce qui suppose de revoir de fond en comble la manière de voir la réserve.

Voilà, Monsieur le Ministre, la réalité de la réserve militaire. Le cas typique d’une bonne idée que le politique a dévoyé par ses calculs à court terme et dont il n’a jamais pris la bonne mesure

 

Malgré tout cela, je continuerai le processus d’intégration de la réserve car je crois fermement en l’idéal du citoyen soldat, et je continue de croire que c’est mon devoir de patriote. Tout comme je crois qu’il est grand temps de soulager nos soldats pour qu’ils puissent être mieux utilisés. Pour ma part, je ne pourrai les soulager que dans un an…

Paul Godefrood