La crise économique de la presse papier n’épargne personne, mais touche tout particulièrement le quotidien Libération.  Avec des ventes en chute libre, des plans de relance économique cumulés, une crise entre actionnaires et journalistes et plus récemment la démission de Nicolas Demorand, le journal est actuellement dans un contexte difficile.

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Une situation financière fragile

Libération n’en est pourtant pas à sa première crise, mais la situation est extrêmement instable depuis fin 2013.

Au mois de novembre, la direction et les salariés s’étaient déjà opposés à un plan d’austérité économique, qui prévoyait une baisse des salaires de 10% en moyenne, ainsi qu’une réduction des congés et des RTT. Accumulant des tentatives de sauvetage financier, des critiques pour son ton « parisien bourgeois bohème », des polémiques autour de ses Unes, et un succès mitigé de l’adoption de nouvelles formules, le quotidien peine à remonter la pente.

Célébrant en 2013 ses quarante ans d’existence, le journal est aujourd’hui au bord du dépôt de bilan. Titre le plus touché par la crise de la presse papier, ses ventes sont descendues sous la barre des 100 000 exemplaires en novembre. Quotidien indépendant, qui n’est adossé à aucun grand groupe, le journal ne cesse de cumuler pertes et dettes. Faute d’investissements, il pourrait même bien d’ici fin mars ne plus pouvoir verser de salaires, les actionnaires ne souhaitant plus le renflouer.

Un projet de relance contesté

Dans l’édition du samedi 8 février, les propriétaires du journal, Edouard de Rothschild et Bruno Ledoux, ont exposé leur projet de sauvetage financier, annoncé la veille.

Leur objectif : transformer le journal en « un réseau social, créateur de contenus », dans une optique où le siège du quotidien serait transformé en « un  espace culturel et de conférence comportant un plateau télé, un studio radio, une news room digitale, un restaurant, un bar et, un incubateur de start-up ». Bruno Ledoux déclare par ailleurs à l’Agence France Presse que ce projet «  est la seule solution viable pour Libération. », en ajoutant que « si les salariés refusent, Libération n’a pas d’avenir. »

Un projet de relance du quotidien qui a suscité d’emblée l’indignation chez une majorité des salariés, qui s’empare de la Une et titre dans la même édition : «  Nous sommes un journal ! ». Qualifiant ce projet «  d’insulte », les élus syndicaux vont même plus loin dans leurs propos, en dénonçant un «  véritable putsch contre Libération, son histoire, son équipe, ses valeurs ».

C’est dans ce contexte particulièrement tendu, que Nicolas Demorand, à la tête du journal depuis mars 2011, a annoncé mercredi 12 février sa démission de la présidence du directoire. Une décision majoritairement dictée par la situation du quotidien ces derniers jours. Président très contesté depuis longtemps au sein de la rédaction, il n’avait pas su faire l’unanimité et avait, après trois motions de défiance, quitté en juin son poste de directeur de la rédaction.

L’avenir du journal

Un avenir incertain se profile donc pour le quotidien, qui continue encore son combat pour la garantie de sa longévité.  Réunis en assemblée générale dimanche dernier, les salariés de Libération avaient décidé à l’unanimité de contester le projet de sauvetage des actionnaires dans les colonnes du quotidien, plutôt que de continuer la grève.

Avec la démission de Nicolas Demorand, l’édition du 14 février titrait dans une de ses colonnes : « Demorand s’en va…Libé reste mobilisé ». Pour les salariés du quotidien, l’urgence de la construction d’un projet fiable reste donc présente.

Dans un article consacré à la situation du quotidien, l’équipe se dit «  mobilisée pour proposer de véritables alternatives », en imaginant des «  possibilités de diversification » qui permettraient d’équilibrer le quotidien, sans pour autant en « dégrader son nom » et «  en faire une marque vide ».  Actionnaires et salariés doivent donc s’accorder pour proposer des solutions concrètes pour le futur, encore instable, de Libération.

Faustine Dehan