Après la TNT, voici la RNT. La radio numérique terrestre fait son entrée dans le parc radiophonique lyonnais. Depuis le 5 décembre, une trentaine de chaînes radio diffusent leurs contenus en DAB+ (Digital audio Broadcasting). Une transformation timide.
La vague de révolution numérique passe ce mois-ci par les ondes lyonnaises. Elle ne semble pourtant pas avoir entraîné grand monde. Le son en haut débit et d’une qualité supérieure, la fin des grésillements ou encore les nouvelles données (de météo ou de trafic) ne semblent pas convaincre les auditeurs. Pour le moment, seul 1 % d’entre eux est équipé d’un poste de radio permettant la diffusion du DAB+, selon Christian Bouvier, directeur de Lyon 1ère. Il déplore : « Cela va prendre du temps. La transition se fera à mon sens, dans une dizaine d’années : le temps que le parc de réception se renouvelle. » Yves Renaud, journaliste à France Bleu, ne croit pas du tout en cette nouvelle norme. « C’est compliqué. Il faut que les gens changent leurs radios et les gens n’en ont pas envie. Je pense qu’il y a une tranche que ça va intéresser : les mélomanes par exemple ou les musiciens, des gens qui ont envie d’avoir un très bon son. Mais c’est une tranche extrêmement étroite. Personnellement, je suis sceptique.» Pour le moment, les deux types de diffusion cohabitent, le remplacement du FM par le DAB+. Pourtant, pour le directeur de Lyon 1ère, ce passage au numérique est une nécessité : « La FM est vieillissante et dépassée ! Sur Lyon, elle est complètement saturée ».
« La France est en retard »
Cette innovation acoustique arrive avec un train de retard à Lyon. Quatre ans plus tôt, dans la capitale et les villes de Nice et Marseille, la radio numérique terrestre (RNT) avait déjà fait son entrée. En juin, les Hauts-de-France ont accueilli déjà une cinquantaine de radios en DAB+. Mais les ébauches de la mise en place du DAB+ en France sont depuis bien plus longtemps dans les tuyaux. « C’est un très vieux dossier le DAB. Ça fait au moins 15 ans qu’on réfléchit à ça. Le concept on m’en a parlé en 1985. Je l’ai vu naître ce truc là », explique Yves Renaud. Pour Christian Bouvier, c’est à l’échelle nationale que le pays n’a pas su suivre le passage à la RNT. La révolution numérique ne s’est pas fait attendre aussi longtemps dans d’autres pays. « La plupart des pays européens sont passés au DAB+ il y a déjà quelques années. La France est en retard. »
Double diffusion, double coût.
Pour les professionnels du secteur, c’est toute une restructuration qui s’impose. La diffusion n’est pas la même en numérique et en FM. Les radios qui sont passées en DAB+ ont dû s’équiper de tout nouveau matériels : émetteurs numériques et antennes spécifiques. Chacune des antennes radio nécessite son propre émetteur, pour les deux canaux, FM et numérique.
Pour Christian Bouvier, « c‘est un coût qui est supporté uniquement par les radios actuellement, même si nous demandons de l’aide des pouvoirs publics. Chez Lyon 1ère, nous avons fait le choix d’assurer nous-même la diffusion de nos programmes sans passer par un diffuseur externe. Nous faisons de l’auto-diffusion avec notre propre matériel. ». Des dépenses, que risquent de ne pas pouvoir supporter toutes les petites radios locales.
Leur nombre augmente d’ailleurs. L’enrichissement de l’offre radio, est une des promesses du passage à la RNT. Parmi la trentaine de chaînes lancées aujourd’hui sur les ondes numériques, nombreuses sont celles qui débarquent pour la première fois à Lyon. De nouvelles radios telles que Couleurs FM, Swigg ou encore Radio FG font leur apparition dans la Métropole. Si l’intérêt des auditeurs pour le DAB+ ne se fait pas encore sentir, l’oppression de la concurrence, oui. « La crainte que nous avons est finalement le nombre d’opérateurs grandissant dans un marché publicitaire qui stagne voire qui régresse. C’est une véritable inconnue pour nous ! » confie Christian Bouvier.
« Nos efforts aujourd’hui doivent porter sur le web »
Pour Yves Renaud, cette révolution arrive déjà trop tard : « C’était une belle idée il y a dix ans, mais je ne suis pas sûr qu’elle ait beaucoup d’avenir ». En dix ans, la manière dont les auditeurs consomment les contenus de la radio a beaucoup évolué. Selon lui, révolutionner la bande son de la radio hertzienne, c’est se tromper de trajectoire. Le numérique oui, mais pas que dans le son. Il exprime « On est en train de s’apercevoir que le nombre d’auditeurs de la radio en différée est en train de prendre le pas sur ceux qui l’écoute en direct. Alors est-ilbien raisonnable d’investir dans un système comme celui-ci alors que la tranche d’auditeurs qui écoutent en direct est en train de diminuer. Je pense que nos efforts aujourd’hui doivent porter sur le web, et non pas sur la diffusion hertzienne quelle qu’elle soit classique ou numérique. »
L’écoute de la radio sur internet, en podcast ou en écoute différée,prend en effet de plus en plus d’ampleur. En 2017, près de 7 millions d’auditeurs écoutaient ses contenus sur des supports multimédias dont la moitié sur smartphone. Une croissance de 11,5 % en seulement trois ans. Et cela n’est pas près de s’arrêter. Pour France Bleu, selon Yves Renaud, il y a presque autant d’auditeurs qui écoutent la radio en différé qu’en direct. La consommation en ligne continue de grimper. Celle-ci connaîtrait actuellement une croissance de l’ordre de 150 % environ selon le journaliste. Avec la migration des contenus sur le web, difficile d’évaluer pour le moment, si le DAB+ aura le temps de se faire une place sur les ondes lyonnaises.
Mélissa Gajahi