Si le 11 mars, avec la naissance de Podemos, les Espagnols ont cru à une nouvelle ère, loin du bipartisme droite gauche PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol)/ PP (parti populaire) , la réalité des modes électoraux au Sénat est aujourd’hui différente.

Avec l’apparition, de nouveaux partis à l’extrême gauche avec Podemos de Pablo Iglesias, ainsi qu’à la droite centriste, avec Ciudadanos, le système parlementaire espagnol tombe en panne, et,  depuis plus de six mois et après deux élections législatives, il n’est sorti aucune majorité viable.

Pablo Iglesias, leader de Podemos, Licence CC par Podemos

Pablo Iglesias, leader de Podemos, Licence CC par Podemos

 

Un blocage qui ne date pas d’hier

L’apparition des nouveaux partis n’a pas signé l’abrogation des anciens, l’opposition gauche droite se fait toujours sentir, mais plus aucun des partis n’arrive à la majorité, ni  les deux anciens, ni Podemos et encore moins Ciudadanos. Et ce depuis le 20 Décembre dernier, lors des élections législatives espagnoles. Un résultat qui ne permettait pas de désigner officiellement un chef de gouvernement, puisqu’aucun des partis n’atteignaient la majorité de 171 sièges à la chambre des députés. Peut-être est-ce la conséquence d’aucune volonté d’union de la part des partis dans un gouvernement protéiforme ou bien une réponse du peuple au sentiment d’abandon, d’impuissance et de corruption des partis depuis ces dernière années. Une corruption, qui fait partie des débats majeurs de cette campagne électorale,  qui a  sûrement signé la chute du PP sous la majorité.

Marino RAJOY, leader du PP, par PP, Licence CC

Marino RAJOY, leader du PP, par PP, Licence CC

En effet, si la lutte contre la corruption est un argument majeur de campagne pour le PSOE de Pedro SANCHEZ, le PP, lui s’y trouve englué. Ce, d’abord, avec Jaume MATAS, ancien président des Baléares, qui, à peine libéré de prison pour trafic d’influence, est visé par une enquête judiciaire pour fraude et usage de faux. En réalité il n’est qu’un maillon de la longue chaine du réseau de corruption Guterrel, à l’origine du financement illégal du PP. Et il n’est pas le seul : ceci ajouté à la suspension de M.RUS détenteur d’une lasse de billets de douze mille euros en échange de l’attribution dans sa province de Valence d’un chantier de logement sociaux. Un déballage des affaires de corruption quasiment quotidien, qui justifie l’augmentation  des sièges du PSOE, qui a fait de la lutte anti-corruption son fer de lance. Cela ne lui a pourtant pas suffi pour obtenir une majorité et Pedro Sanchez  a dû se contenter de 90 députés contre 123 pour le PP. D’autre part, les nouveaux partis populistes n’ont pas su briser ce clivage droite gauche avec seulement une quarantaine de députés chacun.

P.SANCHEZ, leader du PSOE (à droite) par Angeles Alavarez Alvarez, Licence CC

P.SANCHEZ, leader du PSOE (à droite) par Angeles Alavarez Alvarez, Licence CC

Des concessions impossibles

Les élections de juin étaient le prétexte idéal pour que chaque parti accepte  faire son autocritique, voire de remettre en question leur place dans la vie politique espagnole, mais surtout d’envisager des alliances. Si le PP, fort de ses 123 voix, ne comptait pas faire de concessions, le PSOE, lui, a vainement tenté de recoller les morceaux. Même s’il a refusé, une alliance de gauche avec Podemos et d’autres petits partis nationalistes, par peur de se laisser submerger et d’être à la merci de ces derniers, il a finalement conclut une alliance avec Ciudadanos tout en pariant de façon risquée sur l’abstentionnisme des partisans de Podemos. Le nouveau parti de centre droit ayant déjà signé plus de 200 mesures en vue d’un futur gouvernement « progressiste et réformateur ».

Albert Rivera, leader de Ciudadanos, par Carlos Delgad, Licence CC

Albert Rivera, leader de Ciudadanos, par Carlos Delgad, Licence CC

 

Un gouvernement sans tête

Et les élections du 25 juin dernier, ne mettent pas fin au problème, au contraire, la situation stagne. Il n’y a rien à faire, les résultats des urnes sont quasiment similaires à ceux de décembre, l’alliance PSOE- Ciudadanos  est  brisée, puisque même joints ils n’ont pas obtenu  la majorité. La grande victoire, si l’on peut dire, revient à l’accord Podemos Unidos qui regroupent tous les partis de gauche et décroche ainsi 71 sièges. Et, si pour l’instant Mariano Rajoy toujours en tête, joue les remplaçants, le nœud gordien n’est pas prêt de céder, et la situation espagnole devient d’autant plus inextricable que l’union européenne réclame à l’Espagne son projet budgétaire 2017. Plus le temps s’écoule, moins les espagnols y croient, lassés de ce blocage parlementaire qui s’annonce sans fin, ce,  malgré un ultimatum lancé aux politiques par Felipe VI. Si un accord sur un gouvernement n’est pas trouvé d’ici le 31 octobre, de nouvelles élections devront être prévues en décembre. De nouvelles élections, déjà sources de désaccord entre le PSOE qui les voudrait le 18 et le PP qui les réclame pour le 25.

 

Sénat espagnol, par Miguel Angel  Garcia, Licence CC

Sénat espagnol, par Miguel Angel Garcia, Licence CC

Mais le dilemme de nos voisins espagnols, n’est pas un cas isolé, mais plutôt l’illustration de l’épidémie, qui paralyse de plus en plus de nos démocraties, au travers de symptôme de choix cornéliens du peuple entre populismes et technocrates, sur fond de désintéressement politique et d’abstention. L’image d’une démocratie à bout de souffle, sur laquelle les citoyens ont droit de vie et de mort.

Romane Deyrat