Depuis leur annonce, l’équitaxe et l’écotaxe suscitent l’indignation à travers de nombreuses couches de la population française, particulièrement en Bretagne. Derrière ces taxations accrues, on retrouve à la fois l’imposition de l’Union Européenne sur la France, mais aussi un gouvernement enclin à aller plus loin que ses premières obligations européennes.

Assemblée Nationale. Photo: Yonathan Van der Voort

Assemblée Nationale. Photo: Yonathan Van der Voort/ParlonsInfo

 

En 2006, le parlement européen a voté une directive en matière d’harmonisation de la TVA. Celle-ci prévoit aux articles 96 à 99, l’application d’un taux de TVA commun sauf pour quelques exceptions précisées (denrées alimentaires destinées à la consommation humaine et animale, graines, plantes…)

« Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois » dit la Constitution française à son article 55. Or en France, le secteur de l’équitation sportive a toujours gardé des taux d’imposition diminués sans rentrer en accord avec la politique commune.
C’est pourquoi en 2009, la Commission européenne a saisi la Cours de justice de l’Union Européenne. Conformément à la décision de cette dernière le 8 Mars 2012, la France s’est vue obliger de hausser la taxation sur les équidés. Elle l’a établie à 20 %, en abrogeant par décret le taux réduit.

Pourtant, d’après le traité européen, le taux de TVA minimum à fixer est de 15 %. Ce taux, d’abord prévu jusqu’à fin 2010, a d’ailleurs été confirmé et prolongé jusqu’à fin 2015 par le conseil de l’Union Européenne. On est donc loin des 20 % comme le met aujourd’hui en place le gouvernement.

« La France exerce effectivement sa liberté de choix »

« S’agissant du niveau exact de ces taux, les États sont assez libres » nous indique Martin Collet, professeur de droit public à l’université Panthéon-Assas. « C’est ainsi que, pour le taux dit normal, la directive fixe effectivement un niveau minimal de 15 %. Libre aux États de retenir un taux plus élevé, ce qu’ils font tous en pratique. »

Par ce choix, le gouvernement peut sans doute viser deux objectifs. S’adapter symboliquement à ses voisins européens qui ont fixé pour la plupart leur TVA de base entre 19 et 23 % suite à la directive. Ou alors, celui-ci espère simplement par la décision de la Cours de Justice de l’Union se faire une marge fiscale accrue.

En attendant, les multiples manifestants ne peuvent donc remettre en cause que cette marge du gouvernement – et uniquement -, non la totalité de l’équitaxe. Ou alors, ce serait demander au gouvernement de remettre en cause la politique fiscale européenne entière.

Une voix européenne réinterprétée par les États membres

Lors des campagnes européennes de 2009, des candidats du Front National, du Front de Gauche, en passant par l’UMP et le PS, prétendaient que 80 % des lois votées en France proviendraient directement de Bruxelles. Si ce chiffre, très débattu, a été contredit par une étude de Terra Nova qui le situe réellement autour des 10 %, l’idée d’une Europe s’imposant à la France demeure.

De nombreuses législations proviennent de l’Union Européenne, mais une liberté semble généralement subsister. L’écotaxe figure aussi dans ce cas.
Votée en juin 2011, la révision de la directive eurovignette donne deux ans aux États membres pour mettre en place une taxe kilométrique sur le fret routier.

Dès 2007, l’Autriche l’a réglementé pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes mais concernant uniquement les autoroutes et voies rapides, soit 7 % de l’ensemble du réseau national. Un an plus tard, l’Allemagne impose un tarif de 20 centimes d’euros par kilomètre aux camions de plus de 12 tonnes – excepté pour ceux équipés de moteurs moins polluants. Depuis 2010, la Slovaquie rejoint le mouvement avec un tarif kilométrique de 16 centimes en moyenne, tandis que la Pologne impose les bus excédant neuf places.

Un seul traité donc, pour de multiples interprétations effectives.

Des critiques contradictoires

« La Commission Européenne s’en remet au bon vouloir des États membres en leur laissant décider comment et dans quelle mesure ils s’attaqueront à ce problème. » disait début novembre la porte-parole pour l’environnement des Verts européens, Sandrine Bélier. De nombreuses marges législatives perdurent au niveau national par rapport à l’Union. Mais cela peut représenter une faiblesse selon beaucoup demandant alors une dite Europe forte.

Au contraire, de multiples mouvements en France considèrent l’Union Européenne comme une entrave aux décisions françaises. La voix nationale serait alors totalement dépendante de la voix européenne. Il s’en résulte une demande d’une Europe plus faible ou « à la carte » selon les propos de Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République. Enfin, d’autres comme Marine le Pen, la considère comme nécessairement contraignante, et envisage un référendum pour la quitter.

Yonathan Van der Voort