Depuis quelques mois, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan fait l’objet d’un véritable scandale politique et judiciaire.

Recep Tayyip Erdogan ( Photo : Randam / Licence CC)

Après la diffusion d’enregistrements téléphoniques compromettants le mettant directement en cause, Recep Tayyip Erdogan se retrouve au cœur d’un scandale de corruption qui étouffe le gouvernement turc. La cause ? Une conversation préjudiciable entre lui et son fils, Bali Erdogan, datant du 17 décembre 2013, dont l’authenticité n’a pas été confirmée. Soutenant que cet enregistrement serait faux, il s’attire les foudres de milliers d’opposants qui ne cessent de réclamer sa démission en multipliant les manifestations. Haluk Koc, porte-parole du CHP, parti républicain du peuple, a déclaré : « Le Premier ministre turc est terni par le vol, la corruption, et devrait démissionner immédiatement ».

Cherchant à réduire les dégâts, l’homme de controverses a décidé d’interdire l’accès au réseau social Twitter, accusant ce dernier de relayer de fausses accusations contre le gouvernement turc. Le coup de trop.

Cette décision a été fortement contestée par l’opposition mais aussi par le chef de l’État turc Abdullah Gül qui a demandé l’annulation de cette interdiction. Tentant d’apaiser la montée d’exaspération de l’Europe, il déclare : « C’est évidemment une situation déplaisante pour un pays développé comme la Turquie qui est un acteur régional de poids, et en négociations avec l’Union européenne. Pour cette raison, ce problème sera surmonté rapidement ».

Une Union Européenne qui a d’ailleurs été refroidie par cette mesure, rappelant que « l’usage des réseaux sociaux est une liberté fondamentale de l’UE». Une mesure n’a d’ailleurs pas été efficace puisqu’on a enregistré plus de 500 000 tweets turcs publiés 10 heures après le blocage.

Mais le Premier ministre turc, politicien issu de l’islamisme le plus radical, n’en est pas à son premier coup d’éclat.

En 1997, Erdogan, alors maire de la ville d’Istanbul, provoque un scandale face au gouvernement prônant la démocratie en récitant au cours d’un meeting un poème aux connotations islamistes: « Les mosquées sont nos casernes, les minarets nos baïonnettes, les dômes nos casques et les croyants nos soldats ». Ceci lui a valu quatre mois de prison ferme et la perte de ses droits politiques.

Et ce n’est qu’en mars 2003 que Recep Tayvip Erdogan, à la tête du parti de l’AKP, accède au poste de Premier ministre de Turquie. Poste qu’il occupe aujourd’hui jusqu’à une possible démission.

Cet  homme mythique au franc-parler, connu pour ses sorties spectaculaires et inattendues, avait réussi jusqu’à présent à garder l’image d’un dirigeant charismatique efficace, et ayant relevé de grands défis. Mais celui qui était admiré pour avoir réussi à redresser l’économie turque et obtenu le lancement des négociations pour l’adhésion de la Turquie à l’U.E. sera peut-être la cause d’un ralentissement de ce processus, voire peut-être de son annulation.

 

L’adhésion à l’U.E. : quels enjeux pour la Turquie?

Et si cette adhésion est si importante pour le gouvernement turc, c’est que d’importants enjeux politiques, économiques et sociaux reposent sur une entrée du pays dans l’Union Européenne.

D’un point de vue économique, malgré la forte croissance de la Turquie avoisinant les 4 %, des déséquilibres extérieurs et inflationnistes persistent. Son adhésion à l’Union européenne – donc à une union économique conséquente, représente donc une forme d’eldorado. Les aides escomptées pour arriver à une situation stable ne sont pas négligeables pour le pays.

Au niveau politique, cette union serait l’opportunité d’une stabilisation gouvernementale majeure pour les dirigeants turcs. Le modèle politique turc étant très fragile, l’adhésion à l’U.E. représente ainsi un renforcement démocratique important à travers le soutien de pays partageant des formes similaires de régime politique. Ce serait également un gage de pérennisation de la paix.

Des enjeux importants en ce qui concerne le développement de l’activité et le développement social sont aussi à prévoir, car  la politique de protection sociale reste jusqu’à présent inachevée.

Mais avant de pouvoir espérer ces grands changements, de très gros progrès devront être réalisés dans ces domaines, mais aussi dans celui de la sécurité. Reste à voir si après les scandales des derniers jours, une telle adhésion puisse un jour se concrétiser.

Mélissa Gajahi