A la demande de François Hollande, le 4 novembre 2015, la ministre du travail, Myriam El Khomri, a déclaré ses intentions quant au projet de réforme du code du travail. Ce dernier est en effet trop complexe, « illisible » même selon les propos du président.

Myriam El Khomri (membre du PS), actuelle ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, nommée le 2 septembre 2015

Myriam El Khomri (membre du PS), actuelle ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social – photo de C. Truong-Ngoc

 

Les objectifs de la réforme 

Le mot d’ordre est la simplification, d’abord avec la réduction du nombre de branches professionnelles (qui regroupe des entreprises du même secteur d’activité, dépendant d’un accord ou d’une convention collective), l’objectif étant d’arriver à 100 branches au lieu des 750 actuelles. Elles engendrent en effet des coûts d’organisation, d’autant que certaines sont qualifiées de mortes, puisqu’elles correspondent à très peu d’actifs, voire à aucun. Le nouveau code du travail devrait de plus reposer sur trois piliers : un socle de droits fondamentaux, garantis par la loi, afin d’assurer une protection minimale aux travailleurs ; ensuite, certains droits seront soumis à un accord collectif, ce qui permettrait un assouplissement de la loi, vers une plus grande adaptation à chaque entreprise ; enfin il y aura des droits supplétifs, comme des règles afin de pallier un défaut d’accord, notamment entre les entreprises et les syndicats.

 

Le code du travail français pèse aujourd'hui 1450 grammes contre 500 en 1978

Le code du travail français pèse aujourd’hui 1450 grammes contre 500 en 1978 – photo flickr LexisNexis

La problématique des accords au sein des entreprises, et la crainte d’une précarisation des travailleurs et de leurs droits 

Le vote de certains droits et de certaines lois sera donc relégué aux entreprises et aux syndicats, et nécessite un accord entre les parties. Dans le rapport Combrexelle – du nom du haut fonctionnaire spécialiste du travail qui l’a rédigé, il est question du « principe d’accords majoritaires » : les accords dans les entreprises devront être signés par des syndicats représentant au moins 50% des voix. Toutefois certains experts craignent que cela freine les négociations, empêchant alors une plus grande adaptation des entreprises, les syndicats étant souvent dans un rapport d’opposition aux dirigeants d’entreprise. D’ailleurs, pour François Asselin, le Président de la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME), ce nouveau principe pourrait être à l’origine d’« éventuelles difficultés pour les PME », réduisant leur marge de manœuvre, ce qui va à l’encontre de l’objectif du gouvernement de rapprocher le dialogue social des entreprises. Mais la crainte est également présente du côté des syndicats : la CGT déclare avoir peur d’« un émiettement du droit social ».

D’ailleurs, dans certaines théories économiques, comme celle de Piore et Doeringer en 1971, le marché du travail est segmenté, entre d’une part le marché primaire où les travailleurs bénéficient d’une rémunération élevée, de la sécurité de l’emploi et d’autre part le marché secondaire, où les emplois sont précaires, mal rémunérés. Ce dernier servirait, selon ces deux économistes, de variable d’ajustement pour le marché primaire, et pourrait donc se développer avec la recherche croissante de flexibilité par les entreprises. Ceci se ferait en partie au détriment des travailleurs, notamment du marché secondaire : plus d’individus seraient donc dans une situation instable, avec des droits sociaux plus réduits.

 

Les critiques de cette réforme 

Pourtant, le gouvernement a assuré ne pas vouloir toucher à la durée légale du temps de travail, au SMIC ou à la question des contrats de travail (notamment les CDI), qui sont des acquis sociaux majeurs en France. C’est d’ailleurs ce qui est souvent remis en cause par certains chefs d’entreprise, puisqu’en l’état actuel, ces droits nuiraient à la flexibilité du travail et seraient en partie à l’origine d’un coût du travail élevé : deux éléments peu favorables à la compétitivité française sur un marché mondialisé. Pierre Gattaz, Président du MEDEF, qualifie même le CDI d’« inquiétant », pouvant décourager l’embauche. L’opposition politique appuie d’ailleurs la critique : Éric Woerth, ministre du Budget puis du Travail sous la présidence de Nicolas Sarkozy, insiste notamment sur la nécessité de faciliter le licenciement.

La réforme est toutefois en marche, au pas de course même. Robert Badinter préside actuellement la Commission mandatée pour définir les principes fondamentaux du droit du travail, qui devra alors proposer d’autres pistes de réforme dès janvier 2016. Le gouvernement a en effet promis qu’en 2018, la réforme serait définitivement appliquée. Mais pour l’instant, elle est en discussion et rien n’est définitivement joué.

 

Liens annexes 

La tribune de Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen quant à la réforme du travail (lecture réservée aux abonnés du Monde)

Une synthèse du gouvernement du rapport Combrexelle

 

Mathilde Piriou-Guillaume