Université de Harvard (Credits : Jacob Rus ; Licence CC – Wikimedia Commons)

Dénoncer les discriminations mises en place par la prestigieuse université de Harvard. C’est le combat qu’a choisi de mener l’association Students For Fair Admissions. Après des mois d’enquête sur des milliers de dossiers de candidatures, il s’avère que les étudiants américains d’origine asiatique auraient obtenu quasiment systématiquement des notes plus basses que les autres. Une conclusion qui passe mal auprès de l’université.

Une affaire ancienne

En novembre 2014, l’association porte plainte pour discrimination raciale contre plusieurs universités américaines dont Harvard, la plus célèbre de toutes, située à Cambridge dans le Massachusetts. Students For Fair Admissions est une association composée d’étudiants américains d’origine asiatique qui défendent des admissions équitables. Elle est soutenue par le Project on Fair Representation, un projet de représentation équitable. Pour l’association, l’action de l’université est une violation du Civil Rights Act, un ensemble de lois adopté dans les années 1960 pour protéger les droits des minorités et rendre la discrimination raciale illégale.

Le 15 juin 2018, l’affaire prend un nouveau tournant avec la présentation de documents inédits à la justice. Parmi les critères d’admission à Harvard figure notamment celui de la “personnalité positive”, qui n’est autre qu’une note basée sur une forme de gentillesse et de respect. À la rentrée 2013, 43% des étudiants asiatiques-américains auraient dû entrer à Harvard grâce à leurs résultats scolaires. Mais ce nouveau critère fait chuter ce taux à 19%. Drew Gilpin Faust, la présidente de l’université jusqu’en juin, réagit immédiatement et envoie un mail à tous ses étudiants pour dénoncer le procès qui est fait à l’encontre de son établissement. Mais les étudiants demeurent sceptiques. Pour Natasha Scott, la situation est complètement absurde. La jeune étudiante se décrit comme la fille d’un père noir et d’une mère asiatique. Alors qu’elle termine ses études secondaires dans un lycée de Beltsville dans le Maryland, elle décide de s’inscrire à l’université de Harvard. Lors de sa candidature, elle choisit à contrecœur de faire figurer uniquement le fait qu’elle est noire et non le fait qu’elle est asiatique. Pour être acceptée, elle se sent obligée de renoncer à une partie de son identité. La jeune femme est brillante mais elle se sent coupable. Coupable de « mentir » sur qui elle est.

Cette affaire divise l’opinion publique, tout comme la question de la discrimination positive. Introduite aux Etats-Unis dans les années 1960 dans le but de réserver des places aux minorités, on l’accuse à présent de rejeter les étudiants d’origine asiatique. Alors que l’on n’attendait pas de procès avant 2019, la sortie de ces documents a eu l’effet d’une bombe médiatique mondiale. L’affaire pourrait aller au procès dès cet automne.

Les États-Unis font face à une situation éducative préoccupante

Selon une enquête du New York Times, une petite fille noire a quatre fois plus de chances qu’une petite fille blanche de se faire exclure de l’école. C’est tout le système éducatif américain qui est touché par la discrimination : dans des villes comme Seattle et Selma, des écoles exclusivement afro-américaines se développent. L’objectif ? Ne garder que les enfants blancs dans les écoles mixtes de ces villes.

L’Histoire de la discrimination dans le système éducatif américain n’a rien de linéaire. En 1954, la ségrégation raciale dans les écoles est interdite par la Cour Suprême. Dans les années 1960, la politique de discrimination positive qui se met en place dans les universités américaines semble de plus en plus efficace. Pourtant, dix ans après, la plupart des Etats ne proposent pas d’écoles mixtes.

Les années 1980 laissent penser que le temps de la ségrégation est révolu. Cette affaire des discriminations à l’université prouve le contraire. Le 3 juillet 2018, Jeff Sessions, secrétaire américain de la justice décide d’annuler des directives anti-discrimination mises en place par Barack Obama pour soutenir des étudiants appartenant à des minorités ethniques. Après l’élection du premier président noir des Etats-Unis, la montée au pouvoir de Trump révèle que la pluriethnicité américaine ne tient qu’à un fil.

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