Marty Baron, nouveau rédacteur du Boston Globe s’interroge sur le manque de couverture lié aux abus sexuels perpétrés par les prêtres de la ville. Alors qu’un procès ressurgit, nul ne commente cette brûlante actualité. Bien décidé à publier le papier de l’année, Marty demande à l’équipe Spotlight de s’emparer de l’affaire.

Sur les traces du clergé

Dissimulée dans les sous-sols de la rédaction, l’équipe Spotlight concentre quatre journalistes d’investigation, campés par des pointures du cinéma : Michael Keaton, Mark Ruffalo, Rachel McAdams et Brian d’Arcy James. Ce groupe va passer un an à collecter des preuves contre les différents prêtres de Boston. Alors qu’ils ne pensaient devoir s’atteler qu’à 13 cas, ils découvrent progressivement un horrible enchevêtrement de cas isolés qui, mis bout à bout, les amènent au chiffre monstrueux de 90 prédateurs potentiels. Comment aurait-on pu laisser passer cela, voilà la question que se pose Ben Bradlee Jr (puissant John Slattery), patron du Globe. Fidèle à Boston depuis sa naissance, cet homme d’expérience a encore du mal à percevoir quel monstre se dresse devant lui et son équipe. Un monstre fait de manigances financières et politiques destinées à protéger le clergé et le déresponsabiliser de ses crimes.

En commençant leurs recherches, les quatre journalistes se trouvent confrontés à un mur de silence. Seuls une victime et un avocat semblent posséder des informations sur ce qu’il a pu se passer dans les différentes églises de la ville. Armés de persévérance, les journalistes découvrent les failles d’un système à la fois religieux et politique, basé sur le secret et l’intimidation. Le film montre également le corporatisme intrinsèque à la ville de Boston, fière de son passé et d’une communauté particulièrement attachée à ses origines. Ce traditionalisme est une des couvertures utilisées par l’Église pour masquer ses crimes. Se basant sur une solide communauté de fidèle et ayant tissé des liens forts avec les politiques de la ville, cette institution millénaire s’est constituée des gardes-fous pour veiller à sa réputation.

Au fil de l’œuvre les prospections s’enchaînent à un rythme soutenu et révèlent peu à peu des témoignages d’une importance cruciale. Anciennes victimes et criminels se dévoilent devant les questions des investigateurs et avec eux leur lot d’horreurs et de traumatismes. Concentrées essentiellement sur les démarches de Sacha Pfeiffer (Rachel McAdams), ces scènes de témoignages montrent l’humanité de cette journaliste et sa volonté de percer à jour des crimes enfouis par l’Église et l’État. Aidée de son expérience dans la série True Detective, Rachel McAdams fait preuve d’un jeu d’une grande sincérité et sensibilité qui confirme son talent d’actrice.

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Lutter contre un système millénaire

Aux témoignages des victimes vient s’ajouter une enquête judiciaire, pour comprendre ce qu’il est advenu des accusations et plaintes portées à l’encontre du clergé. Mark Ruffalo, qui campe ici un énergique et solitaire journaliste, Michael Rezendes, va se charger de ce pan de l’affaire. Il rencontre Maître Garabedian, avocat spécialisé dans les abus sexuels et l’un des premiers à avoir porté l’affaire des prêtres de Boston devant l’opinion publique. Après s’être attaqué au clergé l’homme s’est vu destitué de sa notoriété et de toute légitimité professionnelle et morale. Cette punition symbolise le pouvoir de l’Église et sa volonté de dissimuler toute atteinte à son image.

Contacté par Rezendes, l’avocat sera d’une aide cruciale pour le reste de l’enquête. Après avoir gagné sa confiance, le journaliste parviendra à rencontrer ses clients, traumatisés par leur expérience religieuse. De plus, cette collaboration permet aux personnage et spectateurs de pénétrer dans le monde de la Justice et d’en découvrir les complexes rouages. Dans un pays où jurer sur la Bible fait foi de parole d’honneur, rien n’est moins difficile que de se procurer des informations sur l’Église et ses crimes. Ruses et persévérance vont permettre au journaliste d’accéder à des documents confidentiels prouvant à la fois la complicité de la justice dans l’affaire et la culpabilité des autorités du clergé, en particulier celle du Cardinal de Boston. Grâce à ces documents judiciaires, comportant témoignages et plaintes ignorées par le cardinal Law, l’équipe Spotlight a toutes les clés en main pour accuser l’Église et percer ses crimes.

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Entre éthique professionnelle et devoir moral

Tout au long de l’enquête, les quatre investigateurs sont partagés entre le secret professionnel, essentiel au maintien et à la notoriété de l’équipe Spotlight ; et le besoin de partager leurs découvertes avec leurs proches. Alors qu’elle accompagnait toujours sa grand-mère à l’église, Sacha ne supporte plus l’atmosphère de ces lieux et ne cesse de ressasser les horribles témoignages des victimes du clergé. Matt, autre membre de l’équipe, s’inquiète de l’avenir de ses enfants alors que sa famille n’habite qu’à quelques pas d’un prêtre soupçonné de crimes sexuels. Tiraillés entre leurs devoirs professionnels et moraux les enquêteurs de Spotlight sont confrontés aux difficultés liés au métier de journaliste. À leur tête, Walter Robinson (Michael Keaton) se refuse à publier trop rapidement les preuves trouvées dans les coulisses de la Justice. Le journaliste souhaite attester chaque cas pour empêcher l’Église de prétendre à un cas de déviance isolé.

Spotlight met à jour un fait de société majeur des dernières décennies du vingtième siècle, celui d’abus sexuels commis par près de quatre-vingt dix prêtres dans la ville de Boston, crimes qui peuvent s’élargir à bien plus de religieux et de villes dans le monde. Ces faits ont été tenus secrets pendant de nombreuses années, permettant aux criminels de continuer à sévir et augmentant par la même le nombre de victimes et de “survivants”. Malgré ce tabou ambiant ; maintenu par les politiques, la Justice et l’Église ; certaines voix se sont élevées pour faire entendre la vérité. Ainsi victimes, avocats et anciens membres du clergé ont tenté d’alerter la presse sur ce système corrompu et malsain sans pour autant trouver échos dans l’opinion publique. Pour cause, leurs informations étaient souvent mal relayées par la presse, voire complètement ignorées. Confronté à ses erreurs, Walter Robinson affronte le lourd fardeau de ses responsabilités. Cet exemple nous montre l’importance d’une presse indépendante, libre de publier ce qu’elle entend dans un soucis de justice et d’égalité pour son public. Il prouve l’importance de cet organe dans nos sociétés parce que garde fou des dérives totalitaires qu’elles soient politiques, judiciaires et religieuses.

Même si années et victimes se sont accumulées, le travail de l’équipe Spotlight a tout de même réussi à mettre à jour l’un des secrets les mieux gardés de nos sociétés occidentales. Malgré ses erreurs, Walter Robinson et son équipe chevronnée, grâce à leurs persévérance et ténacité ont permis de rétablir la justice et de condamner les actes du clergé. Cette réussite permet finalement de concilier devoir moral et professionnel, conclusion logique et souhaitable de tout travail journalistique.

Camille Muller