Ce 23 avril 2017, il n’y aura finalement pas eu de surprise majeure, Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont qualifiés pour le second tour, devant François Fillon et Jean-Luc Mélenchon. Benoît Hamon se retrouve à la cinquième place, loin derrière le quatuor de tête, avec un score historiquement bas.

Les deux candidats qualifiés pour le second tour (capture d’écran)

Ce premier tour marque la fin du bipartisme qui dominait le pays depuis des décennies. Le succès d’Emmanuel Macron et de son mouvement En Marche! qui a à peine plus d’un an, les bons résultats réguliers de Front National et la percée incontestable de La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ont sonné le glas d’un système usé d’alternances stériles entre gouvernants de gauche et de droite. Les Républicains et – bien plus encore – le Parti socialiste ont subi un revers cinglant.

Depuis des années, la colère montait dans le pays face à un personnel politique qui ne changeait que très peu et qui se refusait à des réformes réellement ambitieuses. Bien qu’ils en aient tiré des conclusions très différentes en termes de propositions programmatiques, Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont eu l’intuition de l’opportunité historique qui s’offrait à eux. Le bipartisme – qui s’effaçait déjà depuis quelques années devant une forme de tripartisme – à laissé la place à des mouvements populistes de droite extrême, de gauche radicale et du centre.

Dès demain, l’heure des règlements de compte viendra dans les états-majors socialiste et républicain, avant celle d’une remobilisation et un rassemblement dans l’optique des législatives. Dans les deux cas, la tâche s’avère ardue. Coincé entre les mouvements menés par Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron, le Parti socialiste devra essayer de tourner le plus rapidement possible la page de ce score effroyablement bas de Benoît Hamon, et d’éviter une hémorragie massive de militants et d’élus sur sa gauche et sa droite.

A droite, le risque d’un affrontement est tout aussi grand. Nombreux sont ceux qui reprochent à François Fillon de s’être accroché à sa candidature alors même qu’elle vacillait sous le poids des affaires. D’autres lui tiennent aussi rigueur pour son choix d’une campagne toujours plus conservatrice, sous l’influence du mouvement Sens commun, qui s’est fait remarquer en annonçant renoncer à choisir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, alors même que François Fillon a pourtant très rapidement annoncé sa décision de voter en faveur du candidat d’En Marche.

Jean-Luc Mélenchon et son mouvement auront aussi un coup à jouer lors des législatives. En capitalisant sur le score impressionnant de son candidat, et en particulier de son écart avec le candidat de la gauche socialiste, la Franche insoumise se trouve en position de faire une OPA sur la gauche de gouvernement. Il faudra toutefois que Jean-Luc Mélenchon dissipe rapidement le trouble qu’a pu provoquer sa réaction aux résultats et son refus – pour le moment du moins – d’appeler à voter Emmanuel Macron.

Mais ce qui est peut-être le plus frappant, c’est le fait que nous ne soyons pas étonnés du résultat de Marine Le Pen. Jamais le Front national avait eu un score aussi élevé, et pourtant, nous semblons prendre pour acquis que ce parti se place en bonne position, quelle que soit l’élection.

Le second tour opposera Emmanuel Macron à une candidate défendant un projet de anti-européen de repli sur soi, construit sur la division entre les différentes composantes de la société française, la candidate d’un parti dont le rejet de l’autre fait figure de produit d’appel. Deux visions radicalement différentes de l’avenir du pays s’affrontent.

Alors que retenir de ce premier tour ? Une explosion de l’échiquier politique, un renouveau profond des équilibres partisans en France, mais surtout une dernière chance d’éviter que la droite radicale prenne la présidence de la République. Si Emmanuel Macron est élu dans quinze jours – et ce résultat n’est pas sûr, quoi que puissent en dire les sondeurs – et échoue à donner véritablement un nouvel élan au pays, il partagera avec ses prédécesseurs de droite comme de gauche la responsabilité d’une montée du Front national qui serait alors difficilement enrayée.