« Vous qui entrez, laissez toute espérance », cette maxime issue de la Divine Comédie de Dante Alighieri, lourde de sens, est au cœur de la trame d’Inferno, le nouveau roman de Dan Brown. Plus sombre que toutes les autres aventures de Robert Langdon, découvrez ici une œuvre grandiose qui vous fera frémir, trembler et… espérer.

 

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Un début haletant et éprouvant

« Je suis l’Ombre. Par la cité dolente je fuis. Par l’éternelle douleur, je prends mon essor », tels sont les premiers mots du roman qui nous content, comme dans un rêve, la fuite désespérée d’un homme, chassé, meurtri. Course à la vie, phrases découpées, vocables incisives : nous tombons immédiatement dans le rythme effréné d’une course contre la montre brutale, durant laquelle aucun détail ne nous sera épargné. Robert Langdon se réveille dans une pièce inconnue, sans aucun souvenir. « Où suis-je ? Que s’est-il passé ? » se demande-t-il. Cette quête de souvenir le suivra tout au long du récit: comment est-il possible que deux jours entiers d’existence aient disparus dans les tréfonds d’un esprit aussi brillant que ne l’est celui de notre Indiana Jones contemporain ? Il faudra attendre la fin de l’ouvrage pour le savoir et, croyez-moi, le jeux en vaut la chandelle.

Un musée de cinq cents pages

 Qui dit Dan Brown dit travail de recherche monumental, et, là encore, l’auteur du Da Vinci Code ne déçoit pas : de Botticelli à Vasari, en passant par Michel-Ange et, évidemment, par Dante, nous avons comme l’impression de voir ces œuvres d’art se matérialiser en-dehors des lettres du livre. Jeudi soir, sur le plateau de La Grande Librairie – France 5 –, il déclarait même que pour chaque page d’Inferno éditée, dix ont été écrites. Cela laisse songeur. Pour en revenir au manuscrit, garder un accès à Internet à portée de main se révèle essentiel tant pour visualiser les réalisations décrites par Langdon que pour permettre de mieux s’immerger dans le récit. De Florence à Istanbul, en passant par Venise, l’architecture ainsi que la topographie des lieux sont fidèlement transmises, rendant l’ensemble incroyablement attractif. Il n’y a plus qu’un pas entre fiction et réalité, l’envie subite de découvrir ces lieux nous prend en l’espace de quelques lignes. Les passages secrets, les musées, ne peuvent que fasciner les lecteurs. Sans l’ombre d’un doute, l’auteur va, plus encore avec cet ouvrage, créer des vocations d’historiens chez des lecteurs qui vont se découvrir une intense passion pour tous ces grands noms – ainsi que leurs œuvres – décrits élégamment. C’est certainement l’une des plus grandes force de ce roman, l’art et l’histoire y sont exposés d’une façon simple et concise (sans tomber pour autant dans la vulgarisation) qui ne rebute pas. La plume de Dan Brown fait de véritables miracles dans ce domaine et nous ne pouvons que nous incliner devant une telle performance.

La Carte de l'Enfer dans laquelle Botticelli illustre l'Enfer - et ses divers paliers - décrit par Dante dans son ouvrage éponyme

La Carte de l’Enfer dans laquelle Botticelli illustre l’Enfer  décrit par Dante dans son ouvrage éponyme.

Des problèmes de société bien actuels

Au-delà de l’art et des mythes, de véritables problèmes d’actualité sont soulevés dans ce roman. Comment l’Humanité pourra-t-elle faire face au boom de population prévu pour 2050 ? Le transhumanisme, courant moderne intellectuel et culturel qui prône l’utilisation de la science dans le cadre de l’amélioration de nos capacités physiques et mentales, est-il à craindre ou à encourager ? Dan Brown pose de nombreuses questions qu’il traite toutes objectivement par le biais de personnages profonds aux convictions personnelles éloignées mais pourtant si proches. Se refusant tout jugement, les différentes faces des sujets exposés sont exploitées et ont le mérite de nous faire réfléchir. Il est aussi question d’éthique: serait-il normal que l’on modifie nos patrimoines génétiques ? Ici encore, divers points de vues sont exprimés, les uns tout aussi pertinents que les autres. Le bon et le mauvais, le bien et le mal, sont exclus, c’est la manière d’agir qui est mise en cause.

 

Une écriture fluide et entraînante

 Les cinq cent soixante quatre pages de l’ouvrage ne souffrent d’aucun temps mort, d’aucune longueur. L’histoire s’étend sur une journée pleine de rebondissements, un peu à la manière de la série policière 24h. Courses poursuites, épouvante, menaces et trahisons sont autant d’ingrédients contribuant au succès du récit. Quel plaisir de retrouver Langdon quatre ans après l’avoir quitté au sommet du Capitole, même si nous le retrouvons incomplet, sans une vieille amie. L’amnésie est parfaitement bien contée, on s’identifie au professeur qui a perdu ses repères mais qui veut absolument les recouvrer. Le personnage de Sienna Brooks est profond, captivant. Cette femme, pleine de sang froid, remplace la mémoire défaillante de Langdon en le guidant à travers des péripéties toute plus dangereuses les unes que les autres avec une efficacité remarquable. Qui est cette femme mystérieuse aux cheveux argentés ? Qui sont les hommes qui poursuivent Sienna et son compagnon ? Pourquoi lui ? Tant de questions maîtrisées avec brio par un auteur au style irréprochable nous entraînant dans une sombre histoire qui, pour sûr, ne laissera personne de marbre.

 

Verdict

 L’épigraphe de la quatrième de couverture du roman inspirée par l’œuvre de Dante : « Les endroits les plus sombres de l’enfer sont réservés aux indécis qui restent neutres en temps de crise morale », se retrouve au cœur de l’histoire et résume parfaitement la dangerosité de l’inaction, thème principal du récit. Que dire de cet Inferno…? C’est un véritable monument que nous devons à un immense Dan Brown, son roman le plus abouti en bien des points. Toutes les aventures de Langdon ont en commun les symboles, l’histoire et l’art sous couvert de quêtes millénaires, toutes sont sombres et profondes mais c’est la première fois que l’ambiance est si… indescriptible. C’est un mélange de la terreur que l’on retrouvait dans Anges et Démons (avec la bombe qui menaçait le Vatican et les tortures infligées aux cardinaux), de l’émerveillement que l’on retrouvait dans le Da Vinci Code et de l’oppressante ambiance du Symbole Perdu. C’est à la fois un peu de tout cela, avec un ingrédient supplémentaire qui fait passer cet ouvrage du rang d’œuvre à celui de chef-d’œuvre: un twist magistralement écrit qui ne vous laissera pas indifférents ! Si vous prenez le risque – qui n’en n’est pas vraiment un – de vous plonger dans cet ouvrage, vous en ressortirez émerveillés mais peut-être aussi terrorisés par tout ce qu’il implique. Plus qu’une fiction divertissante, les questions posées font véritablement réfléchir. Au fond, n’est-ce pas là un des enjeux fondamentaux de l’écriture ?

Inferno de Dan Brown est en vente aux éditions  JC Lattés.

 

Pour continuer dans le même registre 

– Divine Comédie de Dante Alighieri.

– L’application L’Enfer de Dante illustré par Botticelli des éditions Diane de Selliers, très bien documentée et qui apprend beaucoup de choses, disponible sur l’App Store gratuitement.

– Pour visiter l’Italie de la Renaissance, les jeux vidéos Assassin’s Creed II et Assassin’s Creed Brotherhood d’Ubisoft que le magazine Historia a encensé d’un prix :  » Ce prix honore un jeu de qualité d’après trois facteurs : l’originalité de l’approche historique, l’abondance de la documentation utilisée et le graphisme. »

Simon Sainte Mareville