Deuxième foyer d’endettement du pays, les prêts étudiants font aujourd’hui trembler les Américains. Représentant une dette de plus de 1 000 milliards de dollars, ces emprunts ainsi que l’augmentation de leurs taux risquent de plonger la société américaine mais aussi l’économie dans une situation semblable à la crise des subprimes de 2008.

Diplômés de l'Université d'Harvard, 2010

Diplômés de l’Université d’Harvard en 2010 – Source : CC / Zilinsky.

Un pays endetté et des études universitaires dont les prix sont parmi les plus élevés du monde. Voila le paysage dans lequel doivent évoluer les étudiants américains. En effet, malgré un enseignement de qualité reconnu, toutes les bourses ne peuvent pas accéder aux études supérieurs. Comptez environ 32 000 dollars par an avec un différentiel de près de 10 000 dollars entre les universités publiques et privées. Ces sommes astronomiques forcent les futurs étudiants à s’endetter dès le début de leurs études. C’est d’ailleurs la deuxième source d’endettement des ménages aux Etats-Unis, derrière les emprunts immobiliers (environ 60% de la dette totale des ménages). Face à une dette estimée en 2012 à environ 17 milliards de dollars, soit 110% du PIB, les banques ne peuvent plus prêter aux étudiants. C’est donc l’Etat fédéral qui est chargé de ce dossier.

Bien entendu, il existe un système de bourses dont bénéficient près de 70% des étudiants américains. Ces bourses sont, pour la plupart, seulement partielles, obligeant ces jeunes à souscrire à des prêts étudiants. Leur taux est fixé par la loi à 3,4% pour les étudiants indépendants (qui vivent selon leurs propres moyens) et à 6,8% pour tous les autres. Si rien n’est fait avant le 1er juillet 2013, le taux grimpera à 6,8% pour tous les étudiants qui emprunteront pour la prochaine rentrée universitaire, soit plus de sept millions d’Américains. Déjà l’an dernier, le risque était similaire. Les parlementaires avaient réagi deux jours avant la date butoir en gelant les taux. Cette année, Barack Obama ainsi que l’opposition républicaine veulent que le taux soit fixé en fonction du taux du marché. Le premier préconise que le taux reste fixe tout au long du remboursement (il n’augmentera ni ne diminuera : il ne subira pas les fluctuations du marché) alors que l’opposition souhaite qu’il évolue en fonction du marché. La Chambre des représentants a voté le texte républicain le 23 mai ; il reste désormais moins d’un mois au Sénat pour débattre sur le sujet. C’est sans doute l’une des affaires les plus urgentes de l’année 2013 dont le champ d’action touchera bien plus que les seuls étudiants.

 

Les enjeux de l’augmentation de ces taux

 

L’augmentation de ces taux pourrait avoir des retombées dramatiques. Si la jeunesse américaine se détourne des études pour des raisons économiques, la main d’œuvre future sera moins qualifiée. Cela conduira à une croissance moindre du fait de la faible rémunération des ces futurs actifs qui, avec un pouvoir d’achat limité, ne pourront pas consommer suffisamment pour garantir un fonctionnement relativement sain du système économique. Certes, le marché de l’emploi se porte mal et l’insertion n’est souvent pas à la mesure des qualifications du chercheur d’emploi. Cependant, les diplômés universitaires s’insèrent bien plus facilement dans le monde du travail que les non qualifiés (environ deux fois plus). La différence de salaire quant à elle, est de l’ordre d’environ 40%. L’université reste donc un plan d’avenir attractif, bien que de plus en plus coûteux. L’argent prêté par l’Etat permettra cependant de continuer d’alimenter une machine économique de plus en plus fragile.

Barack Obama en tenue universitaire

Barack Obama en tenue universitaire lors d’une cérémonie à l’Université Notre-Dame dans l’Indiana – Source : CC / Pete Souza.

Mais l’augmentation de ces taux ne concerne pas seulement les étudiants. Ce sont plus de 37 millions d’Américains qui continuent de rembourser leur prêt étudiant et qui souffriront eux aussi de cette augmentation. Cette mesure risque donc de peser fortement sur une société américaine qui vit une crise importante depuis 2008, entre augmentations d’impôts et baisse du pouvoir d’achat. Les enjeux sont cruciaux. Le temps est compté.

 

Simon Sainte Mareville