Depuis le 14 octobre dernier, Paradise, le nouvel album de Dub Inc, est disponible dans les bacs. L’occasion de découvrir ou redécouvrir ce groupe de reggae français au fonctionnement original.

Les deux chanteurs de Dub Inc en concert lors de la fête de l'Humanité 2012 (Photo : THesupermat / Licence CC)

Les deux chanteurs de Dub Inc en concert lors de la fête de l’Humanité 2012 (Photo : Thesupermat / Licence CC)

Dub Inc, c’est qui, c’est quoi ? 

Dub Inc est un groupe de reggae français composé de 8 membres, « une bande de potes » ainsi qu’ils se désignent eux-mêmes, avec Hakim Meridja et Aurélien Zohou (dits Bouchkour et Komlan) au chant. Si 1997 est l’année de la naissance du nom, « Dub Incorporation », c’est en 1999 à Saint-Etienne que se compose le groupe tel qu’il existe aujourd’hui.

Le style Dub Inc, c’est un reggae à texte conscient voire engagé, de langue principalement française, avec de nombreux refrains et passages en anglais, en kabyle, parfois d’autres dialectes africains. Le flow de Dub Inc est généralement rythmé et festif, tel que le dub « drum » jamaïcain se voulait être à son origine, se tournant pour quelques morceaux vers le dancehall, le ragga ou encore le raï. On compte désormais quatre albums au groupe, ainsi que deux live.

Après deux maxis en 1999 et 2001, Diversité  présente en 2003 la caractéristique première du groupe au public : le métissage, revendiqué dans les textes comme dans la musique. L’album est aussi celui de « Rudeboy », une chanson de jeunesse, le titre de référence pour tous les fans.

En 2005, c’est Dans le décor qui paraît, suivi en 2008 d’Afrikya.

C’est peut-être Hors Contrôle, en 2010 qui connaît le plus de succès, l’album de morceaux clefs comme « Tout ce qu’ils veulent », ou encore « Fils de ».

 

L’indépendance comme marque de fabrique

« Certains font des disques d’or, nous on est sur tous les disques durs » (« Bang bang »)

En effet, Dub Inc a du bien vite se faire une raison et accepter son absence sur la scène médiatique française. Mais après une période de frustration face à des médias indifférents, des autoproductions de disques aux ventes trop modestes, le groupe a érigé son indépendance en symbole, et c’est avec fierté qu’il rappelle aujourd’hui son ambition : « rester libre et voler de nos propres ailes /Découvrir la planète et user nos semelles /Loin de leur industrie on reste naturel ». Car Dub Inc, ce n’est pas et ça ne sera jamais des ventes de singles, des clips vidéo, publicités, et toute autre stratégie de promotion.

Mais un succès s’est construit malgré tout. Après des débuts hésitants, Dub Inc a regroupé autour de lui un nombre croissant de fans, de petites salles en festivals, et de bouches à oreilles. Les membres du groupe croient beaucoup à la communication primaire, physique, entre les individus, comme un moyen pour eux de se faire (re)connaître. Dans l’émission « ouvert la nuit » du 14 Décembre 2012, sur France Inter (la seule radio nationale qui offre parfois la parole au groupe), Komlan développe cette idée d’une grande place laissée à la culture populaire dans leur processus de diffusion. C’est bien les gens « d’en bas » qui portent Dub Inc, plutôt que les journalistes trop souvent « arbitres du bon goût » ; et toujours selon Komlan, le groupe cessera d’exister de lui-même le jour où l’on ne parlera plus de lui. Cette diffusion peut tout aussi bien passer par les discussions, les échanges entre individus, que par un morceau joué dans un bar. Mais également, sur une échelle plus vaste, via les nouvelles technologies. Car si le téléchargement (et/ou l’écoute libre) sur internet est l’un des facteurs de la chute des ventes de disques, il faut peut-être savoir l’interpréter sous un autre angle : certes, un artiste ne récupère rien sur ce type de consommation musicale, mais ne bénéficie-t-il pas également par là d’une rampe de lancement efficace, parce que massive ? Dub Inc croit en effet que nous sommes dans une période de transition vers de nouveaux modes d’écoute et de production de musique : un retour à l’artisanat et à la libre création, qui peut susciter chez un nouveau public, jeune, l’envie de découvrir ces sons « pour de vrai », à savoir sur les scènes.

On l’aura compris, Dub Inc croit profondément à l’existence d’un cercle vertueux qui trouve ses racines dans les cultures et comportements populaires. Et ça marche… Les 8 amis sont la preuve qu’un groupe d’aujourd’hui peut s’élever sans l’appui des médias, qui semblent pourtant indispensables, parce qu’omniprésents.

Aujourd’hui, Dub Inc est présent sur les scènes de festivals d’ampleur en France et en Europe, comme les Solidays de Paris ou le Paléo festival de Nyon en Suisse (été 2013).

Cette esprit atypique, qui porte la liberté en étendard, a été mis en images par Kamir Meridja, dans le film documentaire Dub Inc Story, (auto produit et auto distribué) projeté dans quelques salles en 2012, et disponible en DVD. Le réalisateur stéphanois a suivi la bande pendant deux ans, et offre une œuvre originale, toute en musique, idéale pour découvrir Dub Inc en une heure et demie.

 

 

Prendre un moment pour découvrir Paradise

Ce nouvel opus, très travaillé au niveau du texte, laisse percevoir la maturité que Dub Inc a acquis au cours du temps. Désormais, il compte aussi parmi les artistes de studio, après avoir affectionné essentiellement la scène dans les premières années.

Mais c’est aussi et surtout pour le groupe un album-bilan, qui revient en treize morceaux sur ses valeurs fondatrices.

Dans cet opus, Dub Inc réaffirme ses idéaux de lutte et d’espoir pour le futur des hommes et de la planète, avec « Revolution », titre engagé pour la cause environnementale et « Il faut qu’on ose », qui entend revaloriser la pensée humaniste et optimiste face au cynisme « d’un monde qui ne veut plus rêver ».

Le public occupe également une place de choix, dans un titre comme «They want », ou encore « Chaque nouvelle page ». Une belle façon de lui rendre hommage et lui dire merci, en rappelant que « si t’écoutes t’es de la bande ».

Mais Dub Inc revient également à ses racines. La diversité, valeur éponyme de leur premier album, est réaffirmée ici avec « Enfants des ghettos », dont le featuring avec Meta Dia, artiste sénégalais, et Alif Naaba (Burkina Faso) rappelle « Life », enregistré jadis avec l’Ivoirien Tiken Jah Fakoly. Et le dernier titre du disque, « Dub Controle », est un rappel de la musique initiale, purement dub, instrumentale, du premier maxi.

 

Ainsi, si vous ne connaissiez pas encore Dub Inc avant de lire cet article, vous savez désormais que Paradise est un moyen idéal pour découvrir sa musique et son esprit. Si l’on aime, si l’on adhère, on rentre dans la bande, on prolonge un succès qui s’inscrit sur les chemins de la musique libre. Et on a compris que le secret du succès, pour Dub Inc, c’est le partage. Alors parlons-en.

Roxane Duboz