Le dernier film de Bong Joon-ho ne fait pas autant de bruit que Gravity et autres grosses productions de ces derniers mois, et c’est bien dommage. Film adapté d’une bande dessinée française par un Coréen, tourné République Tchèque, avec la participation d’américains et de britanniques….. Des origines riches pour un film à ne pas rater.

 © Wild Side Films / Le Pacte

© Wild Side Films / Le Pacte

Le long métrage illustre une histoire futuriste où le monde connaîtrait une seconde ère glaciaire. Ce qui reste de l’humanité réside alors dans un grand train qui parcourt en boucle la terre entière. Les plus riches vivent en première classe, à l’avant, les pauvres subsistent dans les wagons de queue, entassés les uns sur les autres, ne se nourrissant que d’une espèce de gelée noire peu appétissante (elle vous marquera cette gelée noire, si vous allez voir le film, oh oui). L’intrigue est celle d’une révolution menée par le charismatique Curtis (Chris Evans) contre la classe dominante, pour pouvoir mettre fin au pouvoir de Wilford, sorte de dictateur absolu local.

Un
beau film…

Le spectateur passe un bon moment devant cette allégorie de la lutte des classes, en tout premier lieu grâce à une esthétique et une mise en scène vraiment sympa, proches de celles de Christopher Nolan. Les wagons sont tous plus délirants les uns que les autres (un jardin, une salle de classe, un salon de coiffure, un dentiste….) et le scénario sert vraiment cette esthétique dans sa proposition de remonter le train d’un bout à l’autre, pour découvrir au fur et à mesure, plan par plan, chaque wagon. On attend avec impatience le moment où une nouvelle porte va s’ouvrir, que ce soit pour dévoiler un paysage poétique ou un lieu déstabilisant. La stupéfaction et la surprise des pauvres vivant misérablement, découvrant le luxe des wagons avant est une des grandes réussites du film.

Une profondeur insoupçonnée…

J’avais un peu peur que le réalisateur veuille nous en mettre plein les yeux, et la bande annonce laissait peut être entrapercevoir un scénario un peu plan-plan, et surtout un peu trop propre. Même si le début de l’histoire n’est pas spécialement emballant, on se laisse cependant peu à peu gagner par l’intrigue, l’univers, le background qui ne se dévoile que peu à peu, tranquillement. Les pièces s’emboîtent, les choses font sens, mais la grande claque du film est surtout sa dimension complètement folle et haletante, et plus violente qu’on ne s’y attend. Il y a pas mal de bagarres, de sang versé, une fusillade assez impressionnante qui n’a rien à envier à une scène assez dérangeante où, dans un wagon sans lumière, les agents de l’ordre, munis de lampes à infra-rouge, massacrent littéralement les rebelles totalement aveuglés. A la hache.
Dans le genre glauque et peu ragoûtant, il ne faut pas être allergique aux démembrements et autres coquetteries dans le genre, parce qu’il n’en manque pas non plus. Tout en gardant un peu d’autocensure, le dérangeant peut aller plus loin, bien plus loin que ça. On peut ressentir l’à priori d’un film gentillet et aux jolies bagarres pour donner un côté « voilà, regardez comme ça peut être méchant la lutte des classes », mais, sur le coup, c’est vraiment surprenant, et certains seront peut-être choqués. Bref, la violence est peut-être de trop et un peu gratuite par moments, mais elle ne dessert finalement pas la profondeur des personnages et celle de l’histoire. En d’autres termes, l’ambiance est elle-même assez lourde, donc le sang et la mortalité ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Sur ce chapitre, Chris Evans campe très bien son personnage, bien plus sombre et torturé qu’il n’y paraît.

… et des détails qui surprennent: Snowpiercer est une réussite !

Mention spéciale à de très bonnes surprises, dont on ne s’attend pas à trouver dans ce genre de film : des personnages vraiment dingues, surtout Mason (Tilda Swinton), une vieille aristocrate chargée du maintien de l’ordre, et Namgoong Minsu (Song Kang-Ho), un junkie génial et mélancolique, dont l’histoire révèle avec brio la personnalité et les facettes.

Si l’histoire n’a rien de vraiment novateur et que la fin est vaguement prévisible, Snowpiercer est un film à voir, associant les qualités d’un blockbuster avec des plus (les scènes surréalistes sont des bonus vraiment appréciables) et un scénario de qualité.

Anaïs Dudout