De tous les ministres de François Hollande, Vincent Peillon fait partie de ceux qui font le plus parler d’eux. Critiqué autant par l’opposition que par les syndicats d’enseignants, le ministre semble être attaqué de tous les côtés.
Alors que les débats parlementaires sur son projet de loi sur la « refondation de l’école de la République » viennent tout juste de commencer, revenons sur le parcours, le style et les objectifs de cet électron libre du gouvernement.

Photo: G. Garitan (licence CC)

Photo: G. Garitan (licence CC)

Le prof de philo devenu ministre

Né en 1960 dans une famille d’intellectuels, Vincent Peillon obtient son bac à l’âge de 16 ans et sa licence de philosophie à 20 ans. Après une brève carrière dans la vente de saumon fumé, à l’époque où il travaillait pour la Compagnie des wagons-lits, il passe le Capes et l’agrégation de philosophie et commence une carrière d’enseignant à Calais.

En 1992, alors qu’il finit sa thèse sur Merleau-Ponty, il adhère au PS. Rapidement repéré par Pierre Moscovici, il entre au cabinet parlementaire d’Henri Emmanuelli dont il écrit les discours. Après avoir été député de la 3ème circonscription de la Somme de 1997 à 2002, il devient député européen de 2004 à 2012, tout en continuant en parallèle ses recherches sur l’histoire de la pensée socialiste et républicaine.

En 2002, il lance avec Arnaud Montebourg et Julien Dray le courant Nouveau Parti socialiste, qui prône un profond renouveau du parti après la cuisante défaite de Lionel Jospin ( pour qui il avait travaillé en 1995 ).

Cinq ans plus tard, il est l’un des trois porte-paroles de Ségolène Royal. Lors du désastreux congrès de Reims en 2008, il se porte candidat au poste de premier secrétaire. Sa fidélité à Ségolène Royal le pousse à se retirer, tout en restant sur la même motion qu’elle. Néanmoins, un an plus tard, il adhère à la mouvance sociale-démocrate du PS, ce qui l’amène à soutenir en 2011 la candidature de François Hollande. Il s’impose alors rapidement comme le « monsieur éducation » de sa campagne. Avec Bruno Julliard, il est à l’origine de la partie du programme du PS de 2012 portant sur l’Éducation Nationale.

Le « récidiviste de la gaffe »

D’apparence calme et réservée, Vincent Peillon peut parfois faire preuve de brusquerie : Jean-Christophe Cambadélis dit de lui qu’il « n’a pas toujours le doigté nécessaire ».

En effet, malgré son image de professeur consciencieux, le ministre de l’Éducation Nationale n’aime pas être contredit et aime souvent faire cavalier seul, au risque de froisser ses interlocuteurs.
C’est notamment pour cela que Bruno Julliard, Pierre-Yves Duwoye et Jean-Paul Delahaye, trois des membres les plus importants de son équipe, ont déjà quitté la rue de Grenelle.

L’illustration la plus probante de son attitude de ministre rebelle est la série de « couacs » politico-médiatiques dont il est à l’origine.
Le premier couac de cette série noire a porté sur la question de la dépénalisation du cannabis. Le 14 octobre dernier, au cours de l’émission Tous Politiques ( France Inter/Le Monde/AFP ), constatant que le tout répressif ne suffisait pas à enrayer l’essor des trafics dans les cités, le ministre s’était déclaré en faveur d’un débat sur la dépénalisation du cannabis, provoquant ainsi la colère du président de la République et un véritable tollé à droite.
Selon le Canard Enchaîné du 17 octobre, le ministre aurait même proposé sa démission à Jean-Marc Ayrault. « La prochaine fois, effectivement, ce sera la porte », lui aurait alors répondu le premier ministre qui, quelques jours auparavant, avait déjà recadré la ministre du logement Cécile Duflot sur la même question.

Après plusieurs mois d’une relative accalmie, Vincent Peillon a refait parler de lui récemment sur la question des rythmes scolaires.
Voulant revenir sur la réforme de Xavier Darcos instaurant la semaine de 4 jours à l’école primaire, Vincent Peillon a décidé de relancer le débat autour d’un problème dont il aurait voulu se débarrasser pour la rentrée de septembre 2012. Pensant que l’annulation de cette réforme, brutalement imposée  au corps enseignant en 2008, passerait comme une lettre à la poste, il ne se doutait pas qu’en faisant preuve d’initiative il s’attirerait les foudres du SNUipp-FSU Paris, le plus important des syndicats des enseignants en école primaire.
A cette grogne des enseignants s’est ajoutée celle de très nombreux élus locaux qui craignent de ne pas avoir les ressources financières nécessaires pour revenir au système précédant. Même des figures de proue du PS comme le maire de Paris Bertrand Delanoë, la maire de Lille Martine Aubry et le maire de Lyon Gérard Collomb ont émis des réserves sur le projet du ministre.

Quelques semaines plus tard, la situation n’a fait qu’empirer lorsque le ministre a évoqué la possibilité que les vacances d’été soient régionalisées et réduites de deux semaines.
Matignon a immédiatement essayé de corriger le tir en rappelant qu’il ne s’agissait que d’une éventuelle piste qui ne sera explorée qu’à l’horizon 2015.
Cela n’a pas empêché l’opposition ( qui avait pourtant envisagé de faire cette réforme lorsqu’elle était au pouvoir ) d’en profiter pour enfoncer davantage le ministre : c’est à cette occasion que le député UMP Bruno Le Maire a qualifié Vincent Peillon de « récidiviste de la gaffe ».

Le coup d’éclat permanent

La communication de Vincent Peillon est tellement empreinte de maladresse, que certains y voient même une véritable stratégie de communication à double tranchant.

Pour Marie Caroline Missir, il s’agirait d’une stratégie du « coup d’éclat permanent » qui consisterait pour le ministre à occuper le plus d’espace médiatique possible, que cela soit en bien ou en mal.  Une démarche aussi hardie que téméraire lorsque l’on songe aux ténors de la com’ que sont Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Christiane Taubira.
Pour Germain Grac Aubert, il faudrait plutôt distinguer les « couacs » du ministre, simples erreurs de communication, de ses « ballons d’essai », des propos volontairement polémiques qui permettraient de voir comment réagit l’opinion ou de ménager des effets d’annonce.

Quoiqu’il en soit, l’attitude de Vincent Peillon entretient l’image d’amateurisme qui colle au gouvernement, ce qui ne fait qu’entamer son capital politique et détériorer ses rapports avec l’Élysée et Matignon.

Le problème de ses rapports avec François Hollande et Jean-Marc Ayrault

En effet, de tous les problèmes auxquels Vincent Peillon doit faire face, le plus grave reste celui de ses relations houleuses avec le sommet de l’exécutif.
Déjà en 2011, lors des débats des primaires du PS, le candidat Hollande l’avait mis dans une situation particulièrement inconfortable en prononçant pour la première fois le chiffre magique des 60 000 nouveaux postes promis à l’Éducation Nationale, alors que les socialistes s’étaient accordés pour ne pas chiffrer cette partie de leur programme.
Une fois élu président, François Hollande n’a pas cessé de se comporter de manière cavalière avec son ministre. Au congrès des maires de France, en novembre dernier, juste après avoir évoqué d’éventuelles « clauses de conscience » quant au mariage pour tous, le président de la République a offert aux élus rassemblés ce jour là le droit de choisir l’année au cours de laquelle ils appliqueront la réforme des rythmes scolaires.

Ces deux anecdotes nous montrent l’ampleur du contentieux existant entre François Peillon et François Hollande. De plus en plus de commentateurs politiques évoquent déjà la possibilité que la carrière de l’actuel ministre de l’éducation nationale connaisse une trajectoire comparable à celle de Claude Allègre.
Espérons juste que cela n’entrave pas davantage l’action du président de la république qui, rappelons-le, s’est fait élire en prétendant vouloir faire de la jeunesse la priorité de son mandat.

Arnaud Salvat