A l’occasion d’une « Soirée Nicolas Sarkozy sur France 3 », de nombreux grands acteurs de l’UMP ont été sollicités. Grands mouvements de soutien, éternelles rancœurs ou encore trahisons méthodiques : voici certains des sentiments majeurs constatés chez la droite à propos de l’ancien président. Ce que la droite pense de Sarkozy… c’est parti !

 

(Crédit photo : CC)

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Parmi les interviewés de Secrets d’une présidence, tous ont l’air d’accord sur un point. La sacralisation de la campagne de 2007. Ils sont même tellement d’accord que le documentaire se confond vite avec un éloge funèbre de l’ancien président, ayant tout pour réussir. L’UMP semble en effet avoir été totalement conquis par son ton à la fois énergique et moderne lors de sa première campagne. Le député UMP, Bernard Debré, le qualifie de « Chirac cent-mille volts ». « Il avait une empathie, de grandes possibilités », rajoute-t-il. François Fillon avoue lui-même qu’il est impressionné face à « ce côté lapin Duracel » qui veut tout faire tandis que lui-même, contrairement à Sarkozy, se ferme parfois des portes. Enfin, pour terminer cette fanfare, citons Valérie Pécresse, la secrétaire générale déléguée de l’UMP, constatant un côté moderne, américain chez Nicolas Sarkozy. Notons que lors de leur interview, les anciens ministres Nathalie Kosciusko-Morizet et Patrick Devedjian vont dans ce sens en témoignant de l’aspect unique de cette campagne.

Il est intéressant de constater que les « fautes » (considérées comme telles lors du documentaire) du début de mandat de l’ex-président telle que les vacances en yacht, le Fouquet’s ou encore la succession d’un grand nombre de petites réformes sans grandes lignes directrices sont plutôt justifiées par la droite. L’amie de Nicolas, Isabelle Balkany, dénonce ainsi Cécilia Sarkozy qui, « seule », avait organisé un pot au Fouquet’s entre amis alors que cela n’aurait jamais du arriver. Tandis que le député UMP Henri Guaino répond distinctement : « Ce n’est pas un drame. D’ailleurs, les Français ne savaient même pas ce qu’était le Fouquet’s et ne le savent sans doute toujours pas ».

Des grands déçus du mandat Sarkozy

Néanmoins, au fur à mesure des interviews, on constate que dès la constitution de son gouvernement, Nicolas Sarkozy s’est mis à dos une partie de la droite. « Choquant » : voici le terme qualifiant la décision de Sarkozy qui, selon Patrick Devedjian et le député Thierry Mariani, offre la part du lion à ceux qui l’ont combattu et une part moindre à ceux qui l’ont toujours soutenu. En effet, dès le départ, l’ex-président aurait privilégié des personnalités moins expérimentées et même des politiques issus de la gauche pour constituer ses ministères.
Les anciens élus inattendus de cette ouverture politique semblent d’ailleurs eux-mêmes étonnés des faits. Par exemple, citons Martin Hirsch qui prit en charge le RSA sous Sarkozy, alors qu’il n’avait aucun lien avec l’UMP et appliquait son propre projet. De même, Laurent Wauquiez, nommé porte-parole du gouvernement en 2007, ne croyait pas en sa propre nomination ; personne n’y croyait d’ailleurs à l’UMP à cause de « son jeune âge » (32 ans). Si de son côté, la surprise est bonne, le retentissement des autres postulants l’est logiquement beaucoup moins. Le député UMP Bernard Debré lâche d’ailleurs un « et nous, et nous, et nous ?! » à ce propos.

La rupture avec Sarkozy

« Sarko, c’est un mélange de complexe d’infériorité et de supériorité. Il est ce qu’il est à chaque instant. Après il peut changer, mais il n’y a pas le filtre du sur-moi. Ce qui le rend à la fois par moment exceptionnel et par moment à côté de la plaque ». Voici l’un des constats d’Alain Minc, ami de Nicolas Sarkozy. Cette personnalité très forte de l’ancien président du tout ou rien, va progressivement créer une rupture entre lui et l’UMP d’après les interviewés. Nicolas Sarkozy se serait senti « maître incontesté et incontestable » du pays, au détriment même de ses alliés. Sa colère contre François Fillon à l’égard de ses propos « je suis à la tête d’un Etat en faillite » (colère entre autre, car le premier ministre ne serait pas à la tête de l’Etat mais d’une administration) n’est qu’un exemple. Une anecdote de Patrick Devedjian l’illustre tout autant : « Sarkozy a dit quelque chose, j’ai répondu, il a répondu, j’ai répondu. Alors, évidemment, tout le monde était sous la table. Et à la fin il a dit : j’ai forcement raison car je suis Président de la République ». Sans oublier Roselyne Bachelot, qui dénonce Sarkozy comme violent dans la gestion de ses ministres. Ainsi, une sorte de management par le stress aurait restreint de nombreux acteurs de l’UMP à collaborer avec lui, et pire, à exprimer leur avis contre celui du président.
Une autre cause de rupture est la tendance du président à mettre en avant sa vie privée et de devenir le premier président dit « people » de la Vème République. Les nombreuses unes le montrant auprès de Carla Bruni s’opposent en effet à la droite conservatrice, très attachée au statut noble et travailleur du président.

D’après les dires des acteurs de l’UMP, cela aurait dû entraîné la chute de Nicolas Sarkozy car il perdait de nombreux soutiens pour la campagne de 2012. L’ex-président était en désaccord avec les avis de ses ministres. Bernard Debré et François Fillon avouent que la fin du quinquennat partait dans tous les sens ; que même les ministres étaient déboussolés. De leur côté, Rachida Dati et Roselyne Bachelot expriment leur total désaccord avec la notion de double nationalité (ou nationalité à deux degrés) mis sur la table en fin de mandat. Au final, la droite n’aurait donc eu qu’un soutien passif, qu’un involontarisme derrière l’homme seul qu’était Sarkozy.
« Oui on allait dans le mur, mais on ne pouvait pas le dire », souligne Alain Juppé. « La droite est en miette depuis 2012 », explique Bruno le Maire. Ces aveux d’ex-ministres démontrent ainsi l’impact négatif  qu’a eu la droitisation de Sarkozy sur son parti pendant la campagne.

Sarkozy reviendra-t-il en tant que candidat pour les présidentielles de 2017 ?

Bien entendu, c’est la question que beaucoup se posent. En tout cas, une telle candidature est possible dans la mesure où l’UMP pour se restaurer après ses défaites électorales, a joué la carte du bon patrimoine Sarkozy avec Copé et Fillon. Le destin de l’UMP semble toujours lié à l’ex-président ; et ce, qu’il se représente ou pas. Néanmoins, même s’il décidait de revenir en politique, un nouveau combat des chefs risque de s’imposer entre les trois hommes lors des primaires.
Les procédures juridiques des scandales Kadhafi et Bettencourt sont un autre facteur régissant cette possibilité. Car si condamnation il y a, la notoriété politique et donc les chances pour Sarkozy de revenir seront minces. Pour Guy Carcassonne, grand constitutionnaliste, il est quasiment impossible que de telles condamnations aient lieu, tout simplement car le mobile des faits soupçonnés est totalement erroné. Ces scandales, rappelons le, auraient eu pour objectif de financer la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Or, comme le rappelle le juriste, les dépenses électorales sont surveillées par le Conseil Constitutionnel durant la campagne. Un plafond actualisé tout les trois ans est également en vigueur. Ce plafond se situant autour des 20 millions d’euros, il est invraisemblable que les deux grands partis tentent d’obtenir des fonds illégaux, car les dépenses autorisées sont déjà très faibles par rapport aux potentiels financiers du PS et de l’UMP.

Les extraits du documentaire de Franz-Olivier Giesbert, repris par Atlantico : http://www.atlantico.fr/decryptage/nicolas-sarkozy-secrets-presidence-extraits-documentaire-inedit-franz-olivier-giesbert-719879.html

Yonathan Van der Voort