Au lendemain du lundi 9 décembre, où plusieurs milliers d’enseignants en Classes préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE) ont participé avec leurs étudiants à des manifestations dans plusieurs villes de France, les grévistes étaient encore nombreux.

Le ministre de l’éducation nationale Vincent Peillon a récemment fait connaitre son projet visant à « moderniser les textes de 1950 ». Ce décret vise particulièrement les professeurs de classes préparatoires : il s’agit de supprimer les décharges dues aux sureffectifs des classes, alourdir le temps de cours de certains et surtout, à abaisser la rémunération des professeurs, allant jusqu’à les amputer de près de 20% de leur salaire. L’une des justifications du ministère a été de présenter ce décret comme un premier pas vers l’amélioration du sort des enseignant en Zone d’Éducation Prioritaire, en leur accordant une augmentation de salaire.

 

Une mobilisation exceptionnelle

Il est assez rare de voir des professeurs de CPGE descendre dans la rue en si grand nombre. La mobilisation contre le projet Peillon a pris une ampleur exceptionnelle. Si le ministère de l’Éducation nationale évoque un chiffre de près de 60% d’enseignants grévistes, les syndicats, eux, parlent plutôt d’une mobilisation approchant les 80%. Le SNES (Syndicat National des Enseignants du Second degré) répertoriait lundi sur son site 75 lycées en grève à 100%. Les professeurs de classes préparatoires publiques – dont c’était pour certains la première manifestation – ont aussi été rejoints par leurs collègues des établissements privés sous contrats, touchés eux aussi par le projet du ministre.

Les étudiants étaient nombreux à soutenir leurs enseignants. (Photo I.S. / ParlonsInfo)

Les étudiants étaient nombreux à soutenir leurs enseignants. (Photo I.S. / ParlonsInfo)

Les professeurs de classes préparatoires étaient soutenus par leurs étudiants, descendus eux aussi dans les rues pour alerter contres les idées reçues sur la prépa. Lina, en khâgne histoire-géographie, nous explique : « être en classe préparatoire aujourd’hui, c’est une chance. Certes, ce n’est pas facile et le rythme est intense, mais les professeurs sont très présents pour nous, et s’investissent pour la réussite de chaque élève. »

 

Des enseignants « blessés »  par une réforme soudaine

Les enseignants que nous avons pu interroger expliquent vivre cette réforme comme une véritable attaque basée selon eux sur un « fondement strictement idéologique« . Leur incompréhension est grande. Dans le contexte des résultats de l’enquête PISA, Philippe, professeur de philosophie en khâgne et en prépa HEC, explique : « Peillon s’attaque à la branche de l’éducation nationale qui fonctionne encore correctement. Au lieu d’améliorer là où cela ne va plus, il détruit ce qui reste. » Selon les enseignants grévistes, les concertations annoncées par le ministre ont été menées de façon extrêmement rapide et une divergence d’opinion sur la réforme semble poindre entre les grandes directions syndicales et la base.

La communication récente du ministre cherchant à rassurer les professeurs et à dénoncer une « désinformation », et sa proposition d’une indemnité de 3000 euros pour les enseignants de classes préparatoires exerçant durant au moins quatre heures devant une classe de plus de 35 élèves, ne convainquent pas. Pas plus que son explication initiale du fait que la baisse des salaires des professeurs de classes préparatoires permettrait de revaloriser celle des enseignants en ZEP. Pour Philippe, cette solution est hypocrite: « mettre en place cette réforme va revenir plus cher que l’argent ponctionné aux profs de prépa, cela n’a pas de sens. »

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Photo: I.S. / ParlonsInfo

Si certains grévistes, à l’image de Cécile, professeur de Géographie en khâgne, se veulent optimistes: « Il s’agit pour le corps enseignant d’être unis dans nos revendications, ce que nous voulons, c’est renégocier ce projet et entamer des discussions.« , d’autres semblent déterminés. Ils redoutent que la réforme visant les classes préparatoires ne soient qu’une façon pour le ministre de faire passer de telles réformes pour l’ensemble des enseignants. Ils affichent leur détermination à poursuivre leur combat, en tentant de convaincre leurs collègues du secondaire de les rejoindre.

Inès Senaoui et David Bolton