Les partis centristes en France ne bénéficient pas d’une aussi grande médiatisation que le PS, l’UMP ou le FN. Pourtant, à la veille des élections départementales qui se déroulent le 22 et le 29 mars prochain, on oublie souvent qu’ils ont joué les premiers rôles dans la vie politique hexagonale et que leur choix impactent la plupart du temps le résultat final des scrutins présidentiels, européens ou départementaux.

Retour sur les premières heures de cette alliance politique qui ne se positionne pas à gauche mais pas pour autant à droite, ainsi que sur son état politique à deux ans d’un nouveau mandat de chef de l’État et de ses objectifs à propos de la campagne des départementales.

François Bayrou, président du MoDem et maire de PauPhoto d'Antonin Borgeaud

François Bayrou, président du MoDem et maire de Pau
Photo d’Antonin Borgeaud

Focus centriste

Le centrisme en France n’existe pas comme un parti unique. Au contraire de la droite, de multiples formations politiques forment son relief libéral-démocrate. MoDem (Mouvement Démocrates) et UDI (Union des Démocrates Indépendants) voire le NC (Nouveau Centre) demeurent en tant que partis majeurs du centre.

Né d’une mère de gauche et d’un père de droite, le premier parti centriste voit le jour au lendemain de la libération de la France en 1944 sous le nom de Mouvement Républicain Populaire. Ce dernier ne se considère pourtant ni rouge ni bleu. Georges Bidault, son fondateur, est issus de la Résistance durant la Seconde Guerre Mondiale. Il suit une ligne gaulliste qui fera du MRP l’un des trois grands groupes politiques mais cet essor décline dans les années 1960. Les choix idéologiques et gouvernementaux ne collant plus avec les principes du Général, le MRP se fracture pour laisser place à l’Union des Démocrates Français.

Jean Lecanuet, nouveau président du parti, fonde l’Union des Démocrates Français sur les bases du MRP devenu entre temps le CD (Centre Démocrate). 1978 voit l’émergence du plus grand parti centriste sous l’impulsion notamment de Valéry Giscard d’Estaing. L’UDF perd de son influence après la défaite de VGE aux élections présidentielles en 1981. Le centre devient par la suite un parti d’opposition minoritaire, s’alliant de façon habituelle avec la droite.

François Bayrou, l’actuel président du MoDem, modifie la ligne de l’UDF quand il prend sa tête vingt ans après sa création. Plusieurs partis du centre adhèrent à l’UDF pour reformer un parti libre et détaché de la droite. Cette réorientation mène cette alliance politique vers un nouveau parti après les élections présidentielles de 2007. Toujours sous la houlette de François Bayrou, le MoDem émerge et dans un sillage parallèle, le Nouveau Centre se crée. On assiste à une séparation du centre. La partie la plus attachée à l’UMP dénoue le lien pour se regrouper sous le nom du NC.

Jean-Louis Borloo, président du Parti Radical (l’un des seuls partis à ne pas s’être unifié avec l’UDF en 1998) émet alors le souhait de regrouper, comme l’a fait l’actuel maire de Pau, l’électorat de centre-droite sous l’emblème de l’UDI, qui nait dans les derniers mois de 2012.

Le questionnement rationnel de l’alliance MoDem-UDI semble à fortiori la suite logique. Pourtant, le virage politique qu’emprunte le centrisme en France apparaît différent.

Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI et maire de Drancy.Photo de Marie-an Nguyen

Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI et maire de Drancy.
Photo de Marie-an Nguyen / Licence CC

UDI-MoDem, l’impossible fusion?

Le 5 novembre 2013, François Bayrou et Jean-Louis Borloo « officialisent » l’alliance entre le MoDem et l’UDI. L’alternative, comme les deux présidents la baptisent, doit rassembler les deux partis du centre lors de toutes les élections présidentielles, régionales et européennes. A court terme, la fusion des deux partis semble envisagée voir envisageable pour créer un centre libre de toute alliance extra-centriste. Le maire de Valencienne et ancien ministre paraît tout de même plus en retrait que son compère, les liens entre l’UDI et la droite restant ancrés dans les gènes du parti. Sans doute les prémisses d’une Alternative compliquée. Les élections européennes n’y échappent pourtant pas. Le résultat est cinglant. 9,93%, très loin des objectifs fixés à près de 20%. Les deux partis ne s’en cachent pas, ce chiffre en-dessous de la barre des 10% est un échec, un échec de l’Alternative. Ce premier fait d’arme met en exergue le caractère périlleux de la mission de réunification. La conséquence est plus évoquante. Il y a une alliance UMP-UDI ou UDI-MoDem voire UMP-UDI-MoDem, suivant les régions, aux élections départementales de 2015. Les promesses ont l’air difficiles à tenir ces temps-ci. Pour l’élu UMP candidate aux élections départementales dans l’Oise (60) dans le Canton de Nanteuil-le-Haudouin et maire d’Acy-en-Multien, Nicole Colin, l’association entre l’UMP et l’UDI au niveau du département s’est effectué « autour des idées communes lors de l’élaboration du programme politique ». Le MoDem, toute proportion gardée, n’affiche donc pas toujours la même conduite que l’UDI. Toute proportion gardée car on peut offrir le contre-exemple du canton de Villepinte, en Seine-Saint-Denis (93), où il y a eu une triple alliance UMP-UDI-MoDem. Le constat reste tout de même amer pour la suite, surtout quand on regarde le comportement des deux chefs de partis en place.

Au second tour des élections présidentielles en 2012, François Bayrou a appelé ses électeurs à voter pour François Hollande, privant ainsi Nicolas Sarkozy d’un second mandat à la tête de l’État. Le choix du chef du MoDem n’a pas bien été compris au sein de la droite et du centre. A l’inverse, le maire de Drancy, Jean-Christophe Lagarde a soutenu le chef de l’État sortant lors de sa campagne. Il s’est même vu en 2010 proposé un poste au gouvernement Fillon. Les relations entre eux n’apparaissent pas aussi prolifiques qu’avec Jean-Louis Borloo. Il est jugé trop à droite y compris dans son clan du centre droit. Yves Jego, lors des élections à l’UDI il y a moins d’un an, décriait cet aspect de son concurrent. La jonction entamée avec l’Alternative fane à nouveau. D’ailleurs, personne n’en entend parler depuis le 13 novembre 2014 (ref. publication des résultats de la présidence à l’UDI). Ça ne déplait sans doute pas du côté de l’UMP qui voit en cette coalition la perte d’un allié majeure. Alain Juppé avait mis sur la table le sujet d’un regroupement UMP-UDI quand il était président par intérim du parti basé rue de Vaugirard. Passé du magenta, au bleu, il n’y a qu’un pas.

Pierre-Olivier Carel, conseiller municipal à la maire de Rosny-sous-Bois et président du MoDem Seine-Saint-Denis Photo de Michel Hinard

Pierre-Olivier Carel, conseiller municipal à la maire de Rosny-sous-Bois et président du MoDem Seine-Saint-Denis
Photo de Michel Hinard/Licence CC

Pourtant, tous les élus centristes ne sont pas pessimistes à l’idée de voir apparaître un parti UDIsto-MoDemien. Pierre-Olivier Carel, président du MoDem en Seine-Saint-Denis et conseiller municipal dans la ville de Rosny-sous-Bois, nous avoue « croire en l’Alternative » en ajoutant que « le Centre doit être porter par sa dynamique pour que le parti pèse dans le débat politique ». Il s’appuie sur la réussite au niveau de son département aux élections européenne en 2014. Il avait alors réuni tous les élus du centre en Seine-Saint-Denis pour afficher un résultat de plus de 12% alors que le département n’est pas connu pour être le fief du MoDem. « L’UDI possède pas mal de sièges mais le MoDem est plus présent sur le terrain. La force des deux partis cumulés pourrait être une grande force ». On peut pousser la réflexion d’avantage. Dans la perspective d’un regroupement entre ces deux grands partis, ils réuniraient l’électorat du centre, celui le plus à droite de la gauche et le plus à gauche de la droite. De quoi voir un vrai parti d’opposition pour concurrencer la montée sur la troisième place du Front National. Pierre-Olivier Carel ajoute enfin que « La France ne s’est jamais aussi bien porté depuis que le centre a accédé au pouvoir ». Pourquoi ne pas y croire alors en cette Alternative?

 

Enjeux des départementales 2015

L’objectif premier pour ses départementales reste évidemment de passer au second tour et de remporter le scrutin le 29 mars prochain pour les candidats MoDem et UDI, affiliés ou non à l’UMP.

La finalité de ces élections, quant à elle, varie suivant la taille du canton et de sa localité urbaine ou rurale. Du côté de la Seine-Saint-Denis et plus particulièrement du canton de Villepinte, soutenu par Pierre-Olivier Carel, cette possible victoire permettrait de basculé vers une future majorité de la droite républicaine. Yvon Kergoat et Martine Valleton veulent accroitre le territoire de leur étiquette politique et renforcer leur visibilité. On ressent l’objectif national du parti dont ils appartiennent.

Du côté des communauté rurales, comme dans l’Oise et du Canton de Nanteuil-le-Haudoin, l’objectif du gain de territoire face au PS ne préoccupe pas en premier lieu. Anne-Sophie Sicard, maire UMP de Baron et vice-présidente du CCPV, élue remplaçante de la liste Les Duos de la droite unie de l’Oise dont l’UDI fait partie, dénonce « la perversion qui introduit la politique au niveau des localités […] il faut aussi lutter contre cette politisation des élections départementales, d’autant plus au niveau des cantons ruraux ». Ils soulignent l’importance de penser avant tout aux habitants qui veulent une voirie praticable, de la sécurité, de l’emploi ou encore des médecins généralistes plus nombreux, tout simplement.

Ces élections servent avant tout à améliorer la vie de la population plutôt que d’être sous la tutelle de la gauche ou de la droite mais pour les partis politiques elles représentent aussi un nombre d’élu accrût. L’UDI et le MoDem restent tout de même très présents pour ses élections et les victoires risquent d’être nombreuses avec l’alliance passée dans la plupart des départements avec la droite.

Maxence Eloi