Le 21 août dernier, le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov a entamé son centième jour de grève de la faim. Condamné à 20 ans de prison pour complot terroriste, il réclame la libération de 70 ressortissants ukrainiens également emprisonnés.  L’affaire ne manque pas de susciter de vives réactions auprès de la communauté internationale.

Oleg Sentsov en 2015 (Crédits : Antonymon ; Licence CC – Wikimédia Commons)

 

A 42 ans, Oleg Sentsov est principalement connu pour son film « Gaamer » sorti en 2011. Un film qui est inspiré de sa propre histoire et de son enfance dans un village de Crimée où il participait à des compétitions de jeux vidéos. En 2012, il gagne une reconnaissance internationale grâce à la projection de son film au Festival International du film de Rotterdam. Il obtient ainsi le financement pour un prochain long-métrage. Le succès est bien présent et un avenir radieux lui tend les bras.

 

Le jeune réalisateur s’engage contre le pouvoir russe

Son histoire personnelle vient rencontrer celle de la Russie. En 2013, le réalisateur assume ses convictions politiques et décide de rejoindre le mouvement pro-européen AutoMaïdan. Ce dernier milite pour la démission du président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovytch. En février 2014, lorsqu’éclate la crise de Crimée, Oleg Sentsov s’oppose fermement à l’annexion russe de sa région. Il vient en aide aux militaires ukrainiens assiégés dans leurs bases en leur apportant de la nourriture. A peine deux mois plus tard, il est arrêté par le pouvoir russe qui l’accuse de fomenter un acte terroriste. Pendant le procès, il est accablé par des preuves qui n’en finissent pas de se multiplier et des témoins à charge qui apparaissent peu à peu.

Un soutien international se met en place

Le 21 août dernier, Oleg Sentsov a ainsi entamé son centième jour de grève de la faim. Selon son avocat, le cinéaste ukrainien aurait perdu trente kilos depuis le début de cette grève, en mai dernier. Il refuse le transfert dans un hôpital, estimant que le personnel médical a manifesté une forme d’hostilité à son égard par le passé. Mais il est avant tout trop faible pour pouvoir être déplacé. Par l’intermédiaire de son avocat, il a pu écrire à son cousin : dans sa lettre, il raconte sa mise à l’écart de toute forme d’information et fait part de son extrême fragilité physique. Le 15 juin, il passe en soins intensifs : c’est à partir de ce moment que la mobilisation internationale est enclenchée. Sur le site de la société des réalisateurs de films, une pétition se met en place pour soutenir Oleg Sentsov : les réalisateurs Bertrand Tavernier et Jacques Audiard, ainsi que l’acteur américain George Clooney ne manquent pas de signer cette pétition. L’association Pen Club international s’engage également : regroupant des écrivains à travers le monde elle se donne comme objectif de « rassembler des écrivains de tous pays attachés aux valeurs de paix, de tolérance et de liberté, sans lesquelles la création devient impossible« . Le président de la République française, Emmanuel Macron, a quant à lui tenté d’ouvrir le dialogue avec Vladimir Poutine pour discuter de la libération du cinéaste. Sans succès. Même tentative du côte de la chancelière allemande et même résultat.

Ce vendredi 14 septembre, des intellectuels et cinéastes ont décidé de se relayer tous les jours devant l’ambassade de Russie à Paris pour affirmer fermement leur soutien à Oleg Sentsov. Au cœur du XVIe arrondissement de Paris, une tente a été plantée. Chaque jour, à 9h du matin, une nouvelle personnalité viendra y jeûner pendant 24 heures. Première personnalité à inaugurer cette tente : Christiane Taubira. L’ancienne garde des Sceaux avait déjà affiché son soutien au réalisateur ukrainien pendant la coupe du monde de football, en juin dernier. Les prochaines personnalités sont pour l’instant inconnues.

La situation d’Oleg Sentsov est loin d’être un cas isolé en Russie. En 1975, l’écrivain russe Anatoli Martchenko publie un ouvrage dans lequel il raconte les conditions de vie dans les prisons et les camps de travail soviétiques. Il est alors accusé par le régime de propagande anti-soviétique. Emprisonné, il meurt onze ans plus tard, suite à une grève de la faim de trois mois depuis sa cellule. Il reçoit à titre posthume le prix Sakharov en 1988 mais il est trop tard. Reste-t-il encore une chance pour Oleg Sentsov de se faire entendre ?

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