Une nouvelle mode a vu le jour dans toutes les villes de France ces derniers mois. Les boutiques de ventes de cigarettes électroniques se sont développées à grande vitesse. Aujourd’hui, elles comptent des milliers d’adeptes mais font également couler beaucoup d’encre. En cause, un manque de connaissance des risques réels de ces objets sur les consommateurs.

En France, 500 000 personnes se sont mises à vapoter depuis le début du phénomène "cigarette électronique".

En France, 500 000 personnes se sont mises à vapoter depuis le début du phénomène « cigarette électronique ». (Crédit photo : Flick/cc/leonardrodriguez)

 

Vapoter, un nouveau verbe à la mode. Ce néologisme, lié aux vapoteuses ou cigarettes électroniques, fait référence à une nouvelle façon de fumer. Inventés en Chine en 2003, ces objets comptent déjà plus de 500 000 utilisateurs en France.

Créée pour permettre d’arrêter progressivement de fumer en passant par la cigarette électronique, la vapoteuse reproduit la forme d’une cigarette classique mais ne contient pas les milliers de produits nocifs de cette dernière. Ce produit semble donc être l’invention miracle pour arrêter de fumer mais le manque de données qualitatives et quantitatives sur le sujet pousse à la réserve.

Le monde de la santé doute des bienfaits de la cigarette électronique

Début mars, la ministre de la Santé Marisol Touraine a commandé une évaluation des risques de ces vapoteuses. Elle a demandé à son équipe de définir les caractéristiques des produits utilisés dans la cigarette électronique. En effet, les flacons aromatiques posent problème. Ils sont composés de propylène glycol ou de glycérol ; des produits qui se retrouvent dans l’industrie pharmaceutique et cosmétique. De plus, certaines cigarettes pourraient contenir des quantités anormalement élevées de nicotine.

Depuis 2011, l’Agence nationale de sécurité du médicament avait recommandé de ne pas consommer de cigarettes électroniques, car elles pouvaient « conduire à des effets indésirables graves ». Aujourd’hui, même si aucune intoxication n’a été recensée, le débat reste ouvert. Pour le président du Comité national contre le tabagisme Yves Martinet, la cigarette électronique n’a pas lieu d’être. Pour lui,  il existe déjà « des traitements efficaces pour arrêter de fumer et le but n’est pas de mettre sur le marché un nouveau produit qui délivre de la nicotine, sans qu’il ait été évalué de manière scientifique.»

Autres problèmes soulevés par les professionnels de santé, l’incitation à fumer pour les plus jeunes et la dépendance à ce nouveau type de produit. Rose-Marie Rouquet, pneumologue et tabacologue au CHU de Toulouse, explique que « la cigarette électronique favoriserait le passage au tabac chez les plus jeunes ». Elle deviendrait également une nouvelle cause de dépendance, par des substances potentiellement addictives présentes dans ces objets et par un sevrage incomplet au tabac, car le vapoteur conserve les gestes et les sensations que connaissent le fumeur.

Le plaisir de fumer sans se ruiner … la santé

 

Face à ces inquiétudes, les partisans de la cigarette électronique se mobilisent pour défendre ce produit. Leur premier argument : la capacité de la vapoteuse à sevrer progressivement le fumeur. Brice Pinho, gérant adjoint d’une boutique de cigarettes électroniques à Toulouse, rappelle l’intérêt de cet objet. Il « permet d’arrêter de fumer par une utilisation quotidienne. Ça ne peut pas être un produit pharmaceutique même si ça reste dans le même esprit qu’un patch ; la gestuelle en plus ». L’attrait du consommateur pour la cigarette électronique, c’est également un coût financier moindre. Alors qu’une cartouche coûte entre 60 et 70 €, une fiole qui représente le même contenu coûte 6 €. Pour les fumeurs, le calcul est vite fait.

Malgré ces points positifs, la législation vise à se durcir sur la vapoteuse. Fin 2012, la Commission européenne a présenté la prochaine directive sur le tabac. Elle prévoit l’interdiction de commercialiser des produits contenant plus de 2mg de nicotine, soit une concentration de 4mg/ml pour les e-liquides. Jacques Le Houezec, conseiller en santé publique et tabacologue, s’insurge contre cette mesure. Selon lui, ce projet qui doit être adopté en 2015, « obligerait les utilisateurs à continuer de fumer pour obtenir les doses de nicotine dont il a besoin ». Une loi qui irait donc à l’encontre des intérêts de la France, en matière de santé publique.

 

Et les lobbies dans tout ça ?

 

Diaboliser la cigarette électronique est devenu une obsession pour certaines tranches de la population. L’industrie du tabac ainsi que le secteur pharmaceutique qui commercialise des substituts nicotiniques, ont tout intérêt à voir ce projet étouffer dans l’œuf. Pour eux, le manque à gagner est colossal.

Les buralistes aussi, commencent à voir l’engouement pour la vapoteuse comme une menace. Gérald Vidal, président du syndicat des buralistes de Haute-Garonne, s’appuie sur une législation stricte. « Pour les 27 000 buralistes de France, la situation est claire. Si la cigarette électronique doit être acceptée, il faut qu’elle soit vendue dans les bureaux de tabac », explique-il. Pour lui, l’essentiel est de respecter le contrat qu’ils ont passé avec l’État et de tout mettre en œuvre pour respecter les lois en vigueur sur la vente de ce genre de produits.

Plusieurs pays ont déjà interdits la cigarette électronique, notamment le Brésil, la Turquie, Israël, Singapour ou encore l’Argentine.

Pour Brice Pinho, la France ne peut pas interdire ce produit. « Pour nous, vendeurs de cigarettes électroniques, l’État ne peut qu’autoriser ce produit, car l’alcool et le tabac le sont, bien que dangereux pour la santé. C’est une campagne hypocrite, où le produit doit devenir rentable pour le pays et ne pas faire trop d’ombre aux lobbies du tabac. Je pense donc qu’à terme, la cigarette électronique pourra être taxée ». Encore un plaisir voué à partir en fumée.

Pour en savoir plus : http://videos.tf1.fr/jt-13h/la-cigarette-electronique-va-faire-l-objet-d-une-evaluation-7866226.html

 

Camille Wormser