La vente en ligne a eu une progression extraordinaire ces dernières années. Amazon est aujourd’hui le premier vendeur de livre en France. L’achat des livres a beaucoup changé en 10 ans, 17 % des ventes passent par le numérique. Que les habitudes d’achat de livres aient changées est un fait indéniable, le tout est de les comprendre pour mieux percevoir la crise que traversent les libraires.

Les souris s'attaquent au papier. (CC Anne Moreau)

Les souris s’attaquent au papier. ( Anne Moreau)

 

Comment les français lisent-ils ?

Les libraires sont très attentifs aux évolutions de lecture des français et pour cause, leurs clients sont des lecteurs. Pour Ingrid Ledru, responsable du site internet et du livre numérique pour la librairie Ombres Blanches à Toulouse, il faut préciser le type de lecture « S’il y a une baisse de la lecture des livres dans leur intégralité, il n’y a pas de baisse de la lecture en général. On passe notre journée à lire. Dans le métro par exemple, on voit beaucoup de personnes lire les journaux que ce soit sur format papier ou sur leur smartphone. L’intérêt pour le livre en tant que tel n’est pas tant en diminution que ça. Même s’il y a une baisse de la lecture du livre, il est loin d’être mort. » Une étude de TNS Sofres de 2008 met en perspective l’évolution de la lecture de livres depuis 1981. On constate qu’alors qu’en 1983, 42 % des français lisaient cinq livres et plus, ils ne sont plus que 34 % aujourd’hui. Cependant, le nombre de « petits lecteurs » (qui lisent moins de cinq livres par année) a augmenté passant de 24 % en 1981 à 35 % aujourd’hui.

 

Les métiers du livre en évolution

Face à la concurrence de la vente en ligne, les libraires ont du s’adapter. Nombreux sont ceux qui ont créé leur interface de vente par correspondance. Ils ne sont plus (s’ils l’on un jour été) de simples vendeurs. Beaucoup de librairies ont augmenté les rencontres et débats qu’elles proposaient. Ingrid Ledru a quitté les rayons il y a cinq ans pour s’occuper du site internet d’Ombres Blanches. Elle a dû, bien sûr, avoir une formation pour acquérir des techniques nouvelles. « La grande différence, c’est qu’on n’a plus de client en face » confie-t-elle avant de poursuivre « l’idée, c’est d’être l’interface entre mes collègues qui sont en rayons et les internautes, le site internet n’est pas qu’un catalogue. C’est un travail qui va évoluer, qui n’est pas figé ». Lieu d’échange et de sociabilité, les librairies se sont ouvertes à un nouveau format sur le modèle lancé par la revue XXI et Feuilleton. Ces revues ont un message éditorial fort : le refus de la publicité comme moyen de subsistance, de grandes analyses sur le long terme… Par ailleurs, les librairies permettent de conseiller des lecteurs sur des auteurs qui n’auraient pas nécessairement la possibilité de se faire connaître. C’est un travail de conseil qui permet aux libraires de diffuser le talent d’un auteur peu médiatisé.

 

L’action du gouvernement 

32 ans après la loi Lang, l’Assemblée Nationale a décidé de renforcer les dispositifs permettant de protéger les libraires dont le chiffre d’affaire a baissé de 5,4 % en 10 ans. Depuis 1981, le prix du livre est fixé par les éditeurs et les libraires ne peuvent le baisser dans la limite de 5 %. Le 3 octobre, les députés ont voté presque à l’unisson un projet de loi visant à interdire la gratuité des frais de ports cumulée avec la remise de 5 %. Cette mesure vise directement le géant d’internet Amazon dont la part sur le marché de la vente en ligne est de 70 %. Aurélie Filippetti, ministre de la Culture a dénoncé une stratégie de vente à perte pour remonter le prix de vente, une fois le monopole du marché acquis. Jeff Bezos, PDG d’Amazon a déclaré à l’AFP « Toute mesure visant à augmenter le prix du livre pénaliserait d’abord le pouvoir d’achat des Français et créerait une discrimination pour le consommateur sur internet. » Selon une étude Xerfi de 2011, la vente au détail de livre est le secteur le moins rentable du commerce (hors alimentaire).

 

Ingrid Ledru conclut en disant « S’il y a une chose qu’un libraire doit éviter, c’est de rester entre ses murs. Il doit s’adapter et avoir un lien avec les lecteurs, ne pas les considérer comme de simples consommateurs. La librairie est un lieu d’échange et de rencontre. Les lecteurs sont en attente de quelque chose en plus que les livres. »

Nicolas Scheffer