Ce mercredi 9 novembre, nous avons appris la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine.

Ou peut-être devrait-on parler de défaite d’Hillary Clinton ? Même si on peut noter qu’elle aurait perdu en dépit d’une avance en termes de nombre de voix totales, scrutin indirect oblige.

 

Image : Gage Skidmore / Licence CC

Image : Gage Skidmore / Licence CC

La défaite d’Hillary Clinton et de ce qu’elle représente

Il est impossible de tirer des conclusions définitives concernant les raisons d’un vote – en particulier si tôt après les résultats – mais il est probable que ce résultat marque avant tout un rejet des élites politiques vues comme déconnectées des aspirations de la majorité des citoyens.

Bien que Donald Trump ait dérapé de façon répétitive durant sa campagne – à un tel point que son équipe de campagne lui a confisqué l’accès à son compte Twitter pour les derniers jours de la campagne -, qu’il ait fait preuve d’une misogynie qui devrait être rédhibitoire, qu’il n’ait pas hésité à faire preuve d’une xénophobie exacerbée, il a remporté l’élection.

Il est vrai qu’il s’est retrouvé face à l’incarnation presque caricaturale de l‘establishment, une ex-première dame, ex-secrétaire d’État, ayant fait l’objet d’une enquête à rebondissement du FBI quant à son utilisation d’un serveur privé pour des mails  pouvant concerner la sûreté de l’État. Bref, la cible idéale pour une campagne de Trump basée sur l’opposition aux élites de Washington.

Il est encore trop tôt pour savoir si le mandat de Trump sera aussi catastrophique que sa campagne ne le laissait craindre – et il a semblé faire preuve d’une surprenante modération lors de son premier discours après les résultats – mais il serait utile de noter quelques tendances de fond qui semblent se dégager de cette élection.

Les nécessaires remises en question

Comme le Brexit, ce résultat doit provoquer d’importantes remises en question au sein des classes politiques et médiatiques des grandes démocraties occidentales.

Une fracture sociale importante devient de plus en plus apparente entre une partie de plus en plus importante de la population – et notamment les classes moyennes inférieures et les campagnes – et les partis politiques traditionnels. Dans nos démocraties, le personnel politique est trop souvent composé de personnes dont c’est la carrière, qui n’ont pas une expérience de ce qu’est la vie d’un citoyen « lambda ». Touchées par la crise et se sentant laissées pour compte lors de la redistribution des bénéfices de la reprise économique, frustrées de voir un partage perçu comme de plus en plus inéquitable des richesses, ces catégories sociales se sentent flouées, incomprises. Déçues par des formations politiques qui s’opposent de façon stérile sans prendre de mesures vraiment courageuses, elles se tournent vers ceux qui se présentent comme une alternative aux partis politiques traditionnels.

Le vote se fait désormais contre le moins détesté des candidats, non pour un projet. Et à ce petit jeu, les partis et les candidats se présentant (souvent de façon assez fausse) comme en dehors du système ont de plus en plus de chance de remporter la mise. Le pire, dans cette logique, c’est que les électeurs se retrouvent généralement déçus de leur candidat, une fois celui-ci élu. Le cas de François Hollande – élu, au moins en partie, contre Nicolas Sarkozy – en est un exemple flagrant.

Les partis politiques « traditionnels » ne sont cependant pas les seules fautifs. Les médias et les instituts de sondage doivent aussi se remettre en question. Leur importance dans nos démocraties contemporaines gavées à l’information est trop grande pour être négligée.
La course au scoop, à l’exclusivité, au sensationnalisme, la timidité éditoriale dictée par des impératifs financiers, le traitement de l’actualité politique parfois inégal des différents partis… Tout cela contribue à renforcer une méfiance des citoyens envers l’information fournie par les médias traditionnels et à laisser un boulevard au populistes s’inscrivant en victimes d’une entente politico-médiatique entre les élites.

Quant aux sondages, nonobstant leurs erreurs manifestes et spectaculaires tant lors du Brexit que de la présidentielle américaine, peut-être est-il temps de s’interroger sérieusement sur leurs effets lors des élections. A quel point notre addiction aux sondages peut-elle être nocive pour nos démocraties?

 

Quelles conclusions peut-on alors en tirer?

Tant que les partis traditionnels passeront plus de temps à tenter de trouver les failles de l’opposition au lieu de présenter un programme cohérent et courageux visant à apporter de réels changements, tant qu’il n’y aura pas de réelles réformes démocratiques (notamment en matière de vote blanc), tant que les personnels politiques ne feront pas preuve d’exemplarité, les candidats se déclarant « anti-système » auront un succès certainement croissant. Et ce quelle que soit l’absurdité ou la dangerosité de leur programme.